(Ottawa) L’ancien ministre des Affaires étrangères Marc Garneau estime que le Canada devrait chercher à resserrer ses liens avec la Corée du Sud. Selon lui, les deux pays pourraient s’entraider pour accroître leur influence dans la région indopacifique stratégiquement importante.

« À une époque où le dialogue géopolitique tend à être dominé par les superpuissances, les puissances moyennes prospères comme la Corée et le Canada ont des choses à dire qui valent la peine d’être écoutées », a déclaré M. Garneau en entrevue.

« Nous avons le potentiel de travailler ensemble et, de manière coordonnée, d’avoir une plus grande voix sur la scène mondiale », a-t-il ajouté.

M. Garneau sera nommé le mois prochain coprésident canadien du Forum Canada-Corée, un groupe qui se consacre à stimuler les échanges commerciaux et scientifiques entre les deux pays.

Relation en plein essor

Sa nomination intervient à un moment où Ottawa et Séoul affirment n’avoir jamais été aussi proches, les deux lançant des stratégies indopacifiques qui appellent à un engagement plus profond avec les pays riverains du Pacifique afin de réduire leur dépendance à l’égard de la Chine.

Les deux plans visent notamment à former de meilleurs partenariats avec des démocraties engagées envers un monde à faibles émissions de carbone et le respect de règles destinées à empêcher les États voyous comme la Corée du Nord d’empiéter sur les frontières souveraines.

Ces dernières semaines, le géant de l’automobile Stellantis a commencé à embaucher du personnel pour une future usine de batteries de véhicules électriques à Windsor, en Ontario, une coentreprise avec la société coréenne LG Energy Solution. Des entreprises coréennes et canadiennes ont également uni leurs forces pour annoncer leur intention de construire deux usines distinctes à Bécancour, au Québec, pour les composants entrant dans la fabrication de ces batteries.

Pendant ce temps, la Corée du Sud a exprimé son souhait d’importer davantage de produits alimentaires et de gaz naturel liquéfié du Canada, d’autant plus qu’elle s’inquiète du fait que la Chine et la Russie restreignent l’accès à l’énergie et aux produits alimentaires.

Tout cela fait partie d’une relation commerciale en plein essor qui s’est approfondie depuis que les deux pays ont signé un accord commercial il y a près de dix ans.

Alors que les exportations canadiennes vers la Corée du Sud étaient généralement axées sur les minéraux essentiels et la pâte de bois, les simulateurs d’aviation, les investissements immobiliers et les services financiers ont récemment été ajoutés à la liste.

« Nous examinons en détail les domaines dans lesquels nous pouvons profiter les uns des autres en termes de commerce, afin qu’ils puissent avoir des chaînes d’approvisionnement plus fiables et que nous puissions avoir plus de possibilités commerciales », a déclaré l’ancien ministre libéral.

 » Nous voulons passer à la vitesse supérieure », a ajouté M. Garneau, qui fut le premier citoyen canadien à aller dans l’espace.

Faire front commun

L’ex-ministre a soutenu qu’Ottawa devrait faire pression pour faire partie d’un accord de sécurité que Washington a élaboré le mois dernier avec le Japon et la Corée du Sud.

Les deux partagent une histoire difficile et une relation compliquée, compte tenu de l’ancienne colonisation de la Corée par le Japon. Pourtant, ils se retrouvent à coopérer de plus en plus face aux gouvernements perturbateurs de la Chine et de la Russie voisines.

C’est pourquoi les États-Unis ont élaboré un partenariat stratégique à trois volets avec Tokyo et Séoul. M. Garneau soutient qu’Ottawa devrait se joindre à eux.

« Je pense que, du point de vue coréen, ils aimeraient que le Canada s’implique également dans ce dossier, et je pense que c’est dans notre intérêt en tant que pays du Pacifique Nord, a-t-il déclaré. Nous avons tellement de choses en commun tous les quatre que ce serait bien de les explorer. »

M. Garneau n’est allé en Corée du Sud que trois fois, mais il a déclaré qu’il considérait le pays comme un poids lourd mondial pour la production de Samsung, de LG et d’une scène musicale K-pop dynamique.

M. Garneau a contribué à la rédaction de la stratégie indopacifique du Canada et s’est dit encouragé de voir qu’elle mène à davantage d’activités diplomatiques dans la région.

Mais les tensions récentes avec l’Inde montrent la nécessité d’établir une gamme de liens, a-t-il déclaré, ajoutant qu’Affaires mondiales Canada doit encore combler les lacunes en matière d’expertise asiatique au sein de ses équipes.

Pour renforcer cela, il faudra non seulement former les diplomates aux langues et aux cultures de la région, mais aussi à la manière d’effectuer des visites de haut niveau, a déclaré M. Garneau, en particulier celles liées à des jalons historiques.

« Il est maintenant temps pour le Canada de tourner son regard et son attention vers le continent asiatique, vers l’Indo-Pacifique. Parce que c’est littéralement la région la plus dynamique du monde. Nous sommes déjà dans le siècle de l’Indo-Pacifique », indique M. Garneau.