(Québec) C’est un constat « dur », « clair » et « lucide » que pose la Cour supérieure sur le travail policier le soir de l’attentat au Métropolis, estime François Bonnardel. Les corps policiers « ont appris » de ce drame, mais doivent encore s’améliorer au chapitre de la coordination, selon le nouveau ministre de la Sécurité publique.

« La situation est bien différente, les corps de police se sont améliorés », a expliqué le ministre François Bonnardel, vendredi. « Je pense que les policiers ont appris de cet évènement, énormément, dix ans plus tard, c’est un constat qui est on ne peut plus clair d’une soirée où des moments de coordination ont été ratés par les différents corps de police », a-t-il ajouté.

Selon lui, les services policiers doivent continuer d’améliorer leur coordination lors de ce type d’évènements.

« La protection des personnalités est importante, on voit malheureusement une recrudescence de la cyberintimidation […]. Dans ces conditions, je pense que la police apprend, change et améliore ses méthodes et une meilleure coordination du travail doit être fait entre les différents corps de police dans des évènements comme celui de 2012 », a soutenu M. Bonnardel.

La Cour supérieure a conclu à une « faille importante » dans le plan de sécurité du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) et de la Sûreté du Québec (SQ) qui a permis à Richard Henry Bain de commettre l’attentat du Métropolis le soir de l’élection du Parti québécois en 2012.

Cette attaque aurait pu être facilement évitée avec un meilleur plan des corps policiers, selon le tribunal.

Le ministre de l’Éducation et ex-ministre péquiste, Bernard Drainville, se trouvait avec sa femme et sa fille au Métropolis le soir de l’attentat. Il n’est pas surpris du jugement qui a conclu à une faille de sécurité.

« On l’a échappé belle cette journée-là, et tout ce que j’espère, c’est que les services policiers ont tiré les leçons qu’il fallait pour que ça ne se reproduise jamais », a commenté vendredi M. Drainville.

La décision est la bonne, dit le PQ

« Je trouve que la décision du juge est la bonne, donc d’accorder des indemnités aux victimes et les blâmes sévères envers les services de police, je pense qu’ils vont de soi », a déclaré le député péquiste des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau. Il espère que les services de police ne feront pas appel de la décision.

« Même pour le gouvernement du Québec, c’est assez honteux également, la façon dont ça s’est déroulé. Je pense ici, évidemment, à Mme Marois. Et donc, pour tourner la page sur cet évènement-là, je pense qu’il faut accepter le jugement et il faut aussi accepter, de la part des corps policiers, d’avaler la pilule », a-t-il ajouté, déplorant que la SQ ait voulu « camoufler » les rapports d’enquête sur l’évènement.

Il a été révélé que la SQ s’était battue en vain pour que le rapport exécutif préparé à la demande du ministre de la Sécurité publique à l’époque reste secret pendant les procédures.

La SQ « a travaillé à assurer un meilleur arrimage avec ses partenaires internes et externes pour la planification et la sécurisation des sites », indique le corps policier dans un communiqué. « Elle a ajusté ses procédés en matière de sécurisation de site, d’élaboration des plans de sécurité, des formations et de l’évolution du renseignement. »

« Tous ces moyens ont déjà été déployés lors de précédentes campagnes et […] les élections de 2014, de 2018 et de 2022 se sont déroulées sans incident », dit l’inspecteur-chef Patrice Cardinal, cité dans le communiqué. La SQ ne dit pas si elle entend faire appel du jugement de la Cour supérieure.

Le SPVM assure également que des « changements importants » ont été apportés à ses pratiques, dont « une prise en charge centralisée de tous les évènements importants par notre centre de commandement » favorisant « une coordination étroite » avec les partenaires. Le corps policier n’indique pas non plus s’il compte porter le jugement en appel.

« La police a merdé, c’est clair »

« C’est une bonne étape de guérison pour les victimes de cette affaire-là. Parce que, oui, il y a eu attentat, ce soir-là, contre la nouvelle première ministre du Québec, et c’est affreux. Puis c’est une cicatrice sur le cœur de la nation québécoise […] Puis ces victimes-là ont le droit d’être représentées. On va se le dire franchement, la police a merdé ce soir-là, c’est clair », a lancé le député de Québec solidaire, Vincent Marissal.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Jonathan Dubé et Guillaume Parisien, deux des quatre techniciens de scène survivants à l'origine de la poursuite

Dans son jugement, la Cour supérieure accorde 292 000 $ à quatre survivants dont la poursuite a permis de comprendre l’ampleur de la désorganisation policière ce soir-là.

De son côté, le Parti libéral du Québec rappelle qu’il s’agissait « d’une attaque à toute la démocratie québécoise » et espère que les pratiques policières ont été mises à jour depuis.

Avec Charles Lecavalier, Hugo Pilon-Larose, Frédérik-Xavier Duhamel et Louis-Samuel Perron, La Presse