(Sherbrooke) Le ministre de la Justice a eu recours à une mesure d’« exception » afin de pourvoir un poste de juge à la Cour du Québec à Sept-Îles, finalement obtenu par l’avocat de Longueuil Alexandre Germain, reconnaît le premier ministre François Legault. Or, une procédure similaire est actuellement engagée à Val-d’Or, a constaté La Presse.

La nomination récente de deux juges par Simon Jolin-Barrette retient l’attention au premier jour du congrès de la Coalition avenir Québec (CAQ). Outre la nomination du juge Germain, le premier ministre a dû de nouveau défendre la décision de son ministre de la Justice de nommer un ami de longue date, Charles-Olivier Gosselin, pour un autre poste de juge de la Cour du Québec, cette fois dans la capitale.

Simon Jolin-Barrette persiste et signe. « J’assume mon choix pleinement » et « toutes les règles ont été respectées », a-t-il soutenu. « C’est une candidature d’une grande qualité et la nomination a été faite au mérite. Et la relation entre lui et moi n’a pas été prise en considération pour faire ma recommandation [au Conseil des ministres]. Le choix que j’ai fait respecte le règlement. »

Le mystère plane quant à l’autre nomination, celle d’un avocat de Longueuil au poste de juge de la Cour du Québec à Sept-Îles, après l’annulation d’un premier appel de candidatures auquel plusieurs avocats de la région avaient soumis leur dossier.

François Legault admet qu’il s’agit d’une mesure « d’exception », mais ignore la raison pour laquelle son ministre n’a pas nommé de juge après le dépôt du premier rapport du comité de sélection, le 12 décembre 2022. Simon Jolin-Barrette a plutôt lancé un deuxième appel de candidatures pour le même poste.

François Legault a indiqué samedi qu’il n’avait pas demandé de précisions à son ministre sur ce cas particulier.

Le premier ministre juge néanmoins qu’il est « normal » que le ministre choisisse un candidat selon ses exigences, quitte à écarter les recommandations du comité de sélection.

« Ça se peut que, dans ce cas-là, la ou les propositions ne répondaient pas aux exigences que le ministre souhaitait. Donc, il a recommandé au comité de refaire une autre ronde. »

Des acteurs d’expérience du milieu juridique consultés par La Presse ont tous affirmé qu’il s’agissait effectivement d’une intervention rarissime.

Deuxième tour à Val-d’Or

Or, Simon Jolin-Barrette a récemment annulé le premier appel de candidatures à un autre poste de juge de la Cour du Québec, cette fois à Val-d’Or. Dans ce cas-ci, le comité de sélection avait remis son rapport et ses recommandations au ministre le 17 janvier dernier. Comme dans le cas de Sept-Îles, M. Jolin-Barrette a décidé de ne pas procéder à la nomination.

Il a plutôt annulé le premier appel de candidatures pour en lancer un deuxième le 8 février. Le processus de nomination est toujours en cours. La date limite pour déposer sa candidature dans le cadre de ce deuxième tour était le 24 mars. Le règlement stipule que les personnes ayant déjà posé leur candidature lors de la publication du premier avis ne peuvent soumettre de nouveau leur candidature.

Selon nos informations, la nomination à Sept-Îles d’un candidat de l’extérieur de la région commence à semer l’inquiétude à Val-d’Or.

« Le processus a été suivi »

Simon Jolin-Barrette n’a pas voulu expliquer sa décision d’annuler le premier appel de candidatures à Sept-Îles. Selon lui, « le processus a été suivi en tout point ».

« Il y a plusieurs informations qui ont circulé dans les médias qui sont inexactes. Par contre, le rapport, le processus est confidentiel, et je ne peux commenter davantage », a plaidé le ministre. Il a répondu ne pas connaître personnellement le juge Alexandre Germain, issu du Barreau de Longueuil.

La nomination de cet avocat de Longueuil crée des remous dans la région sur la Côte-Nord.

La ministre responsable de la Côte-Nord, Kateri Champagne Jourdain, admet qu’elle aurait souhaité la nomination d’un avocat de la région. « Maintenant, la décision a fait en sorte que ce sera quelqu’un de l’extérieur. On va gagner une famille, on va gagner des gens, on a aussi un enjeu démographique chez nous. On va faire en sorte d’être accueillants », a-t-elle expliqué samedi.

La députée de Duplessis, qui habite à Sept-Îles, a indiqué avoir eu une « bonne discussion » avec le ministre Jolin-Barrette et s’est dite « très rassurée » par ses explications sur le processus.

« Pas une cachette »

Simon Jolin-Barrette a par ailleurs justifié sa décision de nommer son ami Charles-Olivier Gosselin comme juge à Québec, plaidant que « toutes les règles ont été respectées ».

« Je suis pleinement conscient que le fait de nommer quelqu’un avec qui j’ai des liens allait avoir nécessairement une résonance. […] Ce n’est pas une cachette que tout le monde savait que je connaissais le juge Gosselin », a affirmé le ministre.

François Legault, lui, l’ignorait jusqu’à vendredi. M. Jolin-Barette estime – comme M. Legault, d’ailleurs – qu’il n’avait pas à informer le Conseil des ministres de son amitié de longue date avec Gosselin avant de procéder à sa nomination comme juge.

Charles-Olivier Gosselin était « sur la liste des candidats recommandés » dans le rapport du comité indépendant de sélection. Le ministre a assuré qu’il ne savait pas que M. Gosselin avait soumis sa candidature au poste de juge avant de recevoir le rapport.

Charles-Olivier Gosselin, âgé de 36 ans, a été admis au Barreau en 2011. Il a commencé sa carrière au Centre communautaire juridique de Québec, où il exerçait toujours sa profession. Il a notamment défendu le tueur de la grande mosquée de Québec.