Une longue course à la mairie
Qui dirigera Montréal jusqu’en 2025 ? Dans la métropole, où les bureaux de vote sont ouverts samedi et dimanche, la question reste entière à l’issue d’une longue campagne. Analyse en cinq points.
L’habitation et la sécurité au premier plan
Logements sociaux, itinérance, maisons de chambre : la question de l’habitation et, plus largement, de la crise du logement a été déterminante dans cette campagne. La multiplication des annonces des candidats sur le sujet démontre bien que la hausse fulgurante des loyers dans la métropole a changé la donne. S’il avait toujours été important pour les politiciens, l’accès au logement est maintenant la priorité pour leurs électeurs. Avec la hausse des fusillades et des évènements impliquant une arme à feu, la sécurité publique – particulièrement dans le nord-est de Montréal – s’est aussi taillé une place de choix. Pendant que Valérie Plante a cherché à défendre son bilan, son rival Denis Coderre a surtout misé sur ce qu’il appelle « le retour à une ville sécuritaire », qui passerait par l’embauche de plus de policiers. Mme Plante a souvent accusé son adversaire de nuire à la réputation de Montréal en qualifiant la ville de « dangereuse ».
Des controverses de dernière minute
C’est une fin de campagne corsée qui s’est orchestrée à Montréal, ces derniers jours. La dernière semaine de la campagne de Denis Coderre a d’abord été marquée par sa réticence à dévoiler ses déclarations de revenus et la liste complète des clients qui lui ont permis d’engranger des centaines de milliers de dollars par année entre 2017 et 2021. Il s’est dans un premier temps contenté de confirmer avoir gagné « au moins deux fois plus » que le salaire du maire de Montréal (qui était d’environ 198 000 $ en 2020) par année avec son travail de consultant. Valérie Plante lui a presque immédiatement reproché de « manquer de transparence », laissant entendre qu’il avait quelque chose « à cacher ». Après avoir résisté pendant des jours, M. Coderre a finalement accepté de lever le voile sur la liste de ses clients mercredi, dont le promoteur immobilier COGIR, après que La Presse eut révélé ce lien d’affaires. Dans les rangs de Valérie Plante, le conseiller Craig Sauvé s’est retiré jeudi du caucus de Projet Montréal, après que des allégations d’agression sexuelle contre lui eurent refait surface à trois jours des élections. Il a nié en bloc les faits qui lui sont reprochés, mais cela n’a pas empêché Denis Coderre de tirer à boulets rouges sur Valérie Plante, l’accusant de « défendre un présumé agresseur ».
Une fusion controversée et l’enjeu de la langue
De manière générale, la langue a aussi occupé une place de choix dans la campagne, surtout lors du débat en anglais. S’étant d’abord prononcé en faveur du projet de loi 96, Denis Coderre a ensuite semblé alléger son discours pour séduire les anglophones, en promettant de réclamer des assouplissements à Québec. Valérie Plante, elle, a demandé à Québec d’exclure le service téléphonique 311 de l’application de la loi, pendant que Balarama Holness s’est montré comme « le seul candidat qui rejette » la loi 21 et le projet de loi 96. L’union controversée entre Marc-Antoine Desjardins, de Ralliement pour Montréal, et Balarama Holness, de Mouvement Montréal, n’aura d’ailleurs finalement duré que trois semaines. Marc-Antoine Desjardins a en effet annoncé à la mi-octobre qu’il se retirait de la course à la mairie d’Outremont, en se « dissociant totalement » des propos de M. Holness. Juste avant, le 12 octobre, Marc-Antoine Desjardins et Balarama Holness avaient suscité une vive controverse en annonçant que leur parti tiendrait une consultation publique, puis un « référendum sur le statut linguistique » de la métropole.
Nouveaux visages et transfuges
Le « match revanche » entre Mme Plante et M. Coderre, qui se sont affrontés en 2017, a suscité un certain cynisme chez les électeurs. Or, les deux équipes ont su recruter de nouvelles têtes d’affiche. Parmi elles, mentionnons l’animateur Jean Airoldi et l’ex-candidat à la direction de Projet Montréal Guillaume Lavoie, qui se présentent cette année avec Denis Coderre, ou encore le documentariste Will Prosper et encore l’ancienne présidente de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) Dominique Ollivier, qui ont fait le saut avec Valérie Plante. On ignore encore lesquelles de ces personnalités pourront tirer leur épingle du jeu, mais il est d’emblée clair que les deux équipes ont aussi fait davantage de place à la diversité.
Changements de stratégies, mais campagne similaire
Ça se sent dans les annonces des candidats, mais aussi dans les sujets qui sont abordés : les stratégies de campagne ont manifestement évolué depuis 2017, tant du côté de Valérie Plante que de Denis Coderre. Maintenant connue du grand public, la première devait « montrer de la hauteur », pendant que le second avait pour objectif d’« adoucir son image », avaient d’ailleurs expliqué trois experts dans La Presse au début octobre. « C’est une élection municipale importante qui s’est faite dans un contexte extrêmement difficile, pendant une pandémie et après une élection fédérale. Malgré tout, on a vu la même logique qu’en 2017 : Valérie Plante se positionnant à gauche, plaidant pour une ville à échelle humaine, et Denis Coderre se présentant comme prodéveloppement. Il y a eu une certaine modernisation du message, mais au niveau du vote, ça tombe encore dans ces deux camps-là très précis », analyse l’observatrice politique, Justine McIntyre. Elle affirme d’ailleurs que la controverse entourant les clients et les revenus de M. Coderre risque de ne pas trop ébranler le vote. « Ses électeurs vont voter pour lui malgré tout. L’opinion est déjà faite en quelque sorte. »
Appel à tous
Un vote pour un maire ? Un autre pour un conseiller ? Pour la ville et l’arrondissement ? Le système politique montréalais, assez différent de celui qu’on trouve à Québec, à Ottawa et dans les autres municipalités, peut parfois donner le vertige aux électeurs. Vous avez des questions sur son fonctionnement ? Écrivez-nous et nous répondrons à certaines de vos interrogations sur notre site web, en soirée ce dimanche.
Les promesses phares des candidats
Les candidats à la mairie ont pris des dizaines d’engagements depuis le début de la campagne électorale, certains mineurs, d’autres majeurs. Tour d’horizon des principaux engagements de chaque camp.
Projet Montréal (Valérie Plante)
- Favoriser la construction de 60 000 nouveaux logements abordables au cours des 10 prochaines années, notamment en appliquant un règlement qui encadre strictement le travail des promoteurs immobiliers.
- Développer un grand parc dans l’ouest et dans l’est de Montréal en rassemblant des terrains déjà protégés et en s’assurant d’en annexer d’autres.
- Limiter la hausse des taxes foncières résidentielles au taux d’inflation ou à 2 %, selon la donnée la plus basse.
- Agrandir le Réseau express vélo (REV) et ouvrir de nouvelles pistes cyclables protégées de la circulation automobile.
- Permettre le fonctionnement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 de certains chantiers afin de réduire leur impact sur la circulation et les quartiers.
Ensemble Montréal (Denis Coderre)
- Embaucher au moins 250 policiers supplémentaires pour s’attaquer aux problèmes de sécurité dans les rues de Montréal.
- Assouplir la réglementation imposée aux promoteurs immobiliers afin de « doper l’offre » en logements neufs : Ensemble Montréal espère favoriser la construction de 50 000 nouveaux logements en quatre ans.
- Limiter la hausse des taxes foncières résidentielles au taux d’inflation ou à 2 %, selon la donnée la plus basse.
- Équiper rapidement tous les policiers de Montréal de caméras portatives.
- Organiser un sommet sur le camionnage avec l’objectif de diminuer la présence des poids lourds au cœur de Montréal pendant la journée et de les rendre plus sûrs.
Mouvement Montréal (Balarama Holness)
- Militer pour l’obtention d’un statut de cité-État, « afin de renforcer notre puissance économique ».
- Réaffecter une partie du budget du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) au milieu communautaire.
- Organiser un référendum municipal sur le statut linguistique de Montréal. M. Holness affirme qu’à son avis, la ville doit être reconnue comme bilingue.
- Revoir complètement la fiscalité montréalaise : le parti veut retenir un point de taxe supplémentaire, abolir la « taxe de bienvenue » et instituer une taxe sur les locaux vacants.
- Rendre le stationnement gratuit en ville du vendredi au dimanche.