(Ottawa) L’ancien chef de la police d’Ottawa affirme que ses policiers n’auraient rien pu faire de différent lors des manifestations du « convoi de la liberté » l’hiver dernier dans la capitale fédérale.

Un résumé d’entrevues de Peter Sloly à la commission a été déposé en preuve mercredi à l’enquête publique sur le recours sans précédent à la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement fédéral, en février.

Une grande partie de ce qui se trouve dans le résumé de l’entretien de 61 pages diffère de ce que la commission a entendu jusqu’ici de la part d’autres policiers. « Le chef Sloly ne pense pas que le Service de police d’Ottawa aurait pu faire quoi que ce soit de sensiblement différent à un niveau global, compte tenu de la crise de sécurité nationale sans précédent », indique le résumé.

La Loi sur les mesures d’urgence, qui a été invoquée le 14 février, a accordé des pouvoirs temporaires et extraordinaires à la police, aux banques et aux gouvernements pour mettre fin aux manifestations. La Commission sur l’état d’urgence est chargée d’enquêter sur la décision du gouvernement libéral de Justin Trudeau d’invoquer cette loi d’exception. Elle a aussi comme mandat d’explorer ce qui s’est passé lorsque des manifestants ont envahi plusieurs rues autour de la colline du Parlement, pendant plus de trois semaines, et ce qui a été fait pour mettre fin aux manifestations.

L’ex-chef Sloly a déclaré aux avocats de la commission qu’il avait dû naviguer au milieu de la tourmente au sein du Service de police d’Ottawa, du conseil municipal et de la Commission de services policiers, alors que la population réclamait la fin des manifestations au centre-ville.

La commission a beaucoup entendu de récits de cette tourmente au cours des 10 premiers jours d’audiences publiques. Des témoins précédents, y compris des officiers supérieurs de la Police provinciale de l’Ontario, ont évoqué un manque de renseignements éclairés au début de la manifestation.

Steve Bell et Patricia Ferguson, qui étaient chefs adjoints de la police d’Ottawa en février, ont également déclaré à la commission qu’il y avait de la désorganisation et de la confusion au sein de la structure de commandement du service.

M. Sloly soutient par ailleurs que les lacunes dans le renseignement avant la manifestation montrent que la stratégie de sécurité nationale au Canada se concentre trop sur l’extrémisme islamique, au détriment d’autres menaces.

Sur la base des rapports de renseignement, il a déclaré comprendre que les intentions des manifestants du « convoi de la liberté » étaient passées d’une dénonciation de la vaccination obligatoire par Ottawa à des messages concurrents, notamment des appels à renverser le gouvernement fédéral ou à abroger des lois.

Une unité de renseignement de la Police provinciale produisait des rapports à l’époque avertissant que les manifestants pourraient rester longtemps sur place. L’un de ces rapports, présenté comme preuve à l’enquête, signalait que le « convoi de la liberté » était « à haut risque » de perturbations de la circulation et d’activités illégales.

M. Sloly a déclaré aux avocats de la commission qu’il n’avait aucune idée que l’occupation durerait des mois et que la police d’Ottawa serait un jour dépassée par les évènements. Il a déclaré que le chef adjoint Bell ne l’avait pas informé que cette manifestation pourrait se transformer en crise de sécurité nationale.

M. Bell, qui est maintenant chef par intérim, a déclaré lundi que la police s’attendait à ce que les manifestants soient pacifiques et quittent après trois jours. Il a aussi estimé que la police ne s’était pas correctement préparée aux impacts que les manifestations auraient sur les résidants.

Le chef Sloly a démissionné de son poste le 15 février, un jour après le recours à la Loi sur les mesures d’urgence. Il invoquait alors un « manque croissant de confiance » dans son leadership et dans son travail, ce qui entraînait un retard dans l’arrivée des renforts.

M. Sloly doit témoigner vendredi lors des audiences publiques de la commission Rouleau, à Ottawa.