(Ottawa) Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et la vice-première ministre Sylvia Jones n’auront pas à donner leur version des faits à la Commission sur l’état d’urgence. Ils avaient été cités à comparaître il y a deux semaines, mais la Cour fédérale s’est partiellement rendue à leurs arguments.

Le juge Simon Fothergill conclut que ces citations à comparaître sont valides, mais qu’elles sont inapplicables lorsque l’Assemblée législative de l’Ontario siège en raison du privilège parlementaire. Le Procureur général de la province avait fait valoir que les élus ne peuvent pas être cités à comparaître lorsque les travaux parlementaires sont en cours ni 40 jours avant ou après chaque session législative.

Les procureurs de la commission voulaient que M. Ford et Mme Jones, qui était responsable de la sécurité publique en Ontario lors du « convoi de la liberté », témoignent le 10 novembre. Face à leurs refus répétés de collaborer, les procureurs de la commission leur ont fait parvenir une citation à comparaître lundi.

Les avocats de l’Association canadienne des libertés civiles, de la Coalition d’Ottawa qui représente les résidants et les commerçants du centre-ville, et la Canadian Constitution Foundation voulaient entendre les deux politiciens.

L’inaction du premier ministre Ford lorsque des centaines de poids lourds ont paralysé le centre-ville d’Ottawa l’hiver dernier avait été soulevée lors du témoignage du maire Jim Watson lors des premiers jours de l’enquête publique. Le premier ministre ontarien avait même refusé de participer à une table tripartie fédérale-provinciale-municipale. Il considérait alors qu’il s’agissait d’une crise qui devait être gérée par la police.

La joute politique entre le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford et le gouvernement libéral de Justin Trudeau a peu été abordée dans les témoignages à ce jour. M. Ford était alors à moins de six mois de l’élection qui allait le maintenir au pouvoir, et certains conservateurs fédéraux avaient donné leur appui aux manifestants.

L’enquête publique, menée par le juge franco-ontarien Paul Rouleau, tente de déterminer s’il était justifié pour le gouvernement fédéral de recourir à la Loi sur les mesures d’urgence pour la première fois de son histoire afin de mettre fin au convoi de camions à Ottawa et aux blocages de postes frontaliers ailleurs au pays.

« Une urgence économique nationale »

Le maire de Windsor, Drew Dilkens, craignait le retour des camions après que la police eut dégagé ceux qui bloquaient la rue menant au pont Ambassador. M. Dilkens a témoigné à la commission Rouleau lundi.

Des textos échangés entre M. Dilkens et le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, déposés en preuve à la commission, montrent que le ministre, quelques heures seulement avant le recours par le gouvernement fédéral à la Loi sur les mesures d’urgence, a demandé au maire de Windsor d’appuyer l’octroi de nouveaux pouvoirs, afin notamment d’aider à maintenir ouvert le pont Ambassador.

Le Service canadien du renseignement de sécurité avait avisé le gouvernement fédéral que le recours à cette législation avait des chances d’augmenter le nombre de Canadiens qui « ont des opinions antigouvernementales extrêmes et pousserait certains à croire que la violence est la seule solution ».

Le document classé secret a été présenté par l’avocat des organisateurs du « convoi de la liberté » à Ottawa durant le contre-interrogatoire du maire, mais a été retiré après que l’avocate de la Ville de Windsor eut soulevé une objection.

Outre les camions qui paralysaient le centre-ville de la capitale fédérale depuis la fin janvier, des manifestants avaient également bloqué le pont Ambassador à Windsor le 7 février, interrompant le commerce transfrontalier et les déplacements pendant plusieurs jours, pour protester contre les mesures sanitaires obligatoires liées à la COVID-19.

M. Dilkens a décrit le blocage de ce lien vers les États-Unis comme « une urgence économique nationale ». Il craignait que cela ne mette en péril les négociations avec le constructeur automobile Stellantis pour la construction de véhicules électriques au profit d’États américains qui auraient voulu accueillir son usine de fabrication de piles.

La police, munie d’une injonction du tribunal, a finalement expulsé les manifestants qui refusaient encore de partir et le pont a été rouvert à la circulation aux premières heures du 14 février. L’opération policière a coûté 5 millions à la municipalité. L’après-midi du 14 février, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé qu’il invoquerait la Loi sur les mesures d’urgence, qui n’avait jamais été utilisée depuis son adoption en 1988.

La Commission a également entendu le chef adjoint de la police de Windsor lundi après-midi, après avoir passé les trois premières semaines à écouter les résidents, élus municipaux, policiers et manifestants du « convoi de la liberté » à Ottawa. Les audiences se déroulent jusqu’au 25 novembre.

Avec La Presse Canadienne