(Ottawa) Après avoir peiné à retourner un don controversé de 140 000 $ lié à Pékin, dans le cadre d’une démarche qui a mené à des démissions en bloc, la Fondation Pierre Elliott Trudeau a finalement pu rembourser le montant à l’expéditeur. L’affaire n’est pas close pour autant, puisque les demandes d’enquête commencent à s’empiler.

Le don a été remboursé dans son intégralité à l’entreprise Aigle d’or du millénaire, propriété du milliardaire Zhang Bin, ce proche du régime chinois à l’origine de la contribution controversée, a pu confirmer La Presse auprès d’une source bien au fait du dossier.

« Le fameux chèque qui a été envoyé à plusieurs reprises, qui était revenu, a été encaissé, et l’argent n’est plus dans le compte de banque de la Fondation, donc ça, c’est réglé », a expliqué cette même source qui a requis l’anonymat parce qu’elle n’était pas autorisée à parler publiquement.

Des courriels issus d’une liasse de documents internes obtenus plus tôt cette semaine par La Presse montrent que plusieurs membres du conseil d’administration s’inquiétaient, au début du mois d’avril, de l’impossibilité pour la Fondation1 de retourner le chèque à l’entreprise émettrice du don, Aigle d’or du millénaire.

Certains étaient préoccupés par le fait qu’une firme d’avocats avait refusé d’ouvrir un compte en fidéicommis pour y déposer les fonds, « pour des raisons déontologiques ». L’homme d’affaires chinois est aussi président de la China Cultural Industry Association, organisation « approuvée par le Conseil d’État de Pékin ».

La Fondation sous la loupe

Le président du conseil d’administration de la Fondation, Edward Johnson, a également demandé vendredi à la vérificatrice générale du Canada, Karen Hogan, de réaliser un audit sur sa gestion des dons, lui promettant « son entière collaboration » si elle décidait d’accéder à cette demande.

L’enquête indépendante commandée mercredi par l’organisation, qui a été critiquée par deux démissionnaires de la Fondation Trudeau, sera réalisée en parallèle, précise-t-on dans la lettre qui a été reçue au bureau de la vérificatrice générale.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, qui réclamait une enquête de la vérificatrice générale, a salué vendredi « la décision saine » des administrateurs de la Fondation « de solliciter eux-mêmes » une telle investigation.

C’est qu’à Ottawa, les partis d’opposition n’ont pas l’intention de lâcher le morceau, et ils exploitent tous leurs angles d’attaque. Car même s’il s’agit d’une organisation privée, elle porte le nom Trudeau, et l’actuel premier ministre est devancé dans plusieurs récents sondages par son adversaire conservateur, Pierre Poilievre.

Celui-ci s’est tourné, vendredi, vers le commissaire de l’Agence du revenu du Canada (ARC), Bob Hamilton, pour demander un audit complet de l’organisme de bienfaisance. Les récentes informations véhiculées dans La Presse et le Globe and Mail, y écrit-il, le justifient.

1. Lisez l’article « Impossible de retourner le “don chinois” »