(Montréal) Le parent n’ayant pas porté son enfant devrait aussi avoir droit à un congé de cinq semaines en cas de deuil périnatal, réclame une pétition déposée sur le site web de l’Assemblée nationale, parrainée par le député solidaire Sol Zanetti. La pétition comptait plus de 1700 signatures samedi.

Le document demande au gouvernement d’amender le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) et la Loi sur les normes du travail, pour qu’en cas de décès survenu entre la 20e semaine de grossesse de la mère et la première année de vie d’un enfant, le parent n’ayant pas porté le bébé ait aussi accès à un congé de cinq semaines.

« C’est quelque chose, si on n’en parle pas, qui ne deviendra jamais une priorité du gouvernement. Quelque chose de simple à changer, qui ne coûterait pas grand-chose étant donné que ce serait couvert par le RQAP », affirme en entrevue M. Zanetti, qui est le porte-parole de Québec solidaire pour la famille.

Nicolas Ratté-Laplante et Marie-Ève Lepage ont perdu leur enfant Philippe en décembre dernier, lors de la 31e semaine de grossesse de Marie-Ève. Les assurances que possède M. Ratté-Laplante, grâce à son emploi, lui ont permis d’obtenir quatre mois de congé pour maladie. Il est toutefois conscient que ce ne sont pas tous les pères qui ont cette chance, et déplore qu’ils doivent retourner si rapidement au travail.

« Le travail c’est un environnement qui est important pour se valoriser. Si on ne se sent pas bon, c’est compliqué. Les gars, des fois, ils sont plus loin de leurs émotions. S’ils n’acceptent pas de pleurer, ce sont des trucs qu’on refoule en dedans, puis ultimement ça sort peut-être en frustration. Assurément, il faut vivre ses émotions », raconte-t-il au téléphone.

M. Ratté-Laplante affirme avoir commencé à se sentir bien deux mois après la mort de son fils. « Un huit semaines, c’est un truc qui est requis selon moi, pour être capable au moins de passer au travers le gros de la tempête », souligne-t-il.

Et pour Marie-Ève Lepage, il était important d’avoir son conjoint à ses côtés, et de ne pas surmonter seule cette épreuve.

« C’est un vrai accouchement qu’on passe au travers, donc on a besoin de support après, évoque-t-elle. Je ne vois pas comment une famille peut se reconstruire après une telle épreuve puis retourner travailler comme si de rien n’était cinq jours plus tard. »

Sol Zanetti explique avoir lancé cette pétition après que plusieurs parents l’aient contacté. « Il y a déjà une pétition qui avait été faite il y a plusieurs années sur le sujet, qui avait recueilli pas mal de signatures. Et moi j’ai été très touché par cette cause-là, et je me suis dit : oui il faut la relancer », raconte-t-il.

Pour le député solidaire, cette mesure est une façon de reconnaître le deuil du parent non porteur, souvent un père.

Il y a quelque chose un peu, peut-être, d’une vision dépassée de la masculinité là-dedans. Comme si on disait : le père, lui, il peut retourner travailler le lendemain, parce que des émotions, il n’en a pas ben ben.

le député Sol Zanetti

« Je ne vois pas quel argument le gouvernement pourrait avancer pour ne pas se montrer ouvert à corriger cette injustice-là », fait valoir le député.

« Le Parti québécois demande l’élargissement du congé parental au second parent depuis plus de dix ans. La députée Carole Poirier avait parrainé une pétition à cet égard en avril 2012, laquelle a recueilli plus de 12 000 signatures », a rappelé le député péquiste Joël Arseneau par le biais d’une déclaration écrite.

« Le Parti québécois comprend que le deuil périnatal s’avère une expérience éprouvante pour le couple, un drame qui se vit en couple et doit être reconnu pour le couple », a-t-il ajouté.

Madwa-Nika Cadet, porte-parole du Parti libéral du Québec en matière d’emploi, a pour sa part déclaré par écrit : « C’est un sujet extrêmement sensible et il est évident, selon nous, que le deuil d’un enfant est une épreuve extrêmement difficile pour les deux parents. Nous encourageons le gouvernement à analyser cette situation particulière afin de trouver une voie de passage. »

Un deuil « complexe »

Janie Tremblay, la directrice générale de l’organisme Les Perséides, qui vient en aide aux parents vivant un deuil périnatal, salue la mise en place que cette pétition, que son organisation réclame depuis longtemps.

« Le deuil du parent non porteur est réellement-là, nous on le voit sur le terrain avec nos intervenantes. On voit beaucoup de symptômes dépressifs et d’épuisement, affirme Mme Tremblay au bout du fil. Il faut se rappeler que le deuil périnatal est particulièrement complexe dans sa résolution, entre autres, par le fait que le parent n’a pas de souvenirs avec l’enfant. »

Au Québec, près de 20 000 familles traversent l’épreuve d’un deuil périnatal chaque année.

« Les études le démontrent, que le parent non porteur vit souvent un deuil décalé. On dit que ça peut être reporté jusqu’à trois ans suivant la perte », explique Mme Tremblay, soulignant que le père se permet souvent de vivre son deuil lorsque la mère va mieux. Un congé de deuil permettrait donc de reconnaître le droit du parent non porteur à vivre son deuil peu après la perte.

La pétition demeurera en ligne sur le site de l’Assemblée nationale jusqu’au 25 mai.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.