Les Forces armées canadiennes (FAC) ont ouvert leurs portes aux résidents permanents dans l’espoir de garnir leurs rangs. Mais après un an, seulement 77 se sont enrôlés, dont 10 au Québec, a appris La Presse.

C’est bien peu de militaires en action pour une campagne qui avait été annoncée le 5 décembre 2022 dans le but de donner un nouveau souffle au recrutement. D’autant plus que le Canada s’attendait à accueillir 465 000 nouveaux résidents permanents en 2023.

La ministre de la Défense nationale de l’époque, Anita Anand, avait déclaré que « l’enrôlement de résidents permanents nous aidera à faire croître nos forces armées en y intégrant des gens compétents et bien formés qui choisissent une carrière en uniforme ».

Au sein des FAC, les responsables du recrutement suggèrent de regarder le bilan dans une perspective à plus long terme. Ils indiquent avoir reçu 21 472 demandes en ligne de résidents permanents entre le 1er novembre 2022 et le 24 novembre 2023. De ce nombre, plus de 6000 ont passé les tests d’aptitude et 2800 ont subi leur évaluation médicale.

Toutes ces personnes sont toujours dans la mécanique administrative des FAC menant à un éventuel enrôlement. Mais cette mécanique prend du temps, ce que reconnaissent les porte-parole militaires.

« Ce chiffre de 77 personnes enrôlées peut avoir l’air petit, mais nous sommes dans un processus non linéaire qui demande plusieurs vérifications, autant pour les citoyens canadiens que les résidents permanents », indique en entrevue le lieutenant-colonel Dave Cameron, officier supérieur de l’état-major des opérations au quartier général du groupe de recrutement des FAC.

Lorsqu’un candidat manifeste le désir de s’enrôler dans l’armée, il doit franchir trois grandes étapes : les tests d’aptitude, l’examen médical et les vérifications de sécurité. Or, cette dernière étape peut être plus longue pour les résidents permanents en raison de vérifications à faire en dehors du pays.

Faire les vérifications de sécurité est ce qui prend le plus de temps. Nous lançons le processus très tôt pour ne pas trop retarder la démarche.

Dave Cameron, officier supérieur de l’état-major des opérations

Des 77 nouveaux venus, plusieurs ont choisi les métiers de fantassin, matelot et technicien en avionique, précisent les FAC. D’autres candidats ont manifesté leur intérêt pour une grande variété de postes : administration, officier de génie, cyberopérateur, etc.

Qualifications

Pour Christian Leuprecht, professeur titulaire au Collège royal militaire du Canada, les données chiffrées sont difficiles à interpréter dans l’instantané puisqu’il n’y a pas de précédent.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Il y a de nombreux postes spécialisés à pourvoir dans la marine et l’aviation canadiennes.

« Je pense qu’il faut davantage regarder avec quelles qualifications se présentent les recrues, dit-il. Les Forces ont des pénuries de main-d’œuvre dans des domaines précis, comme les emplois techniques dans la marine et l’aviation. De plus, il y a des domaines où il y a un manque de francophones. Encore là, il faudra voir si l’enrôlement de résidents permanents permettra de pourvoir des postes. »

Le Canada n’est pas le premier pays à ouvrir les rangs de son armée aux résidents permanents. En Espagne, 7 % des membres de l’armée n’étaient pas des Espagnols en 2008, selon Associated Press. Ce sont notamment des personnes d’origine sud-américaine. C’est le cas depuis que le service militaire obligatoire a été aboli en Espagne, en 2000.

D’autres pays comme les États-Unis, l’Australie et la France (Légion étrangère) incorporent des individus nés en dehors de leur territoire.

Selon Stéphane Roussel, professeur titulaire à l’École nationale d’administration publique (ENAP), enrôler des résidents permanents est une bonne idée dans le contexte où le recrutement comme la rétention de nouveaux militaires sont des « problèmes contigus », que la démographie canadienne change avec les nouveaux arrivants et que le pays a un taux de chômage très bas.

En retard sur l’objectif

De façon générale, les FAC accusent un retard sur leurs objectifs de recrutement pour le présent exercice financier. Depuis le 1er avril, environ 2700 enrôlements ont été enregistrés. « On estime qu’à la fin de l’année, 4200 personnes se seront enrôlées. L’objectif est de recruter 6700 citoyens et résidents permanents », note le lieutenant-colonel Cameron.

On est loin du compte… « Oui, mais on s’attend à ce que ça augmente, répond le porte-parole. Dans les dernières années, nous avons noté une augmentation de postulants. »

Lorsque la nouvelle politique a été annoncée, les FAC avaient indiqué que les résidents permanents s’enrôlant pourraient voir leur démarche vers la citoyenneté s’accélérer. Les FAC n’ont cependant pas été en mesure de nous dire si certaines des 77 nouvelles recrues ont été naturalisées canadiennes.

Selon les statistiques du recensement fédéral de 2021, 97 625 Canadiens servaient alors dans les Forces, que ce soit dans la force régulière ou la réserve.

En savoir plus
  • 11
    Sur les 77 résidents permanents enrôlés en date du 24 novembre, 11 sont des femmes.
    SOURCE : FORCES ARMÉES CANADIENNES
  • 2144
    Nombre de résidents permanents demeurant au Québec qui ont soumis une demande pour une carrière dans les FAC entre le 1er novembre 2022 et le 24 novembre 2023.
    SOURCE : FORCES ARMÉES CANADIENNES