(Ottawa) Les Nations unies pourraient bientôt commencer à s’interroger sur ce que l’on entend, à Ottawa, par « rapide », maintenant que le gouvernement canadien s’est donné trois ans de plus pour fournir à l’ONU une force d’intervention rapide de 200 soldats destinée au maintien de la paix.

Le premier ministre Justin Trudeau s’était d’abord engagé en novembre 2017 à ce que le Canada fournisse une « force d’intervention rapide », lorsqu’il a accueilli un important sommet international sur le maintien de la paix à Vancouver.

Les responsables de l’ONU avaient alors salué cet engagement, qui coïncidait avec la campagne menée par le Canada pour obtenir un siège temporaire au Conseil de sécurité des Nations unies.

Mais le Canada a finalement perdu cette campagne. Et six ans plus tard, il n’a toujours pas tenu sa promesse de déployer une force d’intervention rapide.

Depuis, l’ONU et les États-Unis pressent le Canada de créer enfin cette force, et les libéraux assurent que la question demeure à l’ordre du jour.

« Nous continuons à soutenir fermement les opérations de maintien de la paix de l’ONU, a déclaré M. Trudeau lors d’une conférence de presse à Regina jeudi, en réponse à une question de La Presse Canadienne. Nous continuons à travailler activement avec les partenaires de l’ONU et avec l’ONU elle-même pour nous assurer que nous sommes là pour soutenir les missions importantes qu’ils accomplissent. »

Mais après s’être déjà accordé l’an dernier une prolongation du délai initial de cinq ans, le gouvernement affirme qu’il a maintenant jusqu’à mars 2026 pour tenir promesse.

Walter Dorn, professeur au Collège des Forces canadiennes et l’un des plus grands experts canadiens en matière de maintien de la paix, ne croit pas que le gouvernement tiendra sa promesse. Il ajoute que les Nations unies ne le croient pas non plus.

« L’ONU considère qu’il s’agit d’un engagement mort et enterré, a déclaré M. Dorn, qui collabore et travaille fréquemment avec des fonctionnaires de l’ONU à New York et ailleurs. Il s’agit de la force de réaction rapide la plus lente à se déployer de toute l’histoire du Canada. »

D’autres contributions

Le gouvernement a déjà souligné les divers autres moyens par lesquels le Canada contribue au maintien de la paix, dont certains ont également été promis à Vancouver il y a plus de cinq ans. Il s’agit notamment du déploiement d’un détachement d’hélicoptères au Mali, de la mise à disposition d’avions Hercule pour le transport de troupes et de matériel lors de plusieurs missions de maintien de la paix en Afrique, ainsi que de formateurs militaires.

Ces efforts, connus collectivement sous le nom d’« Opération PRESENCE », ont été récemment prolongés, avec la promesse d’une force d’intervention rapide à une date ultérieure.

« L’opération PRESENCE a été prolongée jusqu’en 2026, pour une période de trois ans, avec les mêmes pouvoirs, a écrit Daniel Le Bouthillier, porte-parole du ministère de la Défense. Le Canada continue d’être un contributeur important aux opérations de paix de l’ONU et continuera de chercher des moyens de contribuer aux efforts des Nations unies pour construire la paix et la sécurité dans le monde. »

Le professeur Dorn met toutefois en doute ces affirmations, soulignant que le Canada ne comptait que 58 soldats de la paix dans les missions de l’ONU au début de l’année. C’est moins de la moitié de l’effectif qu’il y avait lorsque les libéraux ont pris le pouvoir en 2015.

Plutôt de l’argent

En décembre 2021, le Canada a fait l’objet de pressions de la part des États-Unis pour fournir la force d’intervention rapide promise, ainsi que le personnel médical et les drones nécessaires au maintien de la paix.

Ces pressions ont été exercées avant une conférence sur le maintien de la paix en Corée du Sud, au cours de laquelle le Canada a promis des millions de dollars d’aide financière aux missions de l’ONU en lieu et place de troupes et d’équipements. Il n’est pas certain que le Canada subisse des pressions similaires plus tard cette année, lorsque le Ghana accueillera une conférence des donateurs en décembre.

Les Nations unies affirment cependant qu’elles ont besoin d’une telle force pour répondre aux attaques contre les unités de maintien de la paix et à d’autres situations d’urgence en République centrafricaine.

Les commandants ont prévenu que l’armée canadienne était déjà à bout de souffle et qu’on lui demandait d’en faire plus au pays et à l’étranger, alors même qu’elle est confrontée à une grave pénurie de personnel et d’équipement.

M. Dorn réfute ces arguments, affirmant que le déploiement de 200 Casques bleus ne représenterait qu’une charge minime pour une armée de la taille de celle du Canada. Mais il estime que le mal est fait.

« Nous avions promis de nous réengager dans le maintien de la paix et ça ne s’est pas produit. Après tout ce temps, on peut maintenant dire qu’ils ont échoué. »