À deux jours de l’élection partielle dans Notre-Dame-de-Grâce–Westmount, Anna Gainey semble avoir le vent dans les voiles. Un fait qui étonne peu d’électeurs, bien conscients de la mainmise du Parti libéral du Canada (PLC) sur leur circonscription.

Anna Gainey était souriante, vendredi, accompagnée du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, lors d’un évènement-surprise dans les bureaux du parti à Notre-Dame-de-Grâce. « On a besoin de la voix d’Anna à Ottawa », a lancé l’homme politique devant plus de 150 bénévoles et partisans galvanisés, selon l’estimation de l’organisation libérale.

La candidate a déjà « démontré sa compétence en tant que leader pendant des années, en tant que présidente du Parti libéral », a souligné Justin Trudeau, qui a aussi profité de cette visite pour s’en prendre au chef conservateur Pierre Poilievre. « Il est prêt à diviser, il est prêt à attaquer, mais il est incapable de réunir les gens pour régler des problèmes », a-t-il lancé à travers les applaudissements.

Une campagne active

Même si Notre-Dame-de-Grâce–Westmount est considérée comme un bastion libéral, Anna Gainey n’a tenu aucun vote pour acquis pendant sa campagne. « On a parcouru presque tout le comté en porte-à-porte », a-t-elle souligné.

Toutefois, la candidate brillait par son absence, lundi dernier, lors de l’assemblée publique du Conseil communautaire de Notre-Dame-de-Grâce, où huit des dix candidats ont répondu aux questions des citoyens.

Rencontrée dans un parc avant l’évènement, Claudette Demers, habitante de la circonscription depuis 52 ans, a jugé « arrogant » qu’Anna Gainey n’ait « pas cru bon » de participer au rendez-vous.

« Pourquoi te présenter si tu n’es pas prête à débattre avec les gens ? », a ajouté la retraitée.

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Claudette Demers, résidante de Notre-Dame-de-Grâce

En entrevue avec La Presse, Anna Gainey a évoqué ses obligations familiales et professionnelles pour expliquer son absence.

Je suis là, je suis à l’écoute, je suis ici au bureau, je fais du porte-à-porte, je suis vraiment disponible pour avoir toutes sortes de conversations avec tout le monde qui a envie de me parler.

Anna Gainey, candidate libérale

Anna Gainey brigue le poste laissé vacant par l’ancien ministre des Affaires étrangères Marc Garneau, qui a quitté la vie politique en mars dernier après avoir occupé ce siège pendant 15 ans. En septembre, l’ancien député avait été écarté du Conseil des ministres par Justin Trudeau, à la suprise générale.

« J’ai des bons mots pour Marc, c’est mon voisin, je le connais depuis longtemps. […] J’apprécie beaucoup son appui durant la campagne », a commenté Anna Gainey.

De langue et de logement

Si elle est élue, Anna Gainey compte se pencher notamment sur l’enjeu du logement abordable, qui préoccupe de nombreux citoyens de Notre-Dame-de-Grâce rencontrés par La Presse.

L’abordabilité est « l’enjeu du quartier », a observé Diane Trempe, résidante de Notre-Dame-de-Grâce depuis plus de 40 ans. « Il faudrait plus de commerces locaux, aussi, mais les loyers augmentent, ce qui les tue », a renchéri son conjoint, Robert Drouin.

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La candidate du Parti libéral, Anna Gainey, en compagnie du premier ministre Justin Trudeau, vendredi à Montréal

Pour d’autres citoyens, l’enjeu de la langue est prioritaire dans cette circonscription, où 51 % des habitants parlent l’anglais à la maison. « Beaucoup de gens du coin sentent que le Parti libéral ne fait rien pour défendre leurs droits linguistiques », a souligné Susan Tamvas, une courtière immobilière de 64 ans.

Consultez les données démographiques de Statistique Canada sur la circonscription Notre-Dame-de-Grâce–Westmount

Pas des amis des libéraux

Professeur d’anglais au secondaire et résidant du quartier depuis longtemps, le candidat du Nouveau Parti démocratique, Jean-François Fillion, dit avoir eu l’appel du devoir au fil de ses discussions avec ses élèves.

« C’est quand je me suis rendu compte qu’ils ne pourront pas habiter le quartier où ils ont grandi parce qu’ils n’auront pas les moyens », lâche-t-il. Le nombre de bâtiments vides dans le quartier l’inquiète et lui faire dire que le gouvernement n’en fait pas assez dans le domaine de l’habitation.

Il avoue avoir dû « démystifier » à plusieurs reprises l’entente intervenue entre son parti et le PLC au Parlement, une décision de son chef, Jagmeet Singh, prise pour faire progresser son programme.

On ne peut pas faire des élections aux trois ou six mois. On n’est pas des amis des libéraux, bien au contraire, mais au moins, on a été capables de faire quelque chose dans notre position.

Jean-François Fillion, candidat du NPD

Étant donné le contexte de mécontentement envers le gouvernement, il se voit remporter le scrutin de lundi prochain.

De son côté, le Bloc québécois a choisi Laurence Massey pour le représenter dans cette circonscription où, de l’aveu même du parti, « la popularité du souverainisme est entièrement à conquérir ».

« Je ne suis pas naïve, ce n’est pas le comté le plus chaud à l’idée », admet en entrevue l’étudiante universitaire de deuxième cycle. Elle ajoute tout de suite avoir été « agréablement surprise » par les débats qu’elle a eus durant son porte-à-porte.

« Je m’attendais à me faire lancer des roches, mais comme ce n’est pas un terrain facile, que je suis jeune et que nous sommes sous-représentés en politique, j’ai senti beaucoup de respect et de curiosité », dit Laurence Massey.

Sa campagne a été axée sur l’accès au logement, avec la promesse de son parti de consacrer 1 % du budget fédéral à la construction de logements abordables, et sur la transparence gouvernementale tandis que le premier ministre Justin Trudeau est empêtré dans un scandale sur l’ingérence étrangère.

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L’avenue Monkland, dans Notre-Dame-de-Grâce

David contre Goliath

L’élection partielle de lundi reste un combat « de David contre Goliath », admet pour sa part le chef adjoint du Parti vert, Jonathan Pedneault.

« Mais on sent un désir profond de changement. On voit beaucoup de libéraux mécontents de la façon dont M. Garneau a été traité, qui ne se sentent pas écoutés », affirme-t-il.

Choisi en novembre dernier pour mener le parti dans un tandem avec l’ancienne cheffe de la formation, Elizabeth May, il y voit surtout une occasion de se faire connaître.

Après une campagne « très difficile » sur le plan national pour son parti lors des dernières élections générales, Jonathan Pedneault a bon espoir de rebondir. « On a de bons espoirs d’avoir de beaux résultats », martèle-t-il.

Le Parti conservateur du Canada n’a pas répondu aux demandes d’entrevue de La Presse. L’opposition officielle à la Chambre des communes présente le candidat Mathew Kaminski, décrit comme un « conservateur fiscal » de par sa profession de comptable.

Résultats aux dernières élections générales

  • Marc Garneau, Parti libéral du Canada, 24 510 votes, 53,8 %
  • Emma Elbourne-Weinstock, Nouveau Parti démocratique, 8753 votes, 19,2 %
  • Mathew Kaminski, Parti conservateur du Canada, 6412 votes, 14,1 %
  • Jordan Craig Larouche, Bloc québécois, 2407 votes, 5,3 %
  • Sam Fairbrother, Parti vert du Canada, 1835 votes, 4,0 %

Notre-Dame-de-Grâce–Westmount en chiffres

  • 105 601 habitants
  • 72 635 électeurs
  • Âge moyen : 42 ans
  • Revenu moyen : 85 200 $

Source : Élections Canada