(Québec) L’ancien premier ministre Jean Charest réclame plus de 715 000 $ au gouvernement du Québec dans l’affaire des fuites de renseignements à l’Unité permanente anticorruption (UPAC) dont il a été victime.

Cette requête de ses avocats qui a été déposée plus tôt cette semaine en Cour supérieure fait suite au jugement de la Cour supérieure qui lui a accordé 385 000 $ dans cette même affaire au début d’avril.

S’il gagne sur toute la ligne, il obtiendra donc pratiquement un peu plus de 1,1 million.

Pour justifier leur demande, les avocats de M. Charest prétendent que le Procureur général du Québec a usé de tactiques dilatoires et d’abus de procédures, notamment en retardant la remise de documents.

« Le Procureur a abusé de la procédure en ce que l’essentiel de son système de défense était faux, manifestement mal fondé et dilatoire », peut-on lire dans la demande introductive d’instance.

Le Procureur aurait ainsi fait preuve d’un « comportement vexatoire envers le demandeur et manifestait à son encontre un acharnement inexplicable ».

M. Charest réclame plus de 200 000 $ en dommages-intérêts punitifs. Il exige aussi de 512 000 $ pour payer les honoraires de ses avocats, ainsi que 5000 $ en dommages moraux.

Le montant totalise ainsi 717 000 $.

Rappelons que dans sa décision rendue au début d’avril, le juge Gregory Moore avait condamné l’État québécois à verser 385 000 $ à M. Charest pour avoir divulgué illégalement des renseignements personnels.

L’ancien premier ministre poursuivait en effet l’État québécois après que des détails de l’enquête Mâchurer — à propos du financement du Parti libéral du Québec — de l’UPAC ont été transmis aux médias en 2017.

Mais dans sa décision, le juge Moore avait aussi autorisé le demandeur à déposer une demande additionnelle en abus de procédure pour obtenir une compensation supplémentaire, d’où la demande déposée cette semaine.

Rappel des faits

Rappelons les faits. En avril 2014, l’UPAC entreprend l’enquête Mâchurer, sur le financement sectoriel mené par le Parti libéral du Québec du temps où il était dirigé par M. Charest.

Trois ans après, en 2017, le Journal de Montréal a publié des documents détenus par l’UPAC.

Ils révèlent notamment que M. Charest a été sous surveillance policière et que l’UPAC cherchait à obtenir ses communications avec Marc Bibeau, présenté comme le grand argentier du PLQ à l’époque où M. Charest le dirigeait.

L’UPAC voulait aussi connaître les allées et venues aux frontières des deux hommes. Dans ces documents, l’UPAC disait enquêter sur la corruption et l’abus de confiance, deux infractions criminelles.

Des renseignements personnels sur M. Charest ont aussi été refilés au Journal de Montréal.

Le Commissaire de l’UPAC a confirmé qu’un membre de son organisation était responsable de la fuite et qu’une enquête administrative était lancée pour en déterminer l’origine. Le Procureur général du Québec a confirmé qu’un membre de l’UPAC est à l’origine de la fuite, rappellent les avocats de M. Charest.

Étant donné la gravité de l’affaire, le ministère de la Sécurité publique a demandé en 2018 au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) de faire la lumière sur les fuites.

Il a relevé un total de 37 fuites aux médias entre 2012 et 2018. Mais par la suite, l’enquêteur du BEI a revu à la hausse le nombre de fuites pour l’établir à 54.

M. Charest n’a pas été accusé dans le cadre de l’enquête Machûrer, où il était mentionné comme « personne d’intérêt », mais il estimait que la divulgation d’information avait terni sa réputation.

Le juge Moore lui avait donc donné raison en lui accordant 385 000 $.