(Québec) Le ministre Lionel Carmant veut prendre « un pas de recul » pour évaluer s’il est réaliste à court terme de demander à la DPJ de faire un suivi journalier de tous les enfants de moins de 5 ans qui font l’objet d’un signalement, comme le recommande la coroner Géhane Kamel dans son rapport sur la mort du petit Thomas Audet.

« Pour le moment, on va reprendre un pas de recul et on va voir qu’est-ce qui est applicable tout de suite », a soutenu mardi le ministre responsable des Services sociaux en se rendant au Salon bleu.

« On priorise [déjà] les enfants de moins de 5 ans, c’est sûr, mais de les mettre tous priorité un (P1), il faut vraiment regarder la situation parce que c’est quand même 30 % de tous les signalements », a-t-il ajouté. M. Carmant a rappelé qu’il faut prioriser les enfants selon l’âge, mais aussi selon leur situation.

« Une des bonnes choses qu’on fait à la DPJ, c’est de s’assurer que les P1, P2 soient vus à temps. Donc, oui il faut prioriser, mais il faut aussi prioriser la raison. P1, P2 ce sont les agressions physiques, les agressions sexuelles et il faut que ça demeure une priorité », a expliqué le ministre Carmant.

Le jeune Thomas Audet, mort d’un coup à l’abdomen infligé dans des circonstances nébuleuses en 2016, aurait dû faire l’objet d’un traitement prioritaire par la DPJ en raison de nombreux « drapeaux rouges » entourant son cas, a conclu après enquête la coroner Géhane Kamel. Elle recommande la mise en place d’une « mesure d’exception » pour tout enfant âgé de 5 ans et moins.

PHOTO JEANNOT LÉVESQUE, ARCHIVES LE QUOTIDIEN

André Simard, grand-père du jeune Thomas Audet, mort d’un coup à l’abdomen en 2016

« La situation de pénurie de main-d’œuvre et l’attraction des intervenants vers un milieu comme la DPJ demeurent un défi de taille. En 2016, c’était un budget famélique avec lequel les directions devaient manœuvrer. Aujourd’hui, c’est l’exode des intervenants », soutient-elle dans son rapport rendu public, lundi.

Dans ce contexte, la coroner Géhane Kamel recommande donc l’implantation, à la DPJ, d’une « mesure d’exception » indiquant que tous les enfants âgés de 5 ans et moins qui font l’objet d’un signalement « doivent faire l’objet d’une évaluation sans délai et d’un suivi journalier de la situation ». Cela ne faisait pas partie des conclusions de la commission Laurent.

Thomas Audet avait reçu un code de priorité 3 à la suite d’un signalement reçu par la DPJ le 17 mai 2016, environ un mois avant sa mort. Son cas s’était donc retrouvé sur une liste d’attente et le petit est mort la veille de son assignation à un intervenant.

Dans son rapport, la coroner Kamel recommande aussi de rehausser le financement de la DPJ. « L’argent est là », a rétorqué M. Carmant, rappelant qu’au moins 200 postes sont actuellement à pourvoir à la DPJ.

Québec doit en faire plus, selon l’opposition

La députée de Québec solidaire, Christine Labrie, demande justement à ce que la protection de la jeunesse soit un secteur prioritaire dans les négociations du secteur public. Pour l’heure, Québec priorise les infirmières, les enseignants et les psychologues.

« Les équipes sont largement incomplètes, à travers le Québec, ne sont pas en mesure de traiter les signalements dans un délai qui serait raisonnable pour assurer la sécurité de tous les enfants », a-t-elle déploré, mardi.

« J’ai l’impression qu’on s’enlise. Moi, ce que les intervenantes me disent, c’est que la situation s’est dégradée […]. Les intervenantes fuient ce milieu de travail là comme la peste. Elles y entrent et elles s’en vont presque instantanément parce que la charge de travail est trop lourde », a poursuivi Mme Labrie.

Ça prendrait un plan d’action assez radical, pour changer les choses, parce qu’on n’est pas proche d’une solution, on est plutôt en train de s’enfoncer

Christine Labrie, porte-parole en matière de Services sociaux de Québec solidaire

Le député péquiste, Joël Arseneau, a lui aussi déploré la situation. « Je ne crois pas que le gouvernement prend la mesure de la crise actuelle. […] Sur le terrain, on voit que les choses ne s’améliorent pas nécessairement » malgré les investissements des dernières années, a-t-il exprimé.

De son côté, le chef intérimaire du Parti libéral du Québec a pressé le gouvernement de mettre en œuvre l’ensemble des recommandations du rapport Laurent. « On ne peut plus se permettre d’échapper, comme on dit là, des enfants », a mentionné Marc Tanguay. « Il est temps que le gouvernement mette en application toutes les recommandations du rapport Laurent. Ils l’ont coupé en trois phases, 11 sur 65 pour la première phase, c’est nettement insuffisant », a-t-il ajouté.

Avec Vincent Larin et Hugo Pilon-Larose