(Ottawa) Le principal outil législatif du gouvernement fédéral en matière de transparence et d’accès à l’information s’est progressivement érodé depuis 40 ans, au point de ne plus atteindre son but, conclut la commissaire à l’information du Canada.

Dans son rapport annuel au Parlement, déposé mardi, Caroline Maynard souligne qu’à la veille du 40e anniversaire de la Loi sur l’accès à l’information, « des problèmes chroniques continuent d’affliger le système d’accès du Canada, et ce, sans solution en vue ».

Pour des frais de 5 $, les Canadiens peuvent recourir à la Loi sur l’accès à l’information pour demander des documents fédéraux, des notes d’information et des rapports – voire des courriels et des factures.

Mais les demandeurs se plaignent depuis longtemps que le système d’accès est lourdaud, extrêmement lent et rempli d’échappatoires qui permettent aux agences gouvernementales de refuser de divulguer certaines informations.

Mme Maynard, qui agit à titre de médiatrice pour les utilisateurs de cette loi, souligne que malgré les appels répétés à des changements significatifs, un examen fédéral s’est conclu par un rapport, en décembre dernier, qui ne décrivait aucun engagement ferme et ne proposait aucune modification législative.

La commissaire Maynard, qui a pris ses fonctions il y a cinq ans, a déclaré que l’argent pour renforcer le système s’était évaporé et que les engagements en matière de transparence avaient disparu des lettres de mandat ministérielles. Bref, il est clair pour elle que le renforcement de la transparence n’est pas une priorité pour le gouvernement.

« Je continuerai donc à demander au gouvernement de prendre des mesures pour remédier à cette situation lamentable et d’accorder à l’accès à l’information l’attention dont il a tant besoin », indique-t-elle dans le préambule de son rapport annuel.

Jadis une mesure avant-gardiste

Lorsqu’elle est entrée en vigueur il y a près de 40 ans, la Loi sur l’accès à l’information était reconnue comme une mesure législative progressiste et avant-gardiste, rappelle Mme Maynard, puisqu’elle inscrivait dans le droit canadien le concept du « droit d’accès ».

« Toutefois, les gouvernements qui se sont succédé n’ont pas été en mesure d’apporter des modifications visant à la moderniser », déplore la commissaire, en rappelant qu’il a fallu attendre 2019 pour introduire des réformes significatives à la loi.

« Même si, à l’époque, je considérais celles-ci comme un pas dans la bonne direction, il s’agissait avant tout d’une première étape. J’avais même affirmé que d’autres modifications législatives s’avéreraient nécessaires.

« Quatre ans plus tard, il est bien évident qu’aucune autre modification législative ne se profile à l’horizon », déplore Mme Maynard.

La présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, ministre responsable de ce régime d’accès, déclarait en avril dernier qu’elle espérait proposer un plan dans les mois à venir pour améliorer la loi et la façon dont elle est gérée. Elle indiquait alors que sa priorité était d’améliorer l’administration de la loi existante.

Mme Maynard écrit dans son rapport qu’elle continuera de faire pression sur les libéraux pour qu’ils prennent des mesures afin de « remédier à cette situation lamentable et d’accorder à l’accès à l’information l’attention dont il a tant besoin ».

La commissaire indique par ailleurs que son bureau a réussi au cours du dernier exercice à suivre le rythme des plaintes reçues, fermant plus de 8000 dossiers.

Malgré cela, l’inventaire des plaintes s’est maintenu à environ 3500 dossiers. Bon nombre de ces dossiers restants sont « très complexes et nécessitent l’attention d’un petit nombre d’enquêteurs chevronnés, capables de s’attaquer à des milliers de pages et d’analyser les nombreuses exceptions invoquées », souligne Mme Maynard.

« En bref, afin d’éliminer l’inventaire d’ici la fin de mon mandat [en mars 2025], il faudra que le Commissariat bénéficie d’un financement temporaire supplémentaire, écrit-elle. Il a été difficile d’obtenir un tel financement par le passé, et encore cette année alors que ma demande a été refusée. »

Mme Maynard promet de continuer à plaider pour une alternative au modèle de financement actuel pour son bureau, qui consiste à soumettre des demandes de fonds par l’intermédiaire d’une ministre « dont le ministère est visé par des plaintes sur lesquelles j’enquête ».

« En tant qu’agente du Parlement, je rends compte directement à ce dernier, et le processus de financement du Commissariat doit refléter cette indépendance », soumet-elle.