(Québec) Le commissaire à la langue française, Benoît Dubreuil, affirme que d’imposer des connaissances intermédiaires en français aux immigrants économiques afin d’accueillir plus de 60 000 nouveaux arrivants par année dès 2027 pourrait ne pas suffire à atteindre « le seuil nécessaire pour freiner le recul du français » au Québec.

Dans son mémoire, qu’il a présenté mercredi à la commission parlementaire qui mène des consultations publiques sur la panification de l’immigration permanente pour la période 2024-2027, M. Dubreuil recommande de reporter d’un an la hausse progressive de son seuil d’immigration et de mesurer dans un premier temps la langue parlée des travailleurs étrangers qualifiés au travail et dans l’espace public.

« Nous recommandons au MIFI de fixer à 85 % le nombre de personnes immigrantes adultes qui seront admises dans la catégorie de l’immigration économique utilisant le français le plus souvent au travail et dans l’espace public », affirme le commissaire Dubreuil.

Selon lui, le ministère de l’Immigration devrait mettre en place une « enquête de relance annuelle » pour mesurer l’état de la situation et « hausser les seuils d’admission uniquement si les cibles d’utilisation du français au travail et dans l’espace public ont été atteintes ».

« La cible exacte pourrait, quant à elle, faire l’objet de nombreuses discussions, mais une proportion de 85 % est celle qui apparaît nécessaire pour maintenir la place du français au travail et dans l’espace public et la faire progresser légèrement dans le futur. Si la hausse des seuils d’admission vise à accroître la présence du français dans l’espace public québécois, elle devrait être conditionnelle à l’atteinte de cette cible », précise-t-il.

M. Dubreuil affirme que cet indicateur est pertinent, car il permet de mesurer « les situations où le français et l’anglais sont véritablement en concurrence comme langue d’intégration et de communication interculturelle ».

Vitalité du français

Benoît Dubreuil est le premier commissaire à la langue française du Québec, un poste créé par le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ). Il a été nommé à son poste en février dernier pour un mandat de sept ans. Seuls les députés du Parti libéral ont voté contre sa nomination.

Dans son premier rapport annuel, déposé au Salon bleu en juin dernier, il affirmait que l’explosion du nombre d’immigrants temporaires au Québec entraînait des « répercussions importantes » sur la situation du français.

« Il y a 10 ans, il y avait 100 000 résidents non permanents au Québec. Ils sont maintenant 346 000 présents sur le territoire, soit près de 4 % de la population », s’inquiétait-il dans le contexte où « le français est moins présent et l’anglais l’est davantage chez les résidents non permanents ».

Dans son mémoire déposé à Québec, mercredi, M. Dubreuil recommande au gouvernement d’introduire « des mesures pour réduire la proportion de détenteurs et détentrices d’un permis temporaire qui ne connaissent pas le français » et « accroître la proportion de ceux et celles qui utilisent principalement le français au travail et dans l’espace public ». En entrevue avec La Presse, la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette, a affirmé plus tôt cette semaine qu’elle étudiait sérieusement l’idée d’imposer des exigences linguistiques aux immigrants temporaires.

Concernant les étudiants étrangers, dont ceux qui ont étudié en français par le passé ou qui ont obtenu un diplôme québécois en français pourront postuler au Programme de l’expérience québécoise (PEQ) (considéré comme une voie d’accès rapide à la résidence permanente), le commissaire Dubreuil suggère de « réviser la politique linguistique des universités francophones pour s’assurer que les étudiants au 3e cycle qui sont inscrits dans un programme d’études en français apprennent bel et bien cette langue et qu’ils évoluent dans des laboratoires et des centres de recherche où elle est la langue commune ».