(Ottawa) Les propos de Justin Trudeau à l’égard des manifestants qui bloquent les rues d’Ottawa ne sont pas dignes d’un chef d’État, selon le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet. Il l’accuse de provoquer au lieu de tenter d’apaiser les tensions. Parallèlement, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander aux protestataires de quitter le centre-ville de la capitale canadienne.

« La comparaison avec les chapeaux en papier d’aluminium, ça ne se fait pas, a déploré M. Blanchet en point de presse mardi. C’est franchement indigne d’un chef d’État. » Ce genre de provocation « pourrait s’avérer très nuisible dans la gestion de la crise », selon lui. Il a précisé que les manifestants « n’ont pas un allié chez le Bloc québécois ».

M. Blanchet estime que le premier ministre devrait plutôt faire preuve de retenue, reconnaître le droit de manifester, rencontrer les meneurs de l’industrie du camionnage, reconnaître qu’il faut mieux informer la population et mieux financer le système de santé et prévoir des mesures d’atténuation économique, si la COVID-19 perturbait le transport frontalier au point de nuire à l’approvisionnement des commerces.

Justin Trudeau avait affirmé la veille qu’il ne céderait pas à l’intimidation d’une « minorité marginalisée », tout en condamnant le vandalisme et le recours à des symboles haineux. Il a associé les revendications des manifestants aux théories conspirationnistes sur « les micropuces » et « les chapeaux en papier d’aluminium ».

Départ des camions réclamé

De plus en plus de voix demandent le départ des camions lourds, dont celles de nombreux élus fédéraux et du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford. « Je comprends, je vous entends, mais il faut laisser les gens d’Ottawa vivre leur vie », a-t-il dit en conférence de presse.

« Votre message a été entendu, mais il est temps de vous en aller », a affirmé à son tour le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne, avant la rencontre du cabinet.

Le leader parlementaire des libéraux, Mark Holland, a répété le même message. « Il est temps pour les gens de retourner à la maison et de se faire entendre d’une autre façon, a-t-il dit. Ce n’est pas une façon légitime de s’exprimer en démocratie. »

Le Private Motor Truck Council of Canada, qui représente les flottes privées de camionnage, a reconnu que la manifestation était allée « trop loin » en portant atteinte aux droits, à la sécurité et à la capacité des autres citoyens de se déplacer librement et de se rendre au travail.

L’association suggère aux manifestants d’utiliser une partie des 9,8 millions de dollars collectés afin de réparer les dommages causés par certains participants. L’association cite la profanation du Monument commémoratif de guerre et de la statue de Terry Fox au centre-ville, ainsi que le harcèlement des serveurs et des clients du refuge pour sans-abri des Bergers de l’espoir.

Dans une vidéo publiée en ligne tôt mardi, l’organisateur du convoi, Pat King, se réjouissait de voir Ottawa bloqué. Les manifestants qui sont encore sur place soutiennent qu’ils ne bougeront pas tant que toutes les restrictions sanitaires ne seront pas levées.

« Le vent tourne en faveur de la liberté », a écrit sur Twitter le député conservateur Pierre Poilievre, en réaction à l’abandon par le gouvernement du Québec de la contribution santé pour les non-vaccinés et à la fin des restrictions sanitaires dans d’autres provinces. Ce dernier a publié plusieurs messages d’appui aux manifestants.

250 manifestants

Les klaxons résonnent depuis vendredi au centre-ville de la capitale canadienne, où de nombreux camions lourds bloquent la rue Wellington, devant le parlement. Ce « convoi de la liberté » a été organisé par le mouvement Canada Unity.

Plusieurs centaines de véhicules ont quitté Ottawa depuis, mais d’autres n’ont pas l’intention de partir. Il resterait moins de 50 manifestants sur la colline du Parlement et 200 dans les rues avoisinantes, selon la police. Une autre vague de manifestants est attendue durant le week-end. Certains auraient toutefois l’intention de converger vers la ville de Québec.

La police a arrêté deux hommes, l’un pour méfait et l’autre pour avoir porté une arme dans un lieu public. Cela porte le nombre d’arrestations à trois depuis le début des manifestations. Treize enquêtes sont en cours.

La Ville d’Ottawa prévoit encore des bouchons de circulation ce mercredi. Le maire Jim Watson a déjà évoqué la question du recouvrement des coûts avec le premier ministre et le député fédéral d’Ottawa-Centre, Yasir Naqvi. Le bureau du maire a déclaré dans un communiqué que ces demandes d’assistance avaient été bien reçues.

La police estime devoir dépenser environ 800 000 $ par jour pour surveiller les manifestants et répondre aux urgences.

Avec La Presse Canadienne