(Québec) Les griefs s’accumulent à Québec contre le gouvernement libéral de Justin Trudeau. La plus récente critique vise des dispositions de la loi C-5, adoptée en juin dernier par le fédéral, qui permettent aux agresseurs sexuels de purger une peine de prison à domicile. Les députés québécois accusent Ottawa de nuire à la lutte contre les violences sexuelles.

La Presse rapportait mercredi le cas de Sobhi Akra, 39 ans, qui a plaidé coupable en janvier 2022 d’avoir agressé sexuellement huit femmes entre octobre 2017 et novembre 2018 en empoignant leurs seins ou leurs parties génitales. M. Akra attend toujours sa peine. La Couronne a demandé 22 mois de détention, alors que la défense en réclamait six, pour ne pas nuire à sa demande d’immigration et lui éviter d’être expulsé vers son pays d’origine, le Liban.

Le juge Alexandre St-Onge a toutefois demandé mardi aux deux parties de se prononcer sur la toute nouvelle loi C-5. Cette loi permet aux agresseurs sexuels de purger une peine de prison à domicile, alors que les peines avec sursis en matière d’agressions sexuelles avaient été abolies en 2007 sous les conservateurs.

Les parlementaires québécois ont unanimement condamné mercredi les dispositions controversées de la loi C-5. Le ministre de la Justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, a déposé une motion à la période des questions, recevant l’appui de tous les députés.

Le texte adopté accuse Ottawa d’infliger « un recul en matière de lutte contre les violences sexuelles ».

« [L’Assemblée nationale] demande au gouvernement fédéral de modifier la loi afin de rendre inadmissible l’infraction d’agression sexuelle aux peines d’emprisonnement dans la collectivité », dit la motion.

Dans un autre dossier de nature sexuelle, le procureur de la Couronne MAlexis Dinelle a récemment fait une sortie remarquée contre la loi C-5. « En ce moment, Justin Trudeau et [le ministre de la Justice] David Lametti ont probablement des comptes à rendre aux victimes d’agression sexuelle », a-t-il affirmé.

« Je suis fier de C-5 »

Le ministre apostrophé a appelé à la patience par rapport à la loi qui est entrée en vigueur récemment.

« Je crois qu’on ne doit pas avoir des réactions trop fortes au début. Je suis fier de C-5 », a-t-il dit en marge d’une annonce sur la Stratégie canadienne en matière de justice pour les personnes noires.

« Pour ce qui est des agressions sexuelles, les crimes graves méritent des conséquences graves. Et on laisse évidemment une certaine discrétion aux juges de déterminer les faits et les peines selon les circonstances », a-t-il ajouté.

Legault apostrophe Trudeau

Dans un tout autre dossier, le premier ministre François Legault a également apostrophé mercredi son homologue fédéral Justin Trudeau en lui demandant de rectifier le tir concernant la capacité d’accueil du Québec dans le dossier des demandeurs d’asile.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le premier ministre du Québec, François Legault

Dans une brève mêlée de presse au parlement de Québec, M. Legault a rappelé un gazouillis du premier ministre du Canada dans lequel il affirmait en janvier 2017 sur Twitter : « À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera. »

« On se rappelle que Justin Trudeau a fait un tweet en disant à tous les migrants qui fuient la persécution qu’ils étaient bienvenus ici. Là, il serait temps que Justin Trudeau fasse un nouveau tweet pour dire de ne plus venir parce qu’on a dépassé notre capacité d’accueil. M. Trudeau a une responsabilité là-dedans », a dit M. Legault.

Écoutez, on a des problèmes de logement, de places dans les écoles, de personnel dans les hôpitaux. À un moment donné, il faut que M. Trudeau envoie un nouveau message.

François Legault, premier ministre du Québec

Le premier ministre caquiste exige depuis des mois qu’Ottawa « ferme » le chemin Roxham, qui traverse la frontière entre les États-Unis et le Canada, en Montérégie. M. Legault demande aussi au fédéral de renégocier l’Entente sur les tiers pays sûrs afin d’y inclure les points d’entrée irréguliers comme le chemin Roxham.

Avec la collaboration de Mélanie Marquis, La Presse