(Québec) À quelques jours du congrès de la Coalition avenir Québec (CAQ) à Sherbrooke, François Legault relance ses demandes pour obtenir plus de pouvoirs d’Ottawa en matière d’immigration, notamment en ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires.

Le premier ministre a annoncé mardi que la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, dévoilera dans les prochains jours de nouveaux critères visant à exiger un certain niveau de français de tous les immigrants économiques. M. Legault avait déjà promis que 100 % de cette catégorie d’immigrants, qui relève du Québec, serait francophone ou francotrope d’ici 2026. En novembre dernier, il précisait que 80 % d’entre eux connaissaient le français à l’heure actuelle.

Alors que Québec a plafonné à 50 000 le seuil annuel de nouveaux arrivants économiques, le nombre de ressortissants étrangers temporaires est plus élevé. Au 31 décembre dernier, la province comptait 108 410 travailleurs étrangers temporaires (35 215 relevant du Programme des travailleurs étrangers temporaires et 73 195 du Programme de mobilité internationale), ainsi que 93 370 étudiants étrangers sur son territoire.

François Legault reconnaît qu’il y a « beaucoup de temporaires » et qu’il regarde ce que le gouvernement peut faire avec eux « pour protéger le français au Québec ». Dans un premier temps, le premier ministre a demandé à regarder du côté des étudiants étrangers pour que « la grande majorité vienne étudier en français, donc dans nos cégeps et nos universités francophones ».

Les ressortissants étrangers temporaires qui voudront plus tard devenir des immigrants permanents devront eux aussi satisfaire aux nouveaux critères en matière de connaissance du français.

« L’urgence » de protéger le français

Pour François Legault, « l’urgence, à court terme, c’est de protéger le français au Québec ». Il y a un an, lors du congrès préélectoral de son parti, le premier ministre soutenait que le Québec risquait de devenir « une Louisiane » si Ottawa ne lui cédait pas les pleins pouvoirs en immigration. Il demandait « un mandat fort pour aller négocier ça avec le gouvernement fédéral ». Ottawa a toujours refusé d’accéder à ses demandes à ce sujet.

Pour le congrès caquiste de la fin de semaine, où le premier ministre subira un vote de confiance dont l’issue ne cause pas beaucoup de suspense, le parti ne parle plus de récupérer les pleins pouvoirs en immigration. Une résolution soumise par la commission politique se limite à réclamer un seul pouvoir dans ce domaine : « le contrôle du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) ».

En mêlée de presse, mardi, M. Legault a précisé que son gouvernement exigeait toujours les pleins pouvoirs en matière d’immigration, mais qu’il doit « agir à court terme avec les pouvoirs qu’[il] a », puis « agir graduellement avec le fédéral » avec ses nouvelles demandes.

L’« Initiative du siècle » dénoncée

De façon unanime, l’Assemblée nationale a également dénoncé, mardi, l’idée portée par le groupe l’« Initiative du siècle », qui vise à porter à 100 millions d’habitants la population du Canada d’ici 2100. Selon une motion présentée par les libéraux et qui a été appuyée par tous les partis, un tel projet aurait « des effets délétères » en « marginalisant le français » au pays et en réduisant le poids démographique du Québec au sein de la fédération canadienne.

« Cette initiative n’est pas viable pour l’avenir de la nation québécoise », énonce la motion, ajoutant qu’Ottawa doit établir « des seuils d’immigration fondés sur la capacité d’accueil du Québec et du Canada susceptibles de maintenir le poids du français et du Québec au sein du Canada ».

Il n’est pas question au Québec qu’on ait une telle croissance de l’immigration au cours des prochaines années.

François Legault, premier ministre du Québec, au sujet de l'« Initiative du siècle »

Et dans tous les cas, « c’est le Québec qui doit décider seul du nombre d’immigrants permanents au cours des prochaines années », a ajouté François Legault lors du point de presse.

Le gouvernement procédera au cours des prochains mois à une révision de sa planification pluriannuelle de l’immigration pour les années 2024 à 2027. La ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a affirmé au Salon bleu que ses équipes procédaient à une évaluation de la capacité d’accueil de la province afin d’établir les nouveaux seuils.

Indépendamment du projet soutenu par l’« Initiative du siècle », le gouvernement Trudeau s’est fixé l’objectif d’accueillir 500 000 immigrants par année au Canada d’ici 2025. Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a affirmé mardi que « la langue française et la culture québécoise sont définitivement menacées » par les seuils d’immigrants permanents d’Ottawa.

Québec solidaire s’est lancé dans un vibrant plaidoyer pour l’immigration. Le parti estime que le gouvernement Legault doit inclure dans sa réflexion les immigrants temporaires puisque leur nombre grandissant démontre que le Québec a besoin d’eux.

Du côté du Parti libéral, le député Monsef Derraji estime que le premier ministre cache pour des « motifs idéologiques » la réalité de l’immigration temporaire parce que c’est « politiquement payant » pour lui de parler uniquement d’immigration permanente, dont le seuil a été limité à 50 000 par son gouvernement.

Avec la collaboration de Charles Lecavalier, La Presse

D’autres thèmes au congrès caquiste

Le congrès de la CAQ mettra également en avant le thème du développement énergétique. Dans le cahier de propositions, la commission politique demande aux militants d’appuyer l’idée de « préconiser la construction de nouvelles centrales hydroélectriques pour réussir l’électrification du Québec ». Des panélistes feront également une présentation sur l’énergie. Le 15 mai, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, tiendra une consultation sur « l’encadrement et le développement des énergies propres » en vue du dépôt de son projet de loi prévu à l’automne. Le gouvernement prévoit par ailleurs de nommer le nouveau patron d’Hydro-Québec entre la fin de mai et la mi-juin.

Tommy Chouinard, La Presse