La Gendarmerie royale du Canada (GRC) peine à se conformer aux exigences de la Loi sur les langues officielles, a reconnu son commissaire, Michael Duheme.

« Nous avons parfois du mal à assurer notre pleine conformité avec la loi », a-t-il déclaré lundi devant le Comité permanent des langues officielles. Une situation qu’il dit prendre « très au sérieux ».

Une nouvelle stratégie sur les langues officielles sera implantée cet automne. Elle prévoit notamment que « les cadres et les membres réguliers de niveau d’officier qui ne satisfont pas aux exigences en matière de bilinguisme » fassent « l’objet d’évaluation » et « suiv[ent] une formation » de sorte « qu’ils se conforment aux exigences ».

M. Duheme était convoqué par le comité après que Radio-Canada a révélé que plusieurs hauts gradés occupent des postes bilingues même s’ils ne parlent pas français et ne suivent pas de cours pour y remédier.

Selon lui, « 87,5 % des employés occupant des postes bilingues satisfont aux exigences de leur poste ». Ce pourcentage descend à 59 % au sein de l’État-major supérieur.

Sur 10 personnes, seules 4 « ont le profil valide », a-t-il indiqué, précisant que 2 des 3 membres unilingues anglophones étaient auparavant exemptés des exigences de bilinguisme puisqu’ils travaillent en Colombie-Britannique et en Alberta, des provinces anglophones.

Pénurie et exigences opérationnelles

Le « défi », pris « très au sérieux » par le grand patron de la GRC, ne date « pas juste d’aujourd’hui » et est dû à « plusieurs facteurs ». D’abord, M. Duheme évoque la difficulté de libérer les employés pour des formations en raison des besoins opérationnels.

La GRC a notamment « de la misère à combler certains postes bilingues de haut niveau […] On regarde tout le temps le bilinguisme d’abord et avant tout. La réalité, c’est qu’il y a des positions clés pour lesquelles on a besoin d’expertise dans certains domaines, et puis, que ces gens-là n’ont pas eu l’opportunité d’apprendre le français ou une langue seconde ». « [Ça] nous oblige, des fois, à l’occasion, à combler un poste bilingue avec quelqu’un qui est unilingue pour vraiment répondre au mandat de l’organisation d’assurer la sécurité publique. »

Des incitatifs à l’apprentissage des deux langues sont toutefois mis en place, selon M. Duheme, qui affirme que le bilinguisme est essentiel pour les employés qui veulent gravir l’échelle de l’organisation et qu’il est associé à des primes.

Comme second défi s’ajoute la pénurie de main-d’œuvre, à laquelle n’échappe pas la GRC. « De moins en moins de gens démontrent un intérêt » pour la fonction policière, remarque M. Duheme, ce qui réduit du même coup le bassin d’employés francophones, soutient-il.

Il indique que des efforts ont été faits pour attirer plus de personnel, comme la fin de l’imposition de mobilité, qui obligeait les employés à pouvoir travailler partout au pays.

Les exigences de bilinguisme n’ont toutefois pas été modifiées depuis la réforme, en juin dernier, de la Loi sur les langues officielles.

Le budget de formation linguistique de la GRC a cependant augmenté, passant d’environ 1,4 million de dollars à 2,5 millions cette année. La dirigeante principale des ressources humaines, Nadine Huggins, a également affirmé que le nombre de classes bilingues à l’École de la GRC, à Regina, a « commencé » à augmenter, passant de 2 à 3 cette année.

Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.