Gabriel Nadeau-Dubois revient à la charge contre la hausse de salaire des députés, soit 30 % ou plutôt 30 000 $ par année et plus, que la Coalition avenir Québec et le Parti libéral ont appuyé, en juin dernier. D’ici la fin de son mandat, il versera l’entièreté de cette somme à des organismes qui luttent contre l’insécurité alimentaire. Il presse les autres élus à en faire autant.

Au printemps, le chef parlementaire de Québec solidaire (QS) avait promis de ne pas toucher à une cent de la hausse de sa rémunération et d’annoncer publiquement ce qu’il ferait avec l’argent. M. Nadeau-Dubois dévoile avoir remis un premier chèque de 10 000 $ au Centre de ressources et d’action communautaire de La Petite-Patrie (CRACPP), à Montréal, pour qu’il s’achète en urgence un nouveau compresseur pour son réfrigérateur. Cette somme correspond à ce qu’il touchera comme rémunération additionnelle d’ici la fin de l’année 2023.

« [Les organismes] font des miracles avec peu de ressources parce que les groupes communautaires sont sous-financés chroniquement au Québec depuis des années. C’est phénoménal le travail qu’ils font dans le contexte où les besoins explosent », dit-il.

Sans cette pièce d’équipement, le CRACPP ne peut plus poursuivre plusieurs activités, alors que les aliments qu’il reçoit – autant ce qui est distribué en dépannage alimentaire que ce qui est cuisiné pour éviter des pertes – passent par sa chambre froide.

M. Nadeau-Dubois annoncera périodiquement les dons qu’il fait aux organismes qui luttent contre l’insécurité alimentaire jusqu’à l’épuisement de sa hausse salariale, chaque année. Il réitère que tous les députés de son caucus dévoileront également les sommes qu’ils versent à leur tour. Ces derniers ne sont toutefois pas tenus de retourner 100 % de leur ajustement de salaire et pourront le faire dans la proportion qu’ils choisissent.

Des besoins criants

En entrevue avec La Presse, Maggie Lebeau et Émile Boucher du CRACPP témoignent des besoins criants auxquels sont confrontés les organismes qui luttent contre l’insécurité alimentaire. Des chiffres publiés l’an dernier par les banques alimentaires du Québec révèlent qu’ils répondent chaque mois à 2,2 millions de demandes d’aide alimentaire et que 34 % des bénéficiaires sont des enfants.

« Les gens nous appellent parfois pour nous dire qu’ils auraient besoin d’un panier maintenant, mais nos capacités ne sont pas infinies. Il faut parfois repousser de quelques jours. On voudrait leur donner plus, mais face à la baisse des dons et à l’augmentation de la demande, on est moins capable de répondre aux besoins des gens », affirme M. Boucher.

Au cours des dernières années, « la demande a doublé », ajoute Mme Lebeau. Quand un pépin non prévu survient, comme un compresseur qui rend l’âme, tout s’écroule.

« On n’a pas la capacité d’avoir des fonds d’urgence au cas où il arrive quelque chose. On doit retourner tous les tiroirs, faire de la gymnastique financière pour trouver des ressources. On n’a pas assez de financement pour vivre avec [tous les] imprévus. On doit toujours faire plus avec le minimum », affirme-t-elle.

En faire une priorité

Gabriel Nadeau-Dubois, qui accusait la semaine dernière le premier ministre François Legault d’ignorer les besoins des gens qui font leur épicerie au Dollarama, revient à la charge. « Ce qui se passe au Québec en ce moment, ça m’empêche de dormir. Je ne comprends pas pourquoi ça n’empêche pas de dormir les députés de la CAQ », dit-il.

Depuis 2019, la proportion des ménages qui demandent un dépannage alimentaire, alors que la source principale de leurs revenus est un emploi, est en hausse de 37 %. Selon les banques alimentaires, 42 % des ménages qui sollicitent leur aide sont des familles avec enfant.

« On n’a pas le droit d’accepter ça. Le premier ministre qui dit que l’éducation est sa priorité, l’éducation, ça commence par ne pas avoir faim le matin. Que ça ne soit pas au plus haut dans nos priorités collectives, ça me vire à l’envers », affirme M. Nadeau-Dubois.

« Ce sont des gens sur l’aide sociale. Des gens qui travaillent à temps partiel. Des étudiants, des aînés, des travailleurs, des familles qui ne sont pas capables de nourrir leurs enfants. C’est une rupture du contrat social. Quand tu travailles, tu devrais vivre dans la dignité, te nourrir convenablement et nourrir tes enfants. La crise du coût de la vie, c’est venu mettre de l’huile sur un feu qui brûlait déjà », ajoute-t-il.

Selon Émile Boucher du CRACPP, les banques alimentaires n’ont accès qu’à une partie du problème, puisqu’il existe toujours un stigma associé à demander de l’aide pour se nourrir.

« Ce n’est pas rare que les gens attendent de n’avoir plus rien, quand ça fait deux ou trois jours qu’ils n’ont pas mangés, pour [chercher de l’aide]. Ils se sentent mal de faire la demande. Ils se disent que d’autres ont des besoins plus grands qu’eux. Certains s’excusent de faire une demande d’aide », raconte-t-il.