(Ottawa) Le Canada collabore avec ses partenaires d’outre-mer, notamment la Cour pénale internationale, afin de trouver les responsables des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en Ukraine.

L’enquête de la GRC, lancée il y a un an, vise à récolter et à conserver les preuves qui pourraient être utilisées dans de futurs procès.

La police fédérale demande d’ailleurs à tous ceux ayant des liens avec le Canada et pouvant avoir des renseignements à ce sujet de la contacter par l’entremise d’un portail internet créé pour l’occasion.

La GRC souhaite obtenir des renseignements sur tout acte de violence perpétré en Ukraine depuis le 24 février 2022, soit le début de l’invasion russe, et depuis l’occupation du Donbass et de la Crimée en 2014. L’enquête est menée sous l’égide du programme fédéral Crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Elle examine et analyse ces renseignements. Elle rencontre parfois des informateurs afin d’obtenir plus de précisions.

L’enquête est publicisée sous forme d’affiches et de brochures remises aux réfugiés ukrainiens qui se sont installés au Canada l’an passé. Des agents participent aussi à des rencontres des diverses communautés ukrainiennes dans le pays.

La quête de renseignements n’est pas une tâche facile. La caporale Kate Walaszczyk, une enquêteuse de la GRC, dit que certaines personnes ont d’autres préoccupations à leur arrivée au pays. Elles ont besoin de temps pour mieux comprendre l’expérience vécue avant de venir la raconter.

La caporale Walaszczyk ne précise pas le nombre de personnes ayant contacté la Police montée. « Mais je peux dire que nous avons reçu un assez grand volume de renseignements », lance-t-elle.

La collecte de renseignement se poursuit. Les enquêteurs espèrent entendre ceux qui ont pu observer des crimes ou les ont photographiés ou filmés.

L’un des principaux obstacles est le manque de confiance des populations de l’Europe de l’est envers les autorités, un héritage de l’époque soviétique. Mme Walaszczyk, qui a du sang polonais dans les veines, dit avoir rencontré la même hésitation au sein de sa propre famille. « Je me souviens que ma mère a eu des difficultés à accepter que je devienne une policière pour ces mêmes raisons », raconte-t-elle.

Si, à l’ère des téléphones intelligents dotés d’une caméra, il est plus facile de documenter un incident, il devient plus aussi plus ardu d’en faire le tri pour s’assurer que les images sont authentiques.

« Peut-on imaginer 100 angles différents sur la même chose ? On ne peut plus prétendre que quelque chose ne s’est pas produit. »

Darryl Robinson, un professeur de droit de l’Université Queen’s, à Kingston, qui a participé à l’élaboration de la législation canadienne contre les crimes de guerre, applaudit les efforts de la GRC.

C’est une chose d’interviewer des témoins et de documenter leurs expériences, reconnaît-il. « Il est plus difficile de prouver qui a commis ce crime. Il est encore plus difficile de prouver qui l’a ordonné ? Qui était le responsable ? Donc, ces preuves numériques sont fantastiques, car elles aident à placer une personne précise à un endroit précis. Mais ça, c’est la partie la plus difficile d’une enquête », souligne le Pr Robinson.

On pourrait croire que les preuves photographiques ou vidéographiques sont rares parce que les perpétrateurs ne documentent pas leurs propres crimes, mentionne-t-il.

« Or, l’expérience démontre le contraire. C’est incroyable le nombre de soldats qui vont photographier ou filmer leurs crimes. Pour des raisons diverses, ils ne se considèrent pas comme des criminels. Ils ont une autre vision de ce qui en train de se produire. »

Les procès pour crime de guerre ou crime contre l’humanité sont rares au Canada, constate le professeur Robinson. « Ceux qui profiteront le plus de l’initiative de l’enquête sont les organisations comme la Cour pénale internationale ou les procureurs ukrainiens. »