(Québec) La cheffe libérale Dominique Anglade doit avoir « un respect minimal envers la volonté démocratique » des Québécois et accepter de reconnaître Québec solidaire (QS) comme groupe parlementaire à l’Assemblée nationale, plaide son co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois.

« Les prochaines semaines vont révéler la vraie Dominique Anglade, la vraie nature de son leadership : est-ce un leadership revanchard ou un leadership ouvert, axé sur le dialogue ? », lance-t-il en entrevue dans un clin d’œil au slogan de la campagne libérale.

Gabriel Nadeau-Dubois se dit prêt à accorder aux trois députés du Parti québécois (PQ) « les moyens de bien faire leur travail ». « Plusieurs formules sont possibles », et elles ne passent pas forcément par l’octroi du statut de groupe parlementaire dans leur cas, laisse-t-il entendre.

Les négociations débuteront bientôt entre les partis sur la place qu’occuperont QS et le PQ à l’Assemblée nationale. Le statut de groupe parlementaire permet à un parti d’avoir plus de budget, mais aussi plus de temps de parole en Chambre. Pour obtenir ce statut, il faut avoir au moins 12 députés ou obtenir 20 % des voix à l’issue des élections générales. Ni QS (11 députés ; 15,4 %) ni le PQ (3 députés ; 14,6 %) ne respectent cette condition.

Mais les règles ont déjà été contournées dans le passé. En 2018, les deux formations avaient pu obtenir le statut de groupe parlementaire sans satisfaire aux conditions, grâce à une entente entre les partis. Cette entente avait été ajustée au fil du temps pour tenir compte de la réduction du nombre de députés péquistes.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Dominique Anglade

Malgré une raclée historique et un pourcentage de voix inférieur au PQ et à QS (14,4 %), le Parti libéral du Québec s’est accroché à son titre d’opposition officielle en faisant élire 21 députés. Dominique Anglade a refusé de s’engager à reconnaître QS et le PQ comme des groupes parlementaires.

Pour donner son accord, elle a posé des conditions, comme rouvrir le débat sur la réforme du mode de scrutin. Or, François Legault a fermé la porte à cette idée la semaine dernière. La cheffe libérale a aussi lié l’enjeu du statut de QS et du PQ à celui d’une réforme parlementaire ; M. Legault est prêt à relancer ce dossier tombé dans l’oubli au cours de son premier mandat.

Pour Gabriel Nadeau-Dubois, les explications de Dominique Anglade sont confuses et servent à camoufler l’enjeu de fond.

Ce serait inconcevable, selon lui, que QS ne soit pas reconnu comme groupe parlementaire avec 11 députés, alors qu’il l’avait été en 2018 avec 10 députés. « Dominique Anglade ne peut pas se placer au-dessus de la volontaire populaire. Il y a plus de gens qui ont voté pour Québec solidaire que pour le Parti libéral ; notre mode de scrutin étant ce qu’il est, elle a plus de députés. Mais là, il y a un respect minimal à avoir envers la volonté démocratique des Québécois et des Québécoises. Mme Anglade doit respecter cette volonté et accepter de travailler avec Québec solidaire. »

Après avoir fait campagne sur un style de leadership se voulant « rassembleur », la cheffe libérale doit maintenant en faire la démonstration, selon lui. Elle donne l’impression de ne pas vouloir céder un pouce alors qu’elle vient de nommer comme leader parlementaire Marc Tanguay, considéré comme un faucon dans la députation libérale. Les leaders parlementaires des différents partis piloteront les négociations.

Sans un statut de groupe parlementaire, les 14 élus de QS et du PQ siégeraient en tant que députés indépendants. Il y a un risque que le parlement soit dysfonctionnel, selon Gabriel Nadeau-Dubois. « J’en appelle au sens des responsabilités de Dominique Anglade. À titre de cheffe de l’opposition officielle, elle a aussi la responsabilité de contribuer à ce que l’Assemblée nationale soit fonctionnelle. »

De son côté, le premier ministre François Legault s’est dit ouvert à reconnaître QS et le PQ comme groupes parlementaires.

Pour Gabriel Nadeau-Dubois, « c’est clair qu’il faut donner aux députés du Parti québécois les moyens de bien faire leur travail », en termes de budget et de temps de parole. Mais il n’est pas prêt à leur accorder automatiquement un statut de groupe parlementaire. « Il y a plusieurs formules qui sont possibles. On va discuter de tout ça autour de la table de négociation », a-t-il plaidé.

« La reconnaissance comme groupe parlementaire, ça peut vouloir dire plusieurs choses. Nous, on est ouvert à une forme de reconnaissance pour le Parti québécois qui reflète la quantité de députés qu’ils ont et qui reflètent la quantité de votes qu’ils ont récoltés aux dernières élections », a ajouté le co-porte-parole de Québec solidaire.

« On a déjà été trois députés à Québec solidaire. On sait c’est quoi, et on est prêt à travailler avec le Parti québécois pour qu’il ait les ressources nécessaires pour bien accomplir son mandat. »

En 2014, Françoise David, Manon Massé et Amir Khadir n’avaient pas obtenu le statut de groupe parlementaire. QS avait obtenu 7,6 % des suffrages.

Serment au roi

Les 11 députés de Québec solidaire ne prêteront pas serment au roi Charles III si le secrétariat général de l’Assemblée accepte une demande faite en ce sens par le Parti québécois. Gabriel Nadeau-Dubois rappelle toutefois que son parti avait demandé sans succès d’éviter à faire ce serment en 2018 ; les élus solidaires l’avaient fait en privé. Le parti avait déposé par la suite un projet de loi – jamais adopté – pour rendre ce serment optionnel. « Il n’y a aucune bonne raison en 2022 pour que les députés québécois doivent prêter serment à la Couronne britannique pour siéger à l’Assemblée nationale. C’est archaïque », soutient-il.