(Québec) Le tiers des ministères et organismes publics outrepasse les délais légaux dans le traitement des demandes d’accès à l’information, une proportion deux fois plus importante qu’avant la pandémie. Le ministère de l’Éducation fait figure de cancre, alors que la Sécurité publique, la Sûreté du Québec et le Service de police de la Ville de Montréal ont aussi de mauvaises notes.

C’est ce que révèle un rapport produit par la Commission d’accès à l’information et rendu public mercredi. Il existe au sein de l’État québécois « un problème important de respect des délais légaux de réponse, aggravé dans plusieurs cas par la pandémie », s’inquiète la Commission. Elle recommande un coup de barre, rappelant que « l’obtention d’une réponse dans des délais raisonnables est une composante fondamentale du droit à l’information ».

En vertu de la loi, un ministère ou un organisme public doit répondre à une demande d’accès à l’information dans un délai de 20 jours. Si le traitement de la demande ne paraît pas possible « sans nuire au déroulement normal des activités de l’organisme public », comme le précise la loi, il peut prolonger le délai de 10 jours, pour un maximum de 30 jours au total.

Or, la règle est souvent violée, selon la Commission. Elle a fait une analyse à partir d’un échantillon de 33 ministères et organismes et sur une période de trois ans, de 2018-2019 à 2020-2021, donc avant et pendant la pandémie de COVID-19.

« Tant pendant la première que la deuxième année de référence [donc avant la pandémie], environ la moitié des organismes sélectionnés déclarent un délai de traitement moyen dépassant le délai légal initial de 20 jours. Pour environ 16 % d’entre eux, la moyenne excède même les 30 jours », peut-on lire dans le rapport intitulé Avoir accès en temps utile : portrait des délais de traitement des demandes d’accès au Québec. Le délai moyen de traitement atteignait 24 jours avant la pandémie dans les 33 entités sous analyse.

« Pendant la première année de pandémie, les délais de traitement ont augmenté chez environ la moitié des organismes publics, avec un accroissement particulièrement marqué au sein d’un petit nombre d’organismes, dont certains traitent un grand volume de demandes. Globalement, le délai de traitement moyen s’est approché de 30 jours ; le tiers des organismes (soit deux fois plus que les années précédentes) ont aussi déclaré un délai de traitement moyen dépassant les 30 jours », ajoute-t-on.

Pour la dernière année analysée, « c’est près d’une demande sur cinq qui a été traitée au-delà du délai légal maximal » de 30 jours. Le 9 juin 2021, La Presse avait noté que le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) avait mis huit mois à répondre à sa demande d’accès à l’information, une situation tout à fait exceptionnelle.

Selon le rapport de la Commission, le MSSS a répondu à 11 % des demandes en trois ans dans un délai dépassant 30 jours (22 % la dernière année, pendant la pandémie).

Mais c’est surtout le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur qui reçoit un mauvais bulletin. Et ironiquement, le nouveau ministre responsable de l’accès à l’information est Jean-François Roberge, qui était à la barre de l’Éducation au cours des quatre dernières années.

Pendant la période visée, le MEES a traité une demande sur deux (50 %) sans respecter le délai maximal de 30 jours – on parle d’environ 35 jours en moyenne. C’est 39 % dans le cas du ministère de la Sécurité publique. Le délai moyen a atteint 68 jours dans la dernière année à ce ministère, ce qui est semblable à ce que la Commission a constaté au Service de police de la Ville de Montréal, d’ailleurs (dont les données fournies sont partielles).

L’Hôpital général juif a traité 66 % des demandes en trois ans en outrepassant le délai maximal de 30 jours. C’est 43 % à la Ville de Mascouche, 42 % au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, 31 % à l’Université McGill, 29 % au CISSS des Laurentides et 28 % à la Sûreté du Québec.

La Commission dit avoir reçu « un nombre historique de demandes de révision pour motif d’absence de réponse dans les délais légaux ». Depuis deux ans, celles-ci représentent près du tiers de l’ensemble des recours.

La Commission signale que « les défis rapportés par les organismes sont variés : ils concernent surtout les ressources humaines (mouvement de personnel, difficulté à embaucher, etc.), la complexité des demandes et la quantité d’informations à analyser pour certaines d’entre elles, de même que la structure organisationnelle ». La pandémie a fait augmenter le volume de demandes auprès de certains organismes – du secteur de la santé en particulier – et le passage au télétravail a compliqué le traitement des demandes.

La Commission « recommande aux organismes de consacrer des ressources suffisantes au traitement des demandes d’accès et d’augmenter la diffusion proactive d’informations, en particulier celles qui sont régulièrement demandées ».

Le gouvernement doit « améliorer la reddition de comptes en matière d’accès à l’information de manière à la rendre plus complète, plus uniforme, plus précise, plus transparente et centralisée », ajoute-t-elle. Elle a constaté que la façon de compiler les données varie d’un endroit à l’autre, ce qui empêche « d’évaluer le respect de la loi en continu ». « Dans d’autres provinces ou d’autres pays, des données complètes sont transmises sur une base régulière à une autorité centrale qui les publie intégralement », souligne-t-elle.