(Charlottetown) La crise du logement a pris une telle ampleur qu’elle touche l’ensemble des régions du pays, a reconnu Justin Trudeau. Mais les Canadiens doivent éviter d’imputer aux immigrants cette crise qui est l’aboutissement de décennies de mauvaise planification et d’investissements insuffisants, a fait valoir le premier ministre.

À l’issue d’une retraite de trois jours de son cabinet à Charlottetown où la crise du logement a été le sujet dominant à l’ordre du jour, M. Trudeau a tenu à lancer un appel à la prudence. Tenir les nouveaux arrivants responsables de cette crise est tout à fait injuste et irresponsable, a-t-il insisté.

M. Trudeau a lancé cet appel tandis que son gouvernement s’est donné comme objectif d’accueillir un nombre record de 500 000 immigrants par année à compter de 2025 afin de répondre notamment aux demandes pressantes des entreprises qui sont aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre.

Certains experts ont toutefois mis en garde le gouvernement Trudeau qu’une telle cible en matière d’immigration risquait d’aggraver la crise du logement. Au cours des derniers jours, certains ministres ont ouvert la porte à la possibilité de revoir cette cible si cela s’avère nécessaire, dont le ministre de l’Immigration, Marc Miller.

Respect et collaboration

En point de presse, M. Trudeau a reconnu qu’il fallait évaluer tous les facteurs à l’origine de la crise du logement, y compris l’immigration. Mais il faut le faire d’une manière prudente et réfléchie.

« Il n’y a pas juste une cause. Il y a énormément de facteurs qui expliquent cette crise du logement, et les gens le savent très bien. Oui, il va falloir être bien réfléchi et il faut réagir à chaque élément du problème de façon responsable. Ça ne sert à rien de blâmer une personne ou un groupe de personnes pour un problème qui se développe depuis des décennies au Canada », a-t-il avancé.

Il a rappelé que l’on a accusé dans le passé les acheteurs étrangers pour la flambée des prix des maisons avant de montrer du doigt les entreprises du secteur de la construction, ou encore la lenteur des municipalités à accorder les permis.

« L’important, c’est que l’on travaille ensemble de façon respectueuse et collaborative dans un dossier sur lequel tous les gouvernements sont d’accord. On doit améliorer l’accès au logement pour les citoyens. On a une économie qui fonctionne très bien. Il y a énormément d’emplois. Il nous manque du monde pour faire ce travail. Il manque des logements pour loger ces gens. C’est le problème que l’on doit régler. On va le faire de façon collaborative et respectueuse », a-t-il ajouté.

Précédents

Selon les estimations de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), il faudrait construire 5,8 millions de logements d’ici 2030 pour remettre le pays sur les rails de l’abordabilité en matière de logement. Or, il faudrait construire trois fois plus de logements par année pour y arriver. Le rythme actuel de construction (environ 280 000 logements par année) ne permettrait de construire qu’environ 2,3 millions de logements.

Devant les journalistes, M. Trudeau a dit vouloir travailler de près avec les provinces, les maires des grandes villes, les grands acteurs de l’industrie de la construction, les organisations à but non lucratif qui œuvrent dans le secteur du logement abordable et les institutions financières, entre autres, pour s’attaquer à cette crise.

Il n’a toutefois pas confirmé que son gouvernement souhaite organiser un sommet national sur le logement. Il a fait valoir que les gouvernements ont réussi à régler d’autres crises du logement dans le passé en faisant appel à la mobilisation de tous, notamment lorsque les soldats canadiens sont rentrés au pays après la Seconde Guerre mondiale et lorsque les enfants des baby-boomers ont quitté le nid familial au début des années 1970.

« Le Canada a réussi à relever un défi semblable dans le passé. Nous avons fait face à d’autres crises du logement. Après la Seconde Guerre mondiale, quand les soldats canadiens sont revenus au pays, nous avons construit un grand nombre de maisons. Le gouvernement fédéral était au cœur de cet effort. […] Nous allons encore nous retrousser les manches et nous allons régler cela pour les Canadiens », a lancé M. Trudeau.

Trudeau n’a toujours aucun plan, dénonce Poilievre

Au terme d’une retraite qui mettait l’accent sur le logement et l’augmentation du coût de la vie, le gouvernement de Justin Trudeau a promis des actions concrètes, mais n’a fait aucune annonce ni pris aucun engagement, ce qu’a furieusement dénoncé le chef conservateur Pierre Poilievre.

« Après trois jours de grands photo ops et beaucoup de discours, qu’est-ce qu’on a ? Quelle solution a été présentée pour renverser les politiques libérales qui ont causé cette crise ? Zéro. Aucun échéancier, aucun plan pour renverser la crise Trudeau dans le logement », a-t-il lancé mercredi dans le foyer de la Chambre des communes.

M. Poilievre, qui crie sur tous les toits que de jeunes adultes sont contraints de vivre dans le sous-sol de leurs parents, a amplifié sa formule pour décrire ce qu’il voit poindre comme une « crise humanitaire ».

« C’est maintenant le jeune de 35 ans et sa mère qui ont peur de perdre leur maison et de devoir vivre dans une tente, a-t-il dit. C’est du jamais vu, au moins depuis la Grande Dépression des années 30. »

Et de Burnaby, en Colombie-Britannique, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a jugé que les libéraux ont « manqué leur coup » en n’ayant « rien » à annoncer après trois jours de discussions sur le sujet et que la seule idée qu’ils ont dit envisager est de plafonner le nombre de visas accordés à des étudiants étrangers.

Au chapitre des solutions, les conservateurs suggèrent de réduire l’augmentation des dépenses gouvernementales pour calmer l’inflation, de sabrer « la bureaucratie » pour accélérer la construction de logements, de punir les municipalités si elles ne délivrent pas assez rapidement des permis, et de réduire les taxes et les impôts.

La Presse Canadienne