(Ottawa) Les députés libéraux ne partagent pas tous la même interprétation de ce qu’impliquent des « pauses humanitaires » dans le conflit entre Israël et le Hamas, comme le préconise le premier ministre Justin Trudeau.

Aux yeux de l’élu néo-brunswickois René Arseneault, se prononcer en faveur de « pauses » au Proche-Orient n’est pas suffisant. « Non, c’est un début de quelque chose qui pourrait devenir suffisant, je pense […] qu’il faut commencer par quelque chose qui va mener à ça », a dit l’élu mercredi alors qu’il se rendait à la réunion hebdomadaire du caucus libéral.

Par « ça », il entend un « cessez-le-feu » qui, espère-t-il, pourra devenir « permanent ». « Je pense qu’une pause c’est un début d’aller vers le cessez-le-feu. Si on parle d’une pause, j’espère, j’ose croire et je souhaite hardiment qu’on va finir par avoir un cessez-le-feu (permanent) et que les pays occidentaux dont nous sommes arriveront à trouver une solution entre eux pour pouvoir faire cesser ce calvaire que vit le Moyen-Orient », a ajouté l’élu.

Mardi, M. Trudeau a indiqué que le Canada est favorable à des « pauses humanitaires » tout en précisant qu’il continue d’écarter la demande d’un cessez-le-feu.

« On doit rester ancrés sur la priorité de protéger les innocents, de libérer les otages. Et on est ouverts et on appuie l’idée de pauses humanitaires pour permettre l’accès à des ressources nécessaires pour les civils », a-t-il déclaré à son arrivée à la période des questions.

« Pas d’un cessez-le-feu », a-t-il ensuite noté en entrant dans la Chambre des communes.

Mercredi après-midi, il est revenu sur le sujet quand une journaliste lui a demandé de clarifier la distinction qu’il voit entre des pauses humanitaires et une trêve.

« Des pauses humanitaires, c’est vraiment à trois buts, d’abord de permettre de l’aide humanitaire de se rendre pour les gens de Gaza, c’est (pour) permettre de sortir les otages — c’est inacceptable que le Hamas continue de garder les otages — et c’est aussi une opportunité de pouvoir sortir des civils, particulièrement les Canadiens et d’autres citoyens », a-t-il déclaré en mêlée de presse.

Il a aussi réaffirmé que le Canada « reconnaît qu’Israël a le droit de se défendre (et insiste qu’il) doit le faire en accordance avec le droit humanitaire, le droit international ».

Selon le député ontarien Peter Fragiskatos, il serait « très difficile d’entrevoir une situation où le Hamas maintiendrait un cessez-le-feu ».

À son avis, les définitions en droit international établissent clairement une distinction entre des pauses humanitaires et un cessez-le-feu.

« (C’est) quelque chose de différent, très différent », a-t-il affirmé.

Il n’est pas clair combien de députés libéraux ne partagent pas la même interprétation, mais, selon toute vraisemblance, MM. Arseneault et Fragiskatos ont des visions différentes.

Rares ont été les conservateurs à s’arrêter devant les journalistes, mercredi. Le parti est favorable à la création de couloirs humanitaires en insistant sur l’idée qu’ils permettront de faire sortir les ressortissants étrangers de Gaza.

Questionné sur l’idée d’une pause humanitaire, leur député Marty Morantz, qui est de confession juive, a jugé que cela « pourrait être une bonne idée, mais pas tant que tous les otages ne seront pas libérés ».

« S’ils (le Hamas) se souciaient vraiment de l’état du peuple palestinien, ils libéreraient ces otages et veilleraient à ce que l’aide humanitaire soit acheminée en conséquence », a-t-il dit.

Le sénateur conservateur du Québec Pierre-Hugues Boisvenu s’est dit favorable uniquement à « de courtes trêves » afin de « faire sortir les Canadiens de là ».

Il a déclaré qu’il considère hors de question de négocier un cessez-le-feu avec « un groupe terroriste » puisque « l’histoire nous montre que ces gens-là (ne) lâcheront jamais ».

À la période des questions, le député néo-démocrate Blake Desjarlais a réitéré le souhait de son parti qu’Ottawa réclame un cessez-le-feu.

Il a aussi témoigné que l’adolescente de 12 ans d’un de ses électeurs est coincée à Gaza, séparée de ses parents qui, eux, ignorent où elle se trouve. « Nous avons besoin de davantage d’aide humanitaire et d’une réponse équitable envers les civils israéliens et palestiniens », a-t-il dit.

Le Bloc québécois, lui, est favorable à une trêve afin d’acheminer de l’aide humanitaire et souhaite qu’Israël poursuive ensuite son offensive contre le Hamas.

Les ministres européens des Affaires étrangères ont convenu lundi qu’un arrêt temporaire des combats était nécessaire pour acheminer l’aide vers Gaza. Le président français Emmanuel Macron était en Israël mardi pour faire pression en faveur d’une telle « trêve humanitaire » afin d’approvisionner les civils gazaouis.

Le président américain Joe Biden s’est rendu, il y a quelques jours, dans la région, de même que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Les discussions diplomatiques ont beaucoup porté sur l’ouverture d’un point de passage vers Gaza. Israël avait insisté pour que rien n’entre à Gaza jusqu’à ce que quelque 200 personnes capturées par le Hamas soient libérées.

Des centaines de militants du Hamas ont organisé une attaque terrestre et aérienne dans le sud d’Israël le 7 octobre, tuant 1400 personnes, dont plusieurs centaines lors d’un festival de musique en plein air et des familles vivant dans des coopératives agricoles connues sous le nom de kibboutz.

Depuis ce temps, les Gazaouis sont confrontés à de graves pénuries de nourriture, d’eau et de carburant et plus d’un million d’entre eux ont été déplacés dans l’enclave. Les autorités palestiniennes, dirigées par le Hamas, affirment que plus de 5000 personnes sont mortes à Gaza à cause des tirs de roquettes israéliennes.

Avec des informations de Michel Sabaet de l’Associated Press