Malgré le récent remaniement ministériel, les municipalités espèrent obtenir rapidement plus de pouvoir d’Ottawa pour gérer la cohabitation sur les lacs

Les municipalités espèrent que le remaniement ministériel à Ottawa ne ralentira pas les discussions qui vont bon train vers la cession de sa compétence en matière de navigation sur les plans d’eau. L’enjeu : une meilleure cohabitation entre les riverains, les amateurs de natation, de kayak et de canot d’une part, et les motomarines et les bateaux d’autre part.

En mai, Marie-Claude Bibeau, députée d’une circonscription de l’Estrie et ministre fédérale de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, a indiqué au quotidien Le Droit qu’Ottawa était en discussion avec le ministère québécois des Affaires municipales pour que les municipalités puissent avoir un pouvoir de réglementation sur les lacs de leur territoire.

En réponse à nos questions, le ministre des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec (MAMH) a répondu que Transports Canada, dont c’est la compétence, « a sollicité la collaboration du MAMH afin d’explorer différentes solutions de rechange à des problématiques identifiées par le milieu municipal quant au régime fédéral d’encadrement de la navigation de plaisance en vigueur ».

Geneviève Drolet, relationniste de presse, ajoute qu’« aucune échéance n’a été établie par [Transports Canada] afin de mener à terme cette réflexion ».

Du côté de Transports Canada, on nous a écrit examiner présentement « les possibilités pour donner plus de contrôle aux administrations locales dans la gestion de leurs plans d’eau locaux ».

Cependant, poursuit Hicham Ayoun, conseiller principal en communications, le gouvernement du Canada entend « maintenir son autorité constitutionnelle en matière de navigation », tout en disant vouloir permettre « aux municipalités locales d’avoir un chemin plus direct entre l’identification d’un problème et la mise en place d’une restriction ».

De l’espoir

Jusqu’ici, néanmoins, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) croit qu’il y a vraiment de l’espoir. « Ça sent bon », dit Joé Deslauriers, président du Caucus des municipalités locales (et rurales) de l’UMQ et maire de Saint-Donat.

De compétence fédérale, la navigation de plaisance est régie par la Loi sur la marine marchande du Canada, même quand il n’est question que de tout petits lacs ou de bateaux de plaisanciers.

C’est donc le ministre des Transports qu’il faut réussir à convaincre. Or, le remaniement de la semaine dernière a vu le ministre Omar Alghabra être remplacé par Pablo Rodriguez, qui était jusque-là ministre du Patrimoine.

« On espère qu’il ne faudra pas tout recommencer, dit M. Deslauriers. On veut faire partie de la solution et que la discussion se continue. » Il précise que les municipalités d’ici – tout comme celles du reste du Canada – n’ont pas dans leur ligne de mire le fleuve Saint-Laurent ou les Grands Lacs, pour lesquels la loi sur la marine marchande vieille de plus d’un siècle avait principalement été édictée.

Ce que les municipalités espèrent, c’est pouvoir émettre au besoin des règlements sur les lacs de leur territoire, estimant être les mieux placées pour le faire.

À l’heure actuelle, de rares groupes de citoyens ont obtenu que des lacs soient mieux protégés de la haute circulation de bateaux à moteur ou ont obtenu que des lacs, souvent en raison de leur très petite taille, soient considérés comme non navigables. Des amateurs de pêche sportive et des propriétaires de bateaux ou de motomarines s’en plaignent, disant que les lacs doivent rester publics (à plusieurs endroits, des tarifs de plusieurs centaines de dollars sont imposés pour la mise à l’eau).

En tant que maire de Saint-Donat, M. Deslauriers dit être bien au fait de la difficile cohabitation sur les lacs, un enjeu qui se pose dans son village. « On a de plus en plus de riverains pour qui ça devient difficile d’endurer [le bruit] », non seulement des moteurs eux-mêmes, « mais aussi des partys sur le lac » quand plusieurs bateaux se rassemblent et mettent la musique à très haut volume.

Un équilibre à trouver

En entrevue la semaine dernière avec La Presse, Michèle Gérin, figure de proue pendant 14 ans de la protection du lac Massawippi, a dit espérer que le fédéral cède enfin sa responsabilité, mais qu’il faudra que des normes générales soient émises pour éviter tout excès.

« Il y aura des municipalités obtuses qui voudront bloquer totalement l’accès à leurs lacs pour protéger leurs riverains » de toute nuisance, dit-elle, tandis que d’autres, au contraire, voudront à tout prix attirer les amateurs de bateaux à moteur et de motomarines dans leur village pour l’apport économique qu’ils représentent.

Un équilibre devra être trouvé, dit-elle, entre le nécessaire accès public aux lacs du Québec et la santé des lacs, de même que pour ceux qui, riverains ou pas, aiment nager dans les lacs, y pagayer, pêcher, faire de la voile, du canot ou du kayak.

M. Deslauriers est tout à fait d’accord qu’il faudra éviter les abus, aussi bien dans un sens que dans l’autre, mais il pense que les mécanismes démocratiques municipaux permettront de s’en assurer.

Guerre aux bateaux à vagues au Vermont

Le Vermont tenait début août une consultation publique sur un projet de loi sur les bateaux à vagues (wakeboat). Il s’agit d’exiger pour cette activité une distance de 500 pieds, soit plus de 150 mètres, du rivage, ainsi qu’une profondeur de 20 pieds. Seulement 31 des 800 lacs de l’État seraient ainsi accessibles aux amateurs de bateaux à vagues, un passe-temps qui permet notamment de faire du surf. Au Canada, certaines provinces (mais pas le Québec) imposent une limite de 10 km/h à moins de 100 mètres des rives, ce qui y limite les bateaux à vagues. Un ONG écologiste, Responsible Wakes for Vermont Lakes, a réclamé qu’une distance de 1000 pieds de la rive (plus de 300 mètres) soit adoptée, citant une étude de 2014 de l’UQAM sur les bateaux à vagues sur le lac Memphrémagog.

Mathieu Perreault, La Presse