(Ottawa) Les audiences de la commission d’enquête publique et indépendante sur l’ingérence étrangère débutent lundi à Ottawa, les séances de cette semaine ayant pour but de se pencher sur ce qui devra demeurer confidentiel à des fins de protection de la sécurité nationale.

La juge Marie-Josée Hogue, qui préside les travaux, doit entendre des témoins de faits et des experts reconnus.

Parmi ceux qui doivent témoigner au courant de la semaine figurent notamment Pierre Trudel, professeur à l’Université de Montréal, et Richard Fadden, ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, est aussi attendu, de même que l’actuel dirigeant du SCRS, David Vigneault.

PHOTO CHRIS WATTIE, ARCHIVES REUTERS

L’actuel dirigeant du SCRS, David Vigneault

« Ces audiences sont qualifiées de préliminaires dans la mesure où elles permettront de préparer les prochaines audiences publiques lors desquelles la Commission examinera les questions de fond qui découlent de son mandat », avait soutenu la commissaire par communiqué en décembre.

Mme Hogue doit remettre un premier rapport au plus tard le 3 mai. Le rapport final est pour sa part attendu d’ici à décembre 2024.

Les audiences préliminaires doivent s’échelonner sur cinq jours, selon le calendrier prévu. « Les experts aideront la Commission et le public à comprendre à la fois les risques qui peuvent découler de la divulgation de renseignements classifiés et les pratiques qui peuvent être adoptées pour permettre la divulgation du plus d’informations possible vu les contraintes légales et de sécurité nationale applicables », peut-on lire dans un avis publié par la commission.

Une autre ronde d’audiences doit avoir lieu en mars prochain.

L’enjeu de l’ingérence étrangère a fait la manchette à partir de novembre 2022, avec la publication d’une série d’articles par le réseau Global et le quotidien The Globe and Mail.

Les reportages rapportaient des allégations d’activités menées par Pékin afin d’influencer le résultat des élections générales canadiennes de 2019 et 2021. Des sources ont laissé entendre que le gouvernement de Justin Trudeau avait fait preuve d’inaction malgré les conseils qu’il a reçus de la part du SCRS.

Par exemple, Global a rapporté, en citant des sources anonymes venant du milieu du renseignement, que le premier ministre a été averti d’un vaste effort allégué d’ingérence chinoise dans la campagne électorale de 2019, notamment par des fonds qui auraient été touchés par au moins 11 candidats.

Celui que M. Trudeau avait nommé rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère, David Johnston, a conclu dans un rapport que la Chine « a utilisé des mandataires et a tenté d’influencer de nombreux candidats libéraux et conservateurs de différentes manières subtiles ».

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le rapporteur spécial sur l’ingérence étrangère, David Johnston

Toutefois, selon l’ex-gouverneur général, « rien ne permet de conclure que les 11 candidats travaillaient ou travaillent de concert ou qu’ils comprenaient les intentions des mandataires ».

Les reportages du Globe and Mail ont permis d’apprendre que le député conservateur Michael Chong a été la cible de Pékin en vue de tenter de l’intimider. Cela a mené à l’expulsion d’un diplomate chinois qui était au Canada, Zhao Wei.

M. Chong a obtenu le droit de participer à part entière à l’enquête publique présidée par le juge Hogue.

Le statut de M. Chong dans l’enquête est plus important et distinct de celui du Parti conservateur fédéral, qui a obtenu le statut d’intervenant.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le député conservateur Michael Chong

La commission, selon son mandat, ne se limitera pas aux activités de Pékin et devra prendre en considération celles de « la Russie et d’autres acteurs étatiques ou non étatiques étrangers », a souligné à plusieurs reprises le ministre LeBlanc.

L’équipe de la juge Hogue a d’ailleurs demandé à ce que l’Inde soit incluse dans le transfert des documents gouvernementaux pertinents à son enquête.

M. Trudeau a révélé en Chambre, le 18 septembre, que les services de renseignement canadiens enquêtaient sur « un lien possible » entre le gouvernement indien et l’assassinat en Colombie-Britannique de Hardeep Singh Nijjar, un dirigeant sikh canadien, en juin dernier. C’était le jour même de l’entrée en fonction de la commissaire Hogue.

Le premier ministre a mentionné des « allégations crédibles », ce qui a exacerbé les tensions entre l’Inde et le Canada. New Delhi a qualifié ces allégations d’« absurdes et motivées » par la politique.