(Ottawa) L’année dernière, alors que les chars russes entraient en Ukraine par le nord et le sud et que des roquettes pleuvaient sur le pays, des centaines de milliers d’Ukrainiens ont franchi les frontières pour fuir cette guerre naissante.

Plusieurs n’avaient été prévenus que quelques heures à l’avance et sont partis avec un minimum d’effets personnels, en montant dans des trains bondés ou en se joignant à des convois massifs de citoyens en route vers la sécurité. La plupart ne s’attendaient certainement pas à rester loin de chez eux pendant plus d’un an ; mais aujourd’hui, certains envisagent de s’enraciner ailleurs, à plus ou moins long terme.

Le ministre fédéral de I’Immigration, Sean Fraser, a indiqué lundi qu’il prévoyait de dévoiler prochainement le programme très attendu visant à accorder la résidence permanente aux Ukrainiens qui ont déjà des liens familiaux avec le Canada. Mais un programme similaire pour les autres Ukrainiens devra encore attendre un an – voire plus.

Ottawa devra en fait se coordonner avec le gouvernement ukrainien s’il envisage d’offrir aux Ukrainiens une place permanente dans ce pays, a déclaré Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill. Car le fait d’offrir une résidence permanente à ces « réfugiés de guerre » pourrait être le signe d’un manque d’optimisme quant à la capacité de l’Ukraine à repousser l’armée russe hors de ses frontières souveraines.

« Je pense qu’il s’agit d’une question qui devrait certainement faire l’objet d’une discussion avec le gouvernement ukrainien, a déclaré M. Béland. En même temps, nous ne savons pas combien de temps durera ce conflit. Il est peu probable qu’il se termine bientôt. »

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a souligné à plusieurs reprises l’importance du retour des Ukrainiens dans leur pays après la guerre, afin de contribuer à la reconstruction de l’économie. Plus de 8,2 millions d’Ukrainiens ont quitté leur pays depuis le début de l’invasion russe, en février 2022.

Le Canada avait pris l’an dernier la décision inhabituelle d’offrir l’asile temporaire à un nombre illimité d’Ukrainiens qui fuyaient la guerre. Bien qu’ils ne bénéficient pas du même statut ni du même soutien que les réfugiés permanents, ils sont autorisés à travailler et à étudier au Canada pendant une période maximale de trois ans, mais peuvent ensuite demander à prolonger ce séjour temporaire.

Réunification familiale

Le gouvernement avait également promis l’an dernier un programme de réunification familiale pour offrir aux Ukrainiens qui ont des liens familiaux avec le Canada un statut de résident permanent. Ce programme n’a toujours pas été mis en œuvre.

Ottawa a reçu plus d’un million de demandes de visa temporaire d’urgence. Au 30 mai dernier, 747 647 avaient été approuvées et 230 665 personnes étaient déjà arrivées au Canada.

« Nous voulons, d’une manière générale, encourager les huit à 11 millions de personnes qui ont fui l’Ukraine à rentrer et à reconstruire », a déclaré Ihor Michalchyshyn, directeur général du Congrès ukrainien canadien.

On ne sait pas exactement combien de personnes venues trouver refuge au Canada préféreront ensuite rester lorsque la situation sera plus sûre en Ukraine.

Selon M. Michalchyshyn, la politique d’immigration du Canada comporte des aspects contradictoires, entre la reconnaissance du désir de certains de s’enraciner et l’espoir d’un avenir à long terme pour l’Ukraine. Son organisme a défendu le programme de réunification des familles, mais n’a pas pris position sur la résidence permanente pour les réfugiés ukrainiens en général.

« La communauté ukrainienne du Canada nous a fait savoir que la réunification familiale pour les personnes qui se trouvent actuellement ici avec leur famille sera une priorité, afin qu’elles puissent rester en contact avec leurs proches », a déclaré lundi le ministre Fraser.

Ceux qui n’ont pas de liens familiaux avec le Canada peuvent toujours demander la résidence permanente par les voies d’immigration habituelles, a précisé M. Fraser.

Le gouvernement ne sait pas encore exactement combien de ces personnes souhaitent rester au Canada. « Au cours de l’année ou des deux années à venir, je serai en mesure de mieux évaluer si les programmes existants répondent à ces besoins ou si nous devons poursuivre notre réflexion », a-t-il déclaré.

Plus la guerre durera, plus le Canada sera contraint d’offrir un foyer permanent aux Ukrainiens qui ont fui, selon le professeur Béland. « Je pense donc que c’est la bonne chose à faire, compte tenu du fait qu’il n’y a pas de fin en vue pour cette guerre », a-t-il déclaré.

Le premier ministre Justin Trudeau a effectué une visite surprise à Kyiv, la capitale ukrainienne, en fin de semaine, où il a déclaré que « le Canada continuera à soutenir l’Ukraine, quoi qu’il en coûte, aussi longtemps qu’il le faudra ».

« Vous vous battez pour votre pays et pour des valeurs telles que la démocratie, la liberté, le respect et la dignité. Et en vous battant pour l’Ukraine, vous vous battez aussi pour notre avenir à tous », a déclaré M. Trudeau au président Zelensky, samedi, lors d’une conférence de presse conjointe à Kyiv.