Le gouvernement Legault tiendra une consultation publique sur l’avenir énergétique du Québec, alors qu’il ambitionne de « faire grossir Hydro-Québec de 50 % » et de gagner la course à la carboneutralité en Amérique du Nord. Il n’ira toutefois pas jusqu’à mettre sur pied une commission nationale itinérante comme le demande le Parti libéral du Québec.

La consultation aura lieu le printemps prochain et sera pilotée par le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon. Elle précédera le dépôt d’un projet de loi « très costaud » touchant Hydro-Québec et la Régie de l’énergie et visant entre autres à accélérer le développement de l’énergie éolienne et à mettre en place une tarification dynamique pour les entreprises. Ce texte législatif était attendu au printemps, mais il devrait plutôt être déposé à l’automne, prévoit le gouvernement.

Le mandat précis de la consultation reste à définir. Au gouvernement, on évoque l’idée d’aborder l’enjeu de l’avenir énergétique au sens large, mais aussi de circonscrire l’exercice aux changements que l’on devrait apporter au fonctionnement d’Hydro-Québec et de la Régie de l’énergie en prévision du dépôt du projet de loi.

Pierre Fitzgibbon a évoqué la tenue d’une consultation en toute fin de mêlée de presse jeudi, en marge de la réunion du caucus caquiste pour préparer la session parlementaire qui débutera le 31 janvier. Il a répondu par l’affirmative quand on lui a demandé si une consultation sur l’avenir énergétique était prévue. « Il va y avoir des audiences publiques, une commission parlementaire. On va faire ça dans l’ordre », a-t-il ajouté.

La forme que prendra la consultation n’a pas été fixée encore, a-t-on indiqué plus tard au gouvernement. Chose certaine, l’exercice ne se tiendrait pas au parlement. Ce ne serait pas une commission parlementaire itinérante non plus.

Lors de sa rencontre avec le premier ministre François Legault la semaine dernière, le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, a demandé la tenue d’une « commission nationale itinérante sur l’énergie » qui « porterait sur nos besoins actuels et futurs en matière énergétique et sur les investissements publics qui seront nécessaires dans les prochaines décennies pour réaliser la transition énergétique et atteindre la carboneutralité pour 2050 ». La commission serait coprésidée par un député issu du gouvernement et un de l’opposition officielle, selon la proposition libérale. Cette forme de consultation n’est pas retenue par le gouvernement.

Dans son discours d’ouverture de la session parlementaire l’automne dernier, le premier ministre François Legault disait vouloir « un vrai débat de société » sur l’avenir énergétique du Québec, qui, selon lui, passe entre autres par la construction de nouveaux barrages afin de répondre à une demande accrue d’électricité.

Le débat entourant la nécessité d’une consultation avait pris de l’ampleur avec la sortie de la PDG d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, qui disait craindre que le Québec devienne le « Dollarama » de l’électricité en vendant au rabais son énergie à des entreprises pour des projets économiques énergivores. Les intentions du ministre Pierre Fitzgibbon l’inquiétaient. Elle a annoncé sa démission plus tôt ce mois-ci.

De son côté, le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a réclamé « la tenue d’une commission parlementaire d’urgence sur le Plan stratégique 2022-2026 d’Hydro-Québec, afin d’entendre Sophie Brochu avant son départ » de son poste de PDG le 11 avril.

Le gouvernement Legault entend demander à Hydro-Québec de témoigner devant les députés pour défendre son plan stratégique, mais il n’est pas acquis que l’exercice se fera avant le départ de Mme Brochu.

À son arrivée à la réunion du caucus, François Legault a placé l’énergie au cœur de ses priorités avec l’éducation et la santé. Il a fait la promotion de son « projet excitant d’électrifier le Québec » dans un discours devant ses députés.

« On est déjà les premiers en Amérique du Nord pour les plus [basses émissions de gaz à effet de serre] par habitant. On veut être les premiers à ramener ça à zéro. Ça veut dire entre autres faire grossir Hydro-Québec de 50 % » en termes de production d’électricité. « C’est excitant de dire que le Québec pourrait [être et] sera le premier État en Amérique du Nord à être carboneutre », a-t-il ajouté.

Selon Pierre Fitzgibbon, le gouvernement doit envisager la construction de nouveaux barrages afin de combler l’écart entre l’offre et la demande d’électricité « pour la décarbonation et pour les projets économiques qui valent la peine pour le Québec ». Le développement de l’énergie éolienne et des mesures d’efficacité, deux options sur lesquelles mise aussi le gouvernement à plus court terme, pourraient ne pas suffire.

Des éoliennes, « on n’en a pas assez au Québec », a lancé le ministre. Il veut développer cette filière avant de se lancer éventuellement dans la construction d’un nouveau barrage. Il compte toujours le faire en partenariat avec le privé. « Les éoliennes, on peut donner ça en sous-traitances à des gens, mais c’est Hydro-Québec qui doit décider où on implante les éoliennes. Et impliquer les municipalités, ça va aider beaucoup [à ce que ce soit] socialement acceptable », a-t-il dit.

Réactions de l’opposition

C’est un pas dans la bonne direction, mais c’est insuffisant. Une conversation nationale avec les experts, les citoyens et les gens d’affaires partout au Québec, c’est nécessaire pour une vraie vision énergétique et économique. Les Québécois méritent mieux.

Marc Tanguay, chef intérimaire du Parti libéral du Québec

Cette annonce de consultation est un pas dans la bonne direction, mais ça ne doit pas être une autre manœuvre de diversion de la CAQ : nous devons entendre Sophie Brochu en commission parlementaire. […] Par ailleurs, notre avenir énergétique est trop important pour que le gouvernement tourne les coins rond et improvise une consultation qui ne va pas au fond des choses. Elle doit se faire en bonne et due forme et inclure la société civile, les scientifiques, les communautés autochtones et toutes les parties prenantes.

Haroun Bouazzi, député de Maurice-Richard et porte-parole de Québec solidaire en matière d’énergie