(Ottawa) Le gouvernement fédéral devrait déposer mardi un projet de loi visant à réformer le système de libération sous caution au Canada.

Les provinces et territoires ont publiquement fait part de leurs préoccupations concernant des prévenus qui commettent des crimes alors qu’ils sont en libération sous caution en attendant leur procès dans un autre dossier.

Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a depuis indiqué qu’il apporterait des « réformes ciblées » au Code criminel pour remédier à cette situation. Le gouvernement affirme que les réformes viseront les récidivistes violents et les infractions impliquant des armes à feu et d’autres armes dangereuses.

Les premiers ministres des provinces et territoires réclament en fait un changement au système de libérations sous caution qui renverserait le fardeau de la preuve pour les accusés de certains crimes graves. Ce serait alors à l’accusé de faire la preuve devant le tribunal qu’il ne devrait pas rester derrière les barreaux en attendant la suite des procédures.

Après des réunions en mars avec le ministre Lametti et son collègue de la Sécurité publique, Marco Mendicino, les premiers ministres avaient bon espoir que le gouvernement fédéral répondrait favorablement à leur demande. Bronwyn Eyre, ministre de la Justice de la Saskatchewan, avait constaté à l’époque une attitude constructive et une ouverture d’Ottawa.

M. Lametti n’avait pas précisé alors si d’autres dispositions de « fardeau inversé » seraient introduites dans un projet de loi. Mais après avoir qualifié les réunions avec ses homologues provinciaux et territoriaux de bonnes et productives, il a déclaré qu’il y avait « un large consensus sur la marche à suivre ».

Le ministre de la Justice avait alors déclaré aux journalistes que les modifications viseraient à relever les défis posés par les récidivistes violents et ceux qui sont accusés de crimes avec armes à feu ou autres armes.

Pressé par les conservateurs lors de la période des questions à la Chambre des communes lundi, M. Lametti a affirmé qu’il travaillait sur la question avec les parties prenantes depuis octobre et que des réformes se feront « prochainement ».

« Nous avons entendu l’appel concernant les récidivistes violents, nous avons entendu l’appel concernant les infractions avec des armes, a-t-il déclaré. Nous avons promis d’agir. C’est un problème compliqué, mais nous le faisons avec les provinces et les territoires. »

Des tragédies très médiatisées

Les appels à une réforme se sont multipliés au Canada après plusieurs crimes très médiatisés, notamment l’assassinat d’un agent de la Police provinciale de l’Ontario en février dernier. Selon la police, ce crime a été commis par un homme qui avait obtenu sa libération sous caution.

Le ministre Lametti a toutefois expliqué à plusieurs reprises que la libération sous caution constituait un droit constitutionnel et que selon de nombreux experts, il y avait déjà trop de gens derrière les barreaux en attente de leur procès. Il a prévenu qu’il voulait éviter de réagir de façon intempestive à des tragédies très médiatisées.

L’article 11 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit à toute personne accusée d’un crime « de ne pas se voir refuser une libération sous caution raisonnable sans motif valable ».

La première ministre du Manitoba, Heather Stefanson, qui préside cette année le Conseil de la fédération, a déclaré que l’un des principaux objectifs des rencontres du mois dernier avec l’Association canadienne des chefs de police portait sur les réformes visant à protéger les communautés en gardant les récidivistes violents en détention.

Les conservateurs à Ottawa ont également fait pression sur le gouvernement libéral pour un resserrement du système de libérations sous caution au Canada, et un comité des Communes s’est penché sur la question.

Danny Smith, chef de la police de Winnipeg et président de l’Association canadienne des chefs de police, s’est dit encouragé de voir qu’Ottawa pourrait agir avant l’été. « Ça démontrerait une compréhension de l’urgence d’un changement législatif, a-t-il estimé dans une déclaration écrite.

« Ce serait également une reconnaissance que les modifications que nous avons proposées n’exigent pas une refonte complète du système de libération sous caution du Canada, mais plutôt des changements qui traitent spécifiquement des récidivistes violents, qui constituent la plus grande menace pour la sécurité des citoyens et des policiers. »