Dominique Anglade « a creusé sa propre tombe » en expulsant la députée Marie-Claude Nichols, soutient Lise Thériault, qui était la doyenne du caucus libéral avant de quitter la vie politique cette année. De nombreux ex-élus libéraux considèrent, selon elle, que la cheffe « a signé son arrêt de mort ». On assiste « au début de la fin ».

De son côté, Mme Nichols n’a pas l’intention de se joindre à un autre parti, car ses « valeurs, elles, ne changent pas [et] demeurent libérales ». La députée indépendante dit avoir reçu de nombreux appuis au cours des dernières heures.

Lise Thériault ne le cache pas : elle est une proche de Mme Nichols. Si elle fait une sortie pour la défendre, c’est surtout parce que « l’injustice [la] fait réagir », insiste-t-elle. « Et ce qui arrive à Marie-Claude, c’est profondément injuste. C’est une décision qui fait juste s’ajouter à une campagne électorale qui était catastrophique. Je ne peux pas ne rien dire, là ! »

Le traitement que Dominique Anglade a réservé à Mme Nichols est « épouvantable » aux yeux de l’ex-députée, qui a représenté Anjou–Louis-Riel pendant 20 ans.

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Lise Thériault, ex-députée libérale d’Anjou–Louis-Riel

On ne vit pas dans une dictature au Québec ! Les députés ont le droit de s’exprimer et de dire non. Quel message on envoie ? Quand quelqu’un n’est pas content, on le sacre dehors ! Voyons donc !

Lise Thériault, ancienne députée libérale

Jeudi, Marie-Claude Nichols a été expulsée du caucus libéral après avoir refusé les responsabilités que voulait lui confier Dominique Anglade au sein de son cabinet fantôme.

Travail « impeccable »

Députée de Vaudreuil depuis 2014, Mme Nichols convoitait le poste de troisième vice-président de l’Assemblée nationale. Mais la cheffe a choisi d’appuyer la candidature de Frantz Benjamin, élu depuis 2018. Elle a offert à Mme Nichols d’être porte-parole en matière de transports, confiant à une recrue, Virginie Dufour, les responsabilités que la députée de Vaudreuil occupait dans le dernier mandat (les affaires municipales et l’habitation).

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Marie-Claude Nichols, lors de la prestation de serment des députés libéraux, le 18 octobre

Lise Thériault s’explique mal cette décision, d’autant que Mme Nichols est « une bonne soldate », « toujours disponible », dont le travail est « impeccable ».

« On lui a dit : “Non, tu ne seras pas vice-présidente, pis by the way, les affaires municipales, tu oublies ça ; l’habitation, tu oublies ça ! On va te donner ton quatrième choix.” Eille ! Franchement ! », a-t-elle lancé.

Selon l’ancienne députée, Marie-Claude Nichols « a bien raison de dire non » à la cheffe. Ce n’est pas une situation inusitée : Lise Thériault dit avoir elle-même refusé d’être leader parlementaire adjointe dans le passé parce que le poste ne l’intéressait pas. Un terrain d’entente a pu être trouvé.

C’est inadmissible d’avoir mis une députée dehors en laissant entendre qu’elle ne joue pas en équipe.

Lise Thériault, ancienne députée libérale

Elle souligne que le Parti libéral s’est assuré depuis 20 ans de désigner une femme parmi ses rangs pour occuper l’un des postes à la vice-présidence de l’Assemblée nationale. « Et là, on décide que non, ça va être Frantz Benjamin ! Ayoye ! Je n’ai rien contre Frantz Benjamin, mais demandez à n’importe quel député, tous partis confondus, entre le travail que Marie-Claude a fait et le travail de Frantz Benjamin… », a-t-elle laissé tomber.

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Le député de Viau, Frantz Benjamin

Selon elle, le député de Viau aurait bien pu être nommé porte-parole aux transports puisque des dossiers chauds concernent l’est de Montréal (le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, le REM de l’Est et le prolongement de la ligne bleue du métro, par exemple). Et si Mme Anglade avait des soupçons au sujet de Mme Nichols qui ne l’avait pas appuyée pendant la course avortée à la direction du parti, « le meilleur moyen de la neutraliser » sans faire de remous aurait été de la nommer à la vice-présidence, un poste qui exige la neutralité, analyse Lise Thériault.

« Le début de la fin »

Dominique Anglade aurait dû tenter de « rallier les troupes », surtout après « la pire défaite de l’histoire » du parti. Mais avec l’expulsion de Mme Nichols, Dominique Anglade « a creusé sa propre tombe », a lancé Mme Thériault, rappelant que la cheffe devra se soumettre à un vote de confiance lors d’un congrès des membres d’ici un an.

Elle se dit surprise par le nombre de députés libéraux ayant siégé au cours des 20 dernières années qui lui ont écrit ou lui ont parlé pour témoigner de leur indignation. Ils « disent que là, c’est vraiment le début de la fin. Elle a signé son arrêt de mort. Elle a fait un très mauvais call ».

La cheffe a néanmoins encore le temps de « rentrer la pâte à dents dans le tube », de revenir sur sa décision, selon Mme Thériault.

Lise Thériault insiste : « Je n’ai aucun intérêt pour la chefferie et je n’ai pas de candidat » à mousser. Elle souligne qu’elle est la seule ex-députée du dernier mandat à avoir assisté à la prestation de serment de la nouvelle cohorte d’élus libéraux la semaine dernière.

Dans un bref communiqué de presse publié vendredi, Marie-Claude Nichols dit avoir l’intention de « siéger comme indépendante » et de ne « [s’]affilier à aucun autre parti politique ». « Mes valeurs, elles, ne changent pas, elles demeurent libérales », affirme-t-elle.

Elle remercie « les nombreuses personnes de tous les horizons qui [lui] ont témoigné leur appui au cours des dernières heures ».

La députée décline les demandes d’entrevue.