La préparation de la visite papale au Québec a donné lieu à beaucoup d’insatisfactions de la part des Autochtones. En Alberta, les tensions sont moindres. Pourquoi ?

Pensionnat

Tout d’abord, la première activité du pape a été la visite du site d’un ancien pensionnat situé à une heure d’Edmonton, à Maskwacis. Mandy Gull-Masty, qui est la déléguée de l’Assemblée des Premières Nations (APN) pour la visite papale au Québec, estime qu’il aurait fallu visiter un pensionnat au Québec également.

Or, les pensionnats sont loin de Québec, en Abitibi ou au Lac-Saint-Jean. Il aurait fallu y aller en hélicoptère. « Ç’aurait été préférable, mais il faut tenir compte de la santé du pape », admet le chef Ghislain Picard, de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL).

Messe

Autre différence logistique, deux lieux et moments différents sont prévus en Alberta pour la messe et le pèlerinage dans un sanctuaire dédié à sainte Anne, la grand-mère de Jésus, populaire dans plusieurs communautés autochtones.

Et le stade du Commonwealth, à Edmonton, est facilement accessible et peut accueillir 65 000 personnes, alors que la basilique à Sainte-Anne-de-Beaupré n’en contient que 2000 : 1400 dans la nef centrale et 600 au sous-sol.

La retransmission sur écrans géants à l’extérieur permettra à un total de 15 000 personnes de suivre la messe de jeudi, mais beaucoup de critiques ont été dirigées vers le diocèse de Québec, qui a attribué 70 % des billets aux Autochtones. « Il y a des survivants des pensionnats qui n’ont pas pu avoir de places à l’intérieur », déplore le chef Picard.

Il pense que les billets « politiques » — entre 10 et 14 places pour chaque ordre de gouvernement (le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec, la Ville de Québec et la Ville de Sainte-Anne-de-Beaupré) – sont trop nombreux.

« Si on avait limité ça à deux ou trois billets, ça aurait laissé de la place à une quarantaine de survivants de plus », dit-il.

Confédération

En Alberta, le diocèse d’Edmonton a eu un unique interlocuteur autochtone, la Confédération des Premières Nations du traité 6. « Ce sont les communautés locales, ce sont elles qui savent quels sont les besoins de leurs membres et des survivants », explique en entrevue l’archevêque d’Edmonton, Richard Smith.

À Québec, la communauté locale est Wendake. Mais comme elle a été peu touchée par les pensionnats pour Autochtones, elle n’a pas voulu jouer un rôle de premier plan dans l’accueil du pape. « Il est venu pour les survivants », explique le grand chef de Wendake, Rémy Vincent.

Le diocèse de Québec a donc traité avec l’APNQL et l’APN, qui ont à maintes reprises dénoncé dans les médias le diocèse. La grande cheffe Gull-Masty de Waswanipi a plusieurs fois déploré le manque d’attention du diocèse de Québec aux besoins des anciens élèves des pensionnats, qui sont souvent âgés.

À Maskwacis, l’accueil a été organisé entièrement par la communauté autochtone locale, les anciens élèves des pensionnats ayant à leur disposition une école primaire pour se reposer et se sustenter dans l’attente de l’arrivée du pape.

Excuses et espoir

À la base, il y avait un dilemme : fallait-il considérer le voyage du pape au Canada comme un tout, avec une progression dans le message, ou alors comme plusieurs voyages d’excuses ?

« L’Alberta est la province où il y a eu le plus de pensionnats et le plus de souffrances, dit en entrevue Gérald Cyprien Lacroix, archevêque de Québec. C’est normal qu’on commence là. On reconnaît les souffrances. »

« Quand on arrive au Québec, le berceau de la foi catholique, on est ailleurs. Une fois qu’on a établi la vérité, il faut la réconciliation. » On a donc pensé que les commémorations sur les plaines d’Abraham mercredi seraient sous le signe de l’espoir.

Mais tant l’APN que l’APNQL tenaient à ce que le message du pape à Québec soit centré sur les excuses aux anciens élèves des pensionnats.

L’idée d’une progression dans la relation entre le pape et les Autochtones est bien ancrée dans la hiérarchie catholique : Raymond Poisson, évêque de Saint-Jérôme et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC), a déclaré samedi dans Le Devoir que les excuses du pape avaient été faites à Rome, le printemps dernier, et qu’il fallait « avancer » durant la visite au Canada.

L’APNQL a dénoncé Mgr Poisson dans un communiqué lundi. Signe qu’il s’agit d’un problème épineux, une ancienne élève crie d’un pensionnat a déclaré lundi en conférence de presse que les excuses en Alberta devaient être suivies à Québec par « une autre étape » et un « plan concret » pour la réconciliation.