(Québec) Critiqué par l’opposition, qui l’accuse d’être « déconnecté » face à la pénurie de logements à quelques jours du 1er juillet, François Legault précise ses propos, alors qu’il affirmait lundi qu’il ne veut pas que le Québec « reste pauvre » pour que le prix des maisons soit plus bas qu’à Toronto ou à Vancouver.

« Il faut regarder l’ensemble de ce que [j’ai] dit », a affirmé d’emblée le premier ministre, mercredi, lors de son arrivée au conseil des ministres à Québec.

« La demande est très forte au Québec pour acheter des maisons pour du logement, entre autres à cause des salaires qui ont beaucoup augmenté. Ce que j’ai dit, c’est que du côté de l’offre, il manque beaucoup de logements », a-t-il dit.

« On est tous d’accord pour dire qu’il y a une pénurie de logements et on travaille très fort à réduire les délais pour construire plus. […] On va aider les personnes qui n’ont pas les revenus et les moyens pour se payer des logements. On va continuer d’aider les personnes qui ont besoin d’aide financièrement », a-t-il ajouté.

Un rapport sur l’Indice du logement locatif canadien publié lundi démontre que le quart des ménages québécois dépensent 30 % de leurs revenus pour la location d’un logement, alors que 9 % des locataires réservent 50 % de leur salaire pour se loger. La Presse rapportait également plus tôt cette semaine que des refuges pour itinérantes composent désormais avec une demande accrue de femmes aînées, parfois à mobilité réduite, qui ne trouvent plus de logement abordable sur le marché.

« Concernant le 1er juillet qui s’en vient, on va s’assurer qu’aucun Québécois, qu’aucune personne au Québec ne se retrouve à la rue. Ça ne veut pas dire qu’on va être capable de trouver des logements permanents à tout le monde. Il manque de logements. Mais on va trouver des logements temporaires, que ce soient des hôtels ou toutes sortes de logements, comme on l’a fait les derniers 1er juillet », a dit M. Legault.

Duranceau se défend 

Par ailleurs, France-Élaine Duranceau a défendu mercredi sa probité, alors que la commissaire à l’éthique Ariane Mignolet a ouvert une enquête à son sujet, à la demande du Parti libéral. Les faits allégués concernent la participation de la ministre responsable de l’Habitation « à une rencontre professionnelle avec son amie et partenaire d’affaires, Annie Lemieux, qui agissait dans ce cadre comme lobbyiste auprès d’elle et de la ministre responsable des Aînés ».

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

France-Élaine Duranceau

« Un autre ministre qui est sous enquête ! Clairement, la Coalition avenir Québec ne prend pas le code d’éthique de l’Assemblée nationale au sérieux et François Legault devrait remettre de l’ordre au sein de ses troupes », a déclaré le leader parlementaire de l’opposition officielle, Monsef Derraji.

Annie Lemieux, actionnaire de plusieurs entreprises actives dans l’immobilier, s’est enregistrée comme lobbyiste pour intervenir auprès de la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, un mois après son entrée en fonction l’automne dernier. Les deux femmes sont partenaires d’affaires dans trois sociétés.

La ministre Sonia Bélanger, qui a participé à la rencontre, ignorait que Mme Duranceau et Mme Lemieux se connaissaient. « Je n’étais pas au courant, mais vous me permettrez aujourd’hui de garder mes commentaires pour moi, parce que je serai probablement invitée à témoigner et je vais collaborer », a-t-elle dit.

« On a des rencontres avec la commissaire à l’éthique. J’ai divulgué tout ce que j’avais à divulguer, et puis je n’ai rien à me reprocher. Je vais attendre les recommandations s’il y a lieu de la commissaire à l’éthique », a pour sa part déclaré Mme Duranceau. Le premier ministre François Legault a également affirmé que son gouvernement allait collaborer avec la commissaire Mignolet.

Une ministre des flips immobiliers

En plus de l’enquête de la commissaire à l’éthique, le Parti québécois (PQ) a dénoncé mercredi que la ministre de l’Habitation ait fait des flips immobiliers - une pratique qui est légale - avant de se lancer en politique.

« Son historique professionnel et ses liens d’amitié avec les lobbyistes des propriétaires sont des indicateurs très clairs de quels intérêts elle compte favoriser face à la crise actuelle du logement. Il faut rappeler que son entreprise faisait des flips au pire de la crise. Ma crainte, c’est que le ministère de l’Habitation soit en train de devenir sous la ministre Duranceau le ministère de l’Immobilier », a critiqué Joël Arseneau du Parti québécois (PQ).

Mme Duranceau voit d’un bon œil son expertise dans le domaine de l’immobilier en lien avec son mandat à titre de ministre de l’Habitation.

« Je pense que c’est une excellente chose ! Si tu as un sujet particulier, idéalement, tu as une personne qui connaît ce sujet-là, qui connaît les acteurs de l’industrie. Moi, je connais l’immobilier, je connais les constructeurs, les groupes communautaires, les développeurs, les courtiers, et personnellement, je tiens à parler à tous ces gens-là parce que la crise qu’on vit actuellement, ce n’est pas moi tout seul dans mon bureau qui va la régler », a-t-elle dit.

« La ministre Duranceau doit comprendre qu’elle n’est plus une investisseure qui fait des flips immobiliers : elle est ministre de l’Habitation et son devoir, c’est de travailler au service de tout le monde, pas juste des propriétaires », a pour sa part affirmé Andrés Fontecilla de Québec solidaire (QS).

Avec Émilie Bilodeau et Fanny Lévesque