(Québec) Après moult délais, le budget de l’an 1 d’un Québec souverain est fin prêt. Bien qu’il soit écrit, le Parti québécois préfère le dévoiler après l’élection partielle dans Jean-Talon pour ne pas avoir « à suspendre » sa campagne, qui « est déterminante » pour ses troupes. Un peu plus tôt, le chef péquiste n’écartait pas le scénario contraire.

Paul St-Pierre Plamondon affirmait jeudi matin qu’il allait préciser « d’ici 24 à 48 heures » la date à laquelle il présenterait le budget de l’an 1 d’un Québec souverain. Le leader du Parti québécois (PQ) a confirmé que les documents étaient prêts et approuvés par des économistes indépendants. Il n’excluait d’ailleurs pas de faire l’exercice avant le 2 octobre, date à laquelle les électeurs de Jean-Talon iront aux urnes.

« Je vous reviens avec une date tantôt, on fera une annonce », a-t-il répété en marge de la réunion tôt jeudi de son caucus à l’Université Laval. Or, son équipe a fait savoir autour de midi que le budget serait plutôt dévoilé le 23 octobre, justement pour éviter de le faire pendant l’élection partielle.

« La salle était réservée pour début septembre, mais avec l’élection inattendue, on va mettre toute l’énergie de notre petite équipe sur la partielle », a écrit le directeur des communications du PQ, Louis Lyonnais. « Tant sur le plan des ressources humaines que de l’espace médiatique, tout doit être consacré à Jean-Talon. Ce n’est pas possible de mener deux projets de cette ampleur en même temps », a-t-il ajouté.

En conférence de presse à la fin du caucus, Paul St-Pierre Plamondon a évoqué essentiellement les mêmes raisons : « On ne peut pas suspendre notre campagne. »

Je ne peux pas arrêter pendant une semaine, demander à la moitié de mon équipe de s’occuper de ça, alors qu’on peut le faire en toute transparence, en toute raisonnabilité, dans quelques semaines à peine ; tout le monde va comprendre ça.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Il a par la suite admis que la présentation du document pourrait « faire diversion » dans la campagne. « Je passerais mon temps à parler d’un autre sujet que ce que les gens de la circonscription de Jean-Talon ont comme préoccupations », a-t-il ajouté, se défendant d’avoir des choses à cacher. Il a assuré au passage qu’il n’y aurait « pas de surprise » dans les documents, rappelant que l’exercice a été fait six fois auraparavant.

Lui qui fait d’ailleurs de Jean-Talon une élection « déterminante pour certaines questions comme la transparence » explique que, dans ce cas-ci, le choix d’attendre après l’élection partielle pour dévoiler le contenu des documents « n’enlève rien à personne ».

La priorité au coût de la vie

Le budget de l’an 1 remis au goût du jour reprend par ailleurs la méthodologie utilisée par François Legault en 2005 lorsqu’il était député péquiste.

Après avoir pris l’engagement de présenter le budget de l’an 1 en juin dernier, M. St-Pierre Plamondon n’était toujours pas en mesure d’encercler une date au calendrier à la fin de la session parlementaire. Il disait alors attendre le « feu vert » des économistes indépendants « qui vérifient chacun des chiffres ».

Au départ, le PQ devait présenter le document à l’occasion de la fête nationale de 2022.

Le Parti québécois fait de la crise du coût de la vie l’enjeu central de la rentrée parlementaire, qui aura lieu le 12 septembre. Paul St-Pierre Plamondon a présenté jeudi six mesures, dont certaines ont été présentées au cours des derniers mois, pour remettre de l’argent dans le portefeuille des Québécois. Sa première question au premier ministre au Salon bleu portera d’ailleurs sur cet enjeu.

Le Parti québécois propose l’attribution d’un bon d’épicerie aux Québécois ayant un revenu inférieur à 80 000 $. Il demande aussi que le gouvernement adopte son projet de loi sur le gaspillage alimentaire. M. St-Pierre Plamondon veut en outre que les représentants des grandes chaînes de marchés alimentaires soient convoqués en commission parlementaire spéciale pour « obtenir des réponses sur la fixation de prix ».

L’épouvantail de la souveraineté

Paul St-Pierre Plamondon accuse la Coalition avenir Québec (CAQ) de se livrer à des stratégies qui rappellent « comment Jean Charest opérait » en brandissant l’épouvantail de la souveraineté dans Jean-Talon.

Au moment de présenter sa candidate dans la circonscription, mardi, le premier ministre François Legault a décoché une flèche à l’endroit du Parti québécois en affirmant que la question, « cet automne, ce ne sera pas la souveraineté du Québec, ce sera le coût de la vie ».

« Mon collègue Pascal Bérubé me rappelait comment Jean Charest opérait. Il y a beaucoup de points similaires », a noté M. St-Pierre Plamondon, citant également le slogan « Gardons Jean-Talon au gouvernement » utilisé par le premier ministre sur son compte Twitter, mercredi. « [Ça] ressemble étrangement à des slogans utilisés par l’Union nationale à la fin des années 50. Ce sont des slogans qui ne visent pas à bâtir, à inspirer, mais plutôt à créer une crainte dans la population », a lancé le chef péquiste.

Paul St-Pierre Plamondon croit par ailleurs qu’il y a de la place pour la question de l’indépendance dans Jean-Talon, un ancien château fort libéral tombé aux mains de la CAQ en 2019. Selon le chef péquiste, parler des enjeux du coût de la vie, des changements climatiques et du déclin du français – les enjeux prioritaires de l’automne, selon lui – « n’empêche pas » d’aborder la souveraineté.