(Edmonton et Calgary) Les Albertains iront aux urnes ce lundi pour choisir qui, des conservateurs unis ou des néo-démocrates, formeront leur prochain gouvernement. La première ministre sortante, Danielle Smith, et sa rivale, Rachel Notley, se sont livré une chaude lutte tout au long de la campagne électorale, mais elles demeurent au coude-à-coude. La seule certitude à l’issue du scrutin est qu’une femme dirigera la province.

Ce qu’il faut savoir

  • Deux femmes s’affrontent dans le cadre des élections provinciales en Alberta : la cheffe du Parti conservateur uni de l’Alberta (PCU), Danielle Smith, et la cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Alberta, Rachel Notley.
  • Le PCU et le NPD sont au coude-à-coude dans les sondages, et les électeurs des deux grands centres, Edmonton et Calgary, sont particulièrement divisés.
  • L’élection provinciale en Alberta aura lieu ce lundi.

« Sur ce point-là, l’Alberta est plus progressiste parce que ce n’est pas la première fois que deux femmes s’affrontent pour être au pouvoir », fait remarquer Frédéric Boily, professeur de science politique au campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta. Il avait étudié l’image des candidates lors de la campagne de 2012, qui opposait la progressiste-conservatrice Allison Redford et Danielle Smith, qui était alors cheffe du Parti Wildrose.

Au cours des dix dernières années, trois premières ministres ont dirigé le gouvernement albertain : Allison Redford – qui a brisé le plafond de verre en 2012 –, la néo-démocrate Rachel Notley en 2015 et la conservatrice Danielle Smith, devenue en octobre cheffe du Parti conservateur uni de l’Alberta (PCU).

On a l’impression que le phénomène de genre s’est complètement estompé. Rachel Notley n’est pas critiquée parce qu’elle est une femme. Danielle Smith n’est pas critiquée non plus parce qu’elle est une femme. On n’accorde pas vraiment d’importance à ça comme tel.

Frédéric Boily, professeur de science politique à l’Université de l’Alberta

Le PCU, résolument campé à droite, a fait campagne sur l’économie, la création d’emplois et la réduction du fardeau fiscal. Danielle Smith promet notamment de réduire les impôts de 760 $ pour tous les contribuables et d’adopter une loi pour que toute hausse future fasse l’objet d’un référendum.

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La cheffe du Parti conservateur uni de l’Alberta (PCU), Danielle Smith

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) met de l’avant des propositions pour alléger le coût de la vie et régler la crise qui secoue le système de santé. Rachel Notley propose de faire passer l’impôt sur le revenu des entreprises de 8 % à 11 % pour générer davantage de revenus dans les coffres du gouvernement.

Les électeurs tiraillés

« C’est un choix très difficile », reconnaît Palwinder Jassal, un camionneur rencontré samedi alors qu’il sortait tout juste d’un bureau de vote par anticipation dans la circonscription d’Edmonton-Sud-Ouest, où le vote risque d’être serré. « J’ai changé d’idée deux ou trois fois, mais j’ai décidé de voter pour le NPD. Donnons-leur une chance. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Les électeurs albertains sont divisés, parfois au sein d’une même famille.

« Ma famille est définitivement divisée, qu’elle vive à Edmonton ou à Calgary », a confié Maxine Moleschi, une retraitée de 66 ans qui a toujours voté conservateur. « Je vais voter NPD pour la première fois, a-t-elle ajouté en riant. Rachel Notley est pragmatique. »

Les électeurs se sont rendus aux urnes en masse lors du vote par anticipation, qui s’est échelonné sur cinq jours la semaine dernière. Élections Alberta rapporte que 758 550 personnes ont déjà fait leur choix, un record.

La province compte près de 2,8 millions de personnes en âge de voter.

Un fort taux de participation risque de faire toute la différence dans les circonscriptions les plus serrées. Lors du dernier scrutin, en 2019, presque toute la carte électorale avait été peinte en bleu foncé. Le NPD, qui formait alors le gouvernement, avait seulement réussi à conserver 24 sièges, la plupart dans la capitale. L’Assemblée législative en compte 87 en tout.

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La cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Alberta, Rachel Notley

Rhiannon Hoyle se présente pour les néo-démocrates dans la banlieue d’Edmonton-Sud, où les maisons poussent comme des champignons. Elle espère devenir la première femme d’ascendance africaine à être élue à l’Assemblée législative. Cette femme qui a travaillé une dizaine d’années dans le domaine de la santé et sécurité pour l’industrie pétrolière conduit une BMW électrique dont le prix au détail dépasse les 100 000 $. On est loin du NPD de Jagmeet Singh, résolument à gauche, même si les conservateurs unis tentent d’associer le NPD albertain à l’alliance entre le NPD fédéral et les libéraux de Justin Trudeau.

Rhiannon Hoyle fait valoir que les néo-démocrates albertains proposent des politiques économiques de centre droit et des politiques sociales de centre gauche. « C’est vraiment attrayant pour ce que nous voyons généralement en Alberta, cet électeur modéré qui soutient de bonnes politiques sociales, mais qui veut aussi la responsabilité financière de son gouvernement », affirme-t-elle.

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La candidate néo-démocrate Rhiannon Hoyle fait du porte-à-porte dans la circonscription d’Edmonton-Sud.

Le parti a obtenu des appuis de plusieurs conservateurs au cours de la dernière semaine, dont celui de l’ex-député fédéral Lee Richardson. « C’est la seule alternative, affirme-t-il en entrevue. Il n’y a pas de juste milieu. C’est un parti ou l’autre. »

Je pense que ce serait même dangereux de réélire ces gens [du PCU] à cause de leurs propos et de leurs politiques. Ce n’est pas mon Alberta.

Lee Richardson, ex-député fédéral conservateur

Il reproche à Danielle Smith d’avoir donné beaucoup de place au sein du PCU aux participants du « convoi de la liberté » comme Tamara Lich. La première ministre sortante a été blâmée par la commissaire à l’éthique pour avoir tenté de faire tomber des accusations liées au blocage de Coutts portées contre le pasteur Artur Pawlowski.

La bataille de Calgary

À quelque 300 kilomètres d’Edmonton, des bénévoles s’activaient au local de campagne de Mickey Amery, un député conservateur qui tente de conserver le siège de Calgary-Cross. Ils se préparaient dimanche après-midi à aller faire une dernière tournée de porte-à-porte. Chaque minute compte.

« Je suis désolée. Nous sommes à 2 % de gagner et nous n’avons pas le temps », nous a dit l’une d’entre elles, avant de nous montrer la porte. Le PCU a refusé toutes nos demandes d’entrevue.

C’est dans cette ville que l’élection va se jouer. Presque toutes les circonscriptions sont conservatrices. Les néo-démocrates, qui en détiennent seulement trois, ne doivent pas « doubler ni tripler, mais être minimalement à 15 députés », indique Frédéric Boily.

La métropole compte une douzaine de circonscriptions pivots, selon le site de projections électorales 338canada.com. Autant Rachel Notley que Danielle Smith ont concentré leurs derniers jours de campagne là-bas.

Sharon, une agente immobilière rencontrée dans la circonscription de Calgary-East, votera pour les conservateurs, comme elle l’a toujours fait, même si elle estime que Danielle Smith n’est pas une bonne cheffe de parti.

Elle reproche à cette ancienne animatrice de radio ses propos controversés où elle affirme que la majorité des vaccinés contre la COVID-19 ont succombé « au charme d’un tyran » en faisant référence à Adolf Hitler. Ce n’est toutefois pas suffisant pour la faire changer de parti.

« Les conservateurs unis sont ceux qui vont se battre le mieux pour l’Alberta », explique celle qui a refusé de nous donner son nom de famille, comme la plupart des électeurs conservateurs interrogés.

« On dirait que les conservateurs unis et Danielle Smith sont parvenus à imposer l’idée que la question de l’urne va être autour de l’économie plutôt que du manque de leadership ou l’inaptitude à gouverner de Danielle Smith », note Frédéric Boily.

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Les finances de l’Alberta reposent sur le prix du baril de pétrole.

Ils n’hésitent pas à s’attaquer au bilan politique de Rachel Notley. Les quatre ans au pouvoir du NPD, entre 2015 et 2019, ont laissé un goût amer à Calgary. Le prix du baril de pétrole, sur lequel reposent les finances de la province, était au plus bas.

« La dernière fois, les néo-démocrates ont généré 70 milliards de dette et ils ont embauché 50 000 employés du secteur public tandis que le secteur privé perdait 80 000 emplois », a dénoncé Garth, qui a également refusé de nous donner son nom de famille.

Le fait d’avoir convaincu le gouvernement Trudeau d’acheter l’oléoduc Trans Mountain en 2018 pèse peu dans la balance.

Répartition des sièges à la dissolution de l’Assemblée législative

  • Parti conservateur uni : 60
  • Nouveau Parti démocratique : 23
  • Députés indépendants : 2
  • Sièges vacants : 2
  • Nombre total de sièges : 87