(Ottawa) Un premier contingent canadien de 75 personnes a pu être extirpé de la bande de Gaza, mardi, par le poste-frontière de Rafah, et d’autres départs sont attendus ce mercredi. Ottawa se dit prêt à poursuivre l’opération, tout en prévenant qu’il faut s’attendre à « des retards importants » à la frontière.

« Nous pouvons confirmer qu’aujourd’hui [mardi], 75 Canadiens, résidents permanents et membres de leur famille admissibles ont traversé la frontière de Gaza en Égypte au poste frontalier de Rafah », a annoncé tard mardi soir Affaires mondiales Canada.

« D’autres départs de Gaza sont prévus pour demain [ce mercredi] », a ajouté le Ministère.

En début de journée, mardi, alors qu’un premier groupe s’apprêtait à fouler le sol égyptien, la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, s’était réjouie de cette « lueur d’espoir » dans une vidéo tournée au Japon, où elle se trouve pour une rencontre du G7.

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Mélanie Joly

Son ministère a toutefois apporté ce bémol : le gouvernement canadien « ne détermine pas quand et combien de personnes peuvent traverser au quotidien », et « les Canadiens devraient s’attendre à des retards importants au poste frontalier de Rafah ».

Un chemin semé d’embûches

L’opération de rapatriement de mardi a été tout sauf simple, a relaté Louis Dumas, ambassadeur du Canada en Égypte.

Les trois autobus envoyés à la frontière au petit matin ont en effet été ralentis par une nappe de brouillard, prolongeant un trajet pour lequel il faut déjà compter plusieurs heures, en terrain hasardeux.

« On a eu des pépins le long de la route, car il y a eu beaucoup de brouillard sur la côte méditerranéenne », a raconté le diplomate en entrevue.

Si le gouvernement est parvenu à faire sortir 75 personnes, il s’agit d’une fraction – moins du quart – des quelque 450 citoyens et résidents permanents canadiens et leurs proches qui étaient pris dans la bande de Gaza.

Arrivera-t-on à évacuer l’ensemble du contingent d’ici les prochains jours ?

L’ambassadeur Louis Dumas, qui est en poste au Caire depuis trois ans et qui a auparavant été à la mission canadienne à Tel-Aviv, évite de faire de telles promesses.

Il faut être réaliste ; je pense qu’on va être là-dedans pour une période assez longue. Mais on s’engage à 100 % à les sortir tous, et on est prêts.

Louis Dumas, ambassadeur du Canada en Égypte

Il n’est pas impossible que le poste frontalier de Rafah s’ouvre et se ferme de manière imprévisible, comme ce fut le cas la fin de semaine dernière, ce qui a créé un arriéré qu’il faut maintenant gérer.

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Des détenteurs de passeports étrangers vérifient la liste des noms des personnes autorisées à franchir le poste-frontière de Rafah pour entrer en Égypte.

« On devait sortir 200 personnes dimanche et 210 personnes lundi », a relaté le chef de mission.

« Mais samedi, il y a eu un désaccord à la frontière alors que le Hamas a tenté de faire passer des gens dits d’intérêt – on ne sait pas exactement qui – et quand l’Égypte et Israël ont refusé qu’ils passent, le Hamas a dit : “Si nos gens d’intérêt ne passent pas, il n’y a personne qui passe” », a-t-il expliqué.

Hésitations égyptiennes

L’Égypte était déjà très réfractaire à l’idée d’ouvrir sa frontière avec l’enclave.

Le président Abdel Fattah al-Sissi s’oppose à un déplacement massif de Palestiniens de Gaza vers l’Égypte, y voyant un péril pour l’avenir de la cause palestinienne.

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Le président de l’Égypte, Abdel Fattah al-Sissi

Le monde ne doit jamais tolérer le recours à la souffrance humaine pour forcer des gens à se déplacer.

Abdel Fattah al-Sissi, président de l’Égypte, au Sommet du Caire pour la paix, le 21 octobre dernier, selon une transcription de son discours

Le déplacement des Palestiniens vers les terres égyptiennes serait un nouveau pas vers une « liquidation de la cause palestinienne et briserait le rêve d’un État palestinien indépendant », a soutenu le président Abdel Fattah al-Sissi.

Les ressortissants étrangers devront vite quitter l’Égypte, d’ailleurs, en vertu de l’entente qui a été conclue.

Casse-tête consulaire et sécuritaire

« Demain [mercredi] matin, à la première heure, on va avoir des entrevues avec eux pour remettre le casse-tête en place. On va avoir des gens avec des passeports, et d’autres sans », a précisé Louis Dumas.

Participeront à l’opération des experts consulaires et de sécurité publique.

« Aussitôt que les gens seront prêts et capables de voyager, on va avoir un agent de voyages sur place qui va les accompagner dans la réservation de vols », a détaillé l’envoyé d’Ottawa au Caire.

Des blocs de sièges ont été réservés à bord d’appareils de la compagnie Egyptair pour les vols depuis la capitale égyptienne, a-t-il noté.

Les billets seront aux frais des personnes évacuées.