(Québec) La députée caquiste Marie-Eve Proulx s’est vidé le cœur à La Presse Canadienne, vendredi, à la suite de sa décision prise en début de semaine de renoncer à se porter candidate le 3 octobre.

L’ex-ministre du Développement économique régional et députée sortante de Côte-du-Sud est visée depuis plus d’un an par des allégations de harcèlement psychologique.

Lisez l’article « Allégations de harcèlement psychologique : Marie-Eve Proulx retire sa candidature »

Aujourd’hui, Marie-Eve Proulx se pose en victime de ces ex-employés qui s’acharnent, selon elle, à vouloir lui nuire, alors qu’elle n’a rien à se reprocher. Elle se dit victime aussi d’un système qui fait en sorte que, même innocentés, les gestionnaires se retrouvent bredouilles, leur réputation en lambeaux, au chômage, sans protection, sans recours ni dédommagement. Enfin, les employés de cabinet se montreraient beaucoup plus exigeants envers leur supérieur, s’il s’agit d’une femme. Et plus prompts à ne rien laisser passer.

Sa décision de renoncer à la politique, elle l’a prise « par respect » pour elle.

C’est la première fois que je me suis choisie réellement.

Marie-Eve Proulx, ex-ministre du Développement économique régional et députée sortante de Côte-du-Sud

La députée se définit comme une « bonne personne », résiliente et forte, qui ne veut « faire de mal à personne ».

Dernièrement, elle sentait que son moral commençait à être miné. « Je ne voyais pas comment j’allais pouvoir m’en sortir » avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête durant toute la campagne électorale, dit la mère de trois garçons. Elle craignait trop que la situation ne « dégénère ». Elle a préféré se soustraire au « tribunal populaire ».

« Il y a eu de l’acharnement »

Marie-Eve Proulx souhaitait une longue carrière politique au service du Québec. Mais en mai 2021, elle a perdu son poste de ministre. Dans un mois, au terme du présent mandat, elle sera au chômage. Elle insiste : son dossier est vierge, les deux plaintes formulées contre elle par deux anciens employés et déposées à l’Assemblée nationale ont été jugées non fondées, « après une enquête longue et difficile ».

« Il y a eu de l’acharnement. Il y a eu de la diffamation sur mon cas. Il y a eu du règlement de comptes » de la part de ces ex-employés, un homme et une femme, qui, selon elle, n’ont pas respecté les ententes de confidentialité conclues en attaquant leur ex-patronne dans les médias, sous le couvert de l’anonymat, contribuant à alimenter la perception que le nom de Marie-Eve Proulx était synonyme de harcèlement au travail.

Pourquoi un tel acharnement ?

Elle explique qu’il s’agit de personnes qui, au départ, en 2018, n’auraient pas dû être embauchées, n’ayant pas le profil pour œuvrer en politique ni les compétences requises. Sa version des faits : elles ont été congédiées, ne l’ont pas accepté et ont entrepris de se venger.

Des plaintes ont été déposées à l’Assemblée nationale et au Tribunal administratif du travail (TAT). Un premier cas a été réglé à l’amiable. Dans l’autre cas, la plaignante est revenue à la charge, et le dossier est à l’étude au TAT.

Elle dit « réfléchir » à la possibilité de riposter en intentant des poursuites pour atteinte à la réputation.

Politiciens laissés à eux-mêmes

L’ex-ministre en veut par ailleurs aux protocoles mis en place, à l’Assemblée nationale ou ailleurs, pour examiner les plaintes de harcèlement, et qui ne prévoient rien pour réparer les torts subis par un élu qui serait innocenté au terme du processus.

« J’ai perdu mon travail de ministre, je ne vais pas me représenter, je me choisis pour ma santé mentale », déplore-t-elle.

On n’est pas dédommagé. Il n’y a rien qui va compenser ça, même si j’ai deux enquêtes à mon actif qui [révèlent que les allégations] sont non fondées.

Marie-Eve Proulx, ex-ministre du Développement économique régional et députée sortante de Côte-du-Sud

« On laisse à eux-mêmes des gestionnaires dépourvus, et des politiciens dépourvus, dans des situations où on est faussement accusés », plaide la députée, inquiète du vide juridique en ce domaine.

Les femmes plus vulnérables

Les femmes politiques sont, à son avis, plus susceptibles de faire l’objet de plaintes de ce genre. Traditionnellement, l’autorité est incarnée par des hommes, qui pourront se permettre des écarts de langage ou des comportements répréhensibles sans que cela soit contesté par leur entourage.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Marie Montpetit, ex-députée libérale

Encore aujourd’hui, les employés de cabinet ont davantage « peur des hommes », selon elle. Leurs colères sont admises, leurs décisions, respectées. Mais une femme ministre, « on peut se permettre de la contester », fait valoir Mme Proulx, qui dit éprouver beaucoup d’empathie et de compassion pour la députée Marie Montpetit, chassée du caucus libéral, elle aussi à la suite d’allégations de harcèlement psychologique. Dans son cas, il n’y a jamais eu de plainte formelle.

Malgré les revers, Mme Proulx assure qu’elle va « rebondir » avant longtemps, même si elle dit n’avoir aucune idée de ce que l’avenir lui réservera.

« Je veux continuer de contribuer. »