Anita Anand n’est pas amère d’être passée de la Défense au Trésor lors du remaniement ministériel

Si Anita Anand croit que Justin Trudeau l’a mutée de la Défense au Conseil du Trésor parce qu’il ne la respectait pas, comme l’a prétendu Pierre Poilievre, elle le cache bien. Elle n’y voit « pas du tout » une rétrogradation, et déjà, elle s’apprête à prêcher la « prudence » avec les collègues qui viendront cogner à sa porte.

Au grand jeu des conjectures précédant chaque remaniement ministériel, rares étaient ceux qui lui prédisaient un changement d’affectation. La ministre Anita Anand menait de front l’aide militaire du Canada à l’Ukraine, la révision de la politique de défense et la mise en œuvre du rapport Arbour sur l’inconduite sexuelle.

Elle qui a été très visible, notamment durant la pandémie à titre de ministre responsable de l’achat de vaccins, se retrouve dans un poste de l’ombre. Car, disons-le, il est rare que les journalistes à Ottawa se bousculent dans les couloirs pour intercepter la personne qui occupe la présidence du Conseil du Trésor.

Mais ce n’est « pas du tout » une rétrogradation, assure-t-elle en entrevue au lendemain de sa prestation de serment. « C’est un rôle important, qui m’intéresse. Tout le travail du gouvernement passe par le Conseil du Trésor », note la ministre, évoquant son expertise en droit et en gouvernance comme outils susceptibles de lui servir.

« Il faut continuer d’investir pour les Canadiens », mais on doit « le faire avec prudence dans la gestion des fonds publics » et « réduire la paperasse », expose Anita Anand, qui intègre ce que le premier ministre a appelé l’« équipe économique » du gouvernement libéral.

Par prudence, elle n’entend pas parler de compressions. « Ce n’est pas une question de couper. Je pense que la meilleure façon de le résumer, c’est la suivante : le gouvernement doit être “plus astucieux, pas plus petit” [smarter, not smaller] », explique la ministre, à qui l’on prête l’ambition de succéder à Justin Trudeau.

À ce sujet, elle insiste sur le fait que « la seule campagne » qu’elle organise est celle en vue de sa réélection dans la circonscription d’Oakville, en Ontario. Et elle assure que le premier ministre ne cherche pas à l’éloigner des feux de la rampe : « Il m’a demandé de voyager au pays pour parler avec les entreprises et les chambres de commerce. »

L’arrivée de Blair à la Défense reçue avec scepticisme

Pour certains, la surprise de voir Anita Anand changer de portefeuille n’a pas été aussi grande que celle de voir Bill Blair en hériter.

On parle d’enlever une personne investie et hyper compétente et de la remplacer par une personne qui a peu d’influence et qui a mal géré ses anciens dossiers.

Steve Saideman, politologue, sur son blogue

« Bill Blair comme ministre de la Défense, ça dit tout ce qu’il faut savoir sur l’importance qu’accordent les libéraux au changement de la culture dans les Forces armées », a pour sa part ironisé sur X (nouveau nom de Twitter) la politologue Stephanie Carvin – un message « aimé » par l’ancienne ministre Catherine McKenna.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le nouveau ministre de la Défense, Bill Blair, au moment de prêter serment, mercredi

Anita Anand ne s’aventurera évidemment pas sur ce terrain. « Je sais que le ministre Bill Blair va continuer à faire avancer les changements culturels, la modernisation du NORAD, et l’aide militaire à l’Ukraine. Il y aura une continuité. J’ai confiance en lui », lance-t-elle, sans vouloir dire si elle aurait préféré rester là où elle était.

Des questions sur les raisons du changement

Le chef conservateur Pierre Poilievre, lui, y voit une nouvelle démonstration du fait que Justin Trudeau « ne respecte pas » les « femmes fortes » de son Cabinet. « C’est ça, ou peut-être qu’une autre histoire se cache derrière », a-t-il avancé mercredi dernier en point de presse.

Dans un article publié vendredi, sur la foi de sources anonymes, l’Ottawa Citizen rapporte que la ministre Anita Anand aurait été relevée de ses fonctions à la Défense nationale parce que sa mise à jour de la politique de défense était considérée comme trop coûteuse et irréaliste. Le document serait de retour sur la table à dessin.

Le bureau de la ministre Anita Anand n’a pas réagi au reportage.

Le Cabinet se réunira à l’Île-du-Prince-Édouard en août. Pour Anita Anand, qui a passé les deux dernières années à courir les sommets internationaux, le trajet sera nettement moins long. Et dorénavant, ce sera à Bill Blair de participer aux rencontres de l’OTAN, du G7 et d’autres évènements à travers le monde.

Mais sa prédécesseure l’aura à l’œil – l’une de ses nouvelles missions comme gardienne des cordons de la bourse sera d’imposer un régime minceur aux voyages internationaux. On en saura davantage sur les tâches qui l’attendent lorsque le premier ministre publiera sa lettre de mandat.

Qui est Anita Anand ?

  • Élue pour la première fois en 2019, Anita Anand est née à Kentville, en Nouvelle-Écosse.
  • Elle a enseigné le droit pendant 20 ans à l’Université de Toronto, où elle a été titulaire de la Chaire J. R. Kimber sur la protection des investisseurs et la gouvernance des entreprises.
  • Elle a accédé au Cabinet dès son arrivée à Ottawa, en 2019, et a été ministre des Services publics et de l’Approvisionnement pendant la pandémie. Après les élections de 2021, elle a été nommée ministre de la Défense nationale.