(Ottawa) Dans le camp libéral, on l’a jugé « limpide et authentique ». Chez les conservateurs, on l’a qualifié d’« opération de camouflage ». Pour les néo-démocrates, il aura été la preuve que la « sphère partisane » n’est pas le lieu pour aller au fond des choses.

Le tant attendu témoignage de Katie Telford sur l’ingérence chinoise dans les élections canadiennes de 2019 et 2021 n’a pas donné lieu à des révélations fracassantes au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, vendredi après-midi.

La cheffe de cabinet de Justin Trudeau avait prévenu les élus en lever de rideau : pour des motifs de sécurité nationale, sa marge de manœuvre était « limitée ». Ainsi a-t-elle dès le début repris à son compte des mises en garde formulées avant elle par la conseillère en matière de sécurité nationale du premier ministre, Jody Thomas, et le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), David Vigneault.

« Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions. En même temps, je dois respecter la loi et les mêmes limites [qu’eux] lorsqu’ils ont comparu ici. Mais ce que je peux dire, c’est que chaque fois que nous recevons des documents ayant trait à la sécurité et au renseignement, nous retournons toutes les pierres », a-t-elle dit avant d’ajouter sa voix au débat entourant la pertinence de sa propre présence à la table du comité.

« Je suis une consommatrice de renseignements [de sécurité], pas celle qui donne les séances d’information sur les rapports. Ces enjeux sont extrêmement sensibles, et la loi impose des limites à ce que je peux dire en public. Ultimement, j’ai accepté l’invitation, car je veux que le Parlement fonctionne », a exposé celle dont la comparution a fait l’objet d’un long bras de fer entre les libéraux et l’opposition.

La collaboratrice du premier ministre n’a pas pour autant voulu dire, en réponse à une question de l’élue néo-démocrate Rachel Blaney, si elle jugeait opportun le déclenchement d’une enquête publique sur l’ingérence étrangère, comme le réclament les partis d’opposition en Chambre. Ce sera au rapporteur spécial, l’ancien gouverneur général David Johnston, de le déterminer, a-t-elle plaidé.

Financement de candidats par Pékin : « inexact »

Les députés conservateurs du comité ont procédé de façon plus chirurgicale, interrogeant Katie Telford au sujet des allégations publiées en février dernier par Global News, selon lesquelles 11 candidats aux élections fédérales de 2019 auraient été financés par Pékin. « Ce que je peux rappeler, c’est ce qu’a dit [Jody Thomas] lorsqu’elle a témoigné ici, soit que le lien entre 11 candidats et ce type de fonds est inexact », a-t-elle déclaré.

Les conservateurs ont talonné la stratège sur les dates auxquelles le premier ministre a eu droit à des séances d’information sur l’ingérence étrangère depuis 2018, et sur les enjeux qui ont été discutés. Leurs efforts ont souvent été vains, ce qui a suscité le mécontentement du député conservateur Michael Cooper, reprochant à Mme Telford sa « réticence » à répondre aux questions, ce qui alimente la « suspicion ».

Peu avant le début de la réunion de vendredi, le comité a reçu un inventaire des dates auxquelles des séances ont été offertes à Justin Trudeau, à ses ministres et à ses conseillers qui détiennent une cote de sécurité leur permettant d’y être, de 2018 à 2023. Chose certaine, « rien n’est caché au premier ministre… certainement pas par moi », a assuré Katie Telford à la bloquiste Marie-Hélène Gaudreau.

« Limpide et authentique », a dit le libéral Greg Fergus au sujet du témoignage de la cheffe de cabinet.

« Je demeure concentré sur mon travail », dit Johnston

Le Comité permanent de la procédure et des affaires doit poursuivre son étude sur l’ingérence étrangère au cours des prochaines semaines.

Quant à David Johnston, il doit publier ses recommandations d’ici le 23 mai prochain.

La crise entourant le « don chinois » à la Fondation Pierre Elliott Trudeau, dont l’ancien gouverneur général était membre, a redonné un second souffle aux appels à sa récusation.

« Je demeure concentré sur le travail qui m’attend », a commenté ce dernier en réaction à ces critiques, jeudi, dans une déclaration transmise à La Presse.