(Ottawa) L’heure de vérité s’apprête à sonner pour Erin O’Toole. Le chef du Parti conservateur saura mercredi s’il conserve les clés de Stornoway, près du tiers de son caucus ayant forcé la tenue d’un vote de confiance. Mais peu importe le résultat, il n’aura pas la légitimité de conserver les rênes de la formation, croient deux ex-stratèges conservateurs.

« Appuyez-vous M. O’Toole ? »

Avant le début de la période des questions, mardi après-midi, la quasi-totalité des élus conservateurs croisés devant le parlement n’ont pas voulu répondre à cette question et dire s’ils se rangeaient derrière leur chef, qui ne s’est pas pointé à la Chambre des communes.

La cheffe adjointe, Candice Bergen, a cependant assuré qu’elle le soutenait lorsqu’elle est passée en coup de vent devant les journalistes. « J’appuie Erin O’Toole », a-t-elle laissé tomber avant de s’engouffrer dans l’édifice de l’Ouest.

Le député albertain Tim Uppal a lui aussi déclaré que le dirigeant avait son sceau d’approbation, arguant que l’on devrait « se concentrer sur les façons de défaire les libéraux » au prochain scrutin. L’influente élue Michelle Rempel Garner, aussi de l’Alberta, a envoyé le même signal.

Aucun député du Québec n’a voulu accorder d’entrevue à la veille du vote.

On a appris lundi soir que 35 des 119 élus du caucus conservateur, soit près du tiers de la députation, réclament un vote de confiance dès ce mercredi.

Selon une loi qui avait été portée par le député conservateur Michael Chong, si au moins 20 % des élus d’un parti réclament un examen de la direction, un vote doit avoir lieu au caucus.

Dans une réaction publiée aux alentours de 23 h 30, lundi soir, Erin O’Toole a soutenu qu’il allait respecter le résultat d’un référendum sur son leadership.

« Je vais accepter le résultat de ce vote. Les signataires de cette lettre doivent aussi l’accepter. Ils l’ont écrite. Ils devront vivre avec », a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.

Dans l’éventualité où la majorité des membres désavouait un chef, celui-ci devrait partir. Or, d’après le Globe and Mail, ce seuil pourrait être atteint, avec 63 des 119 députés prêts à chasser le chef.

« Le seuil du réalisme politique »

Peu importe le résultat, les carottes sont cuites pour Erin O’Toole, croient deux ex-stratèges conservateurs.

« ll y a le seuil démocratique, qui est 50 % plus un, mais il y a aussi le seuil du réalisme politique », résume en entrevue Yan Plante, ancien chef de cabinet du ministre Denis Lebel, maintenant chez TACT Conseil.

Même dans l’hypothèse où le dirigeant amassait entre 51 % et 60 % des appuis, « je ne vois pas comment tu peux gérer un caucus après, quand environ un député sur deux a demandé ton départ », enchaîne-t-il.

L’analyse de Marc-André Leclerc, ex-chef de cabinet du précédent chef, Andrew Scheer, est la même.

Peu importe le résultat du vote, il n’y a pas de scénario positif pour Erin O’Toole, malheureusement. Et je pense que 55 % ou 60 %, c’est le meilleur résultat qu’il pourrait obtenir.

Marc-André Leclerc, ex-chef de cabinet d’Andrew Scheer, en entrevue avec La Presse

Celui qui est désormais directeur principal chez Maple Leaf Strategies estime que le dirigeant conservateur aurait probablement dû devancer le vote de confiance prévu en juin 2023 afin d’asseoir son autorité.

Et d’après lui, plusieurs députés sont d’avis qu’il devrait revenir aux membres qui ont porté Erin O’Toole au pouvoir de le remercier, puisque « c’est un parti qui porte une attention particulière à sa base militante ».

Quel chef pour la suite ?

La machine à rumeurs, évidemment, s’est emballée au cours des dernières heures. Qui prendra la relève à la barre du Parti conservateur si Erin O’Toole est poussé vers la sortie ?

Pas Andrew Scheer, jure Marc-André Leclerc : « Il ne va pas revenir, même pas de façon intérimaire. »

Le nom du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a aussi circulé. Le principal intéressé a démenti avoir de telles ambitions.

« Non. J’ai les mains pleines avec cette province, et je vais continuer à diriger cette province », a soutenu en marge d’une annonce à Ajax l’homme politique, qui ne parle pas le français.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le député conservateur Pierre Poilievre

Il y a aussi Pierre Poilievre. Bilingue, très populaire auprès des membres, le député ontarien avait passé son tour la dernière fois, citant des raisons familiales.

Une majorité simple de députés qui s’exprimerait en ce sens lors du vote secret mènerait à la destitution du chef.

Le caucus se réunit de façon virtuelle, mercredi matin.

En savoir plus
  • 57 %
    Erin O’Toole a remporté la course à la direction du Parti conservateur au troisième tour, en août 2020, avec 57 % des voix, contre 43 % pour son adversaire Peter MacKay.
    SOURCE : PARTI CONSERVATEUR DU CANADA
    33,7 %
    Aux dernières élections, avec Erin O’Toole, le Parti conservateur a obtenu un pourcentage de votes moins élevé que sous son prédécesseur Andrew Scheer (34,3 %), et deux sièges de moins (119 contre 121).
    SOURCE : ÉLECTIONS CANADA