(Ottawa) Le Canada reporte une mission commerciale en Inde que la ministre fédérale du Commerce, Mary Ng, présentait depuis quatre mois comme une pièce maîtresse de la récente Stratégie indo-pacifique du gouvernement.

La porte-parole de la ministre Ng, Shanti Cosentino, a confirmé vendredi dans un courriel que la mission était reportée « pour le moment ».

Mme Ng devait piloter à compter du 9 octobre une mission commerciale de cinq jours d’« Équipe Canada » à Mumbai. La ministre devait être accompagnée de dirigeants d’entreprises et de représentants des provinces canadiennes, afin de nouer des liens avec leurs homologues du pays le plus peuplé du monde.

La Presse Canadienne a demandé au cabinet de la ministre Ng d’expliquer pourquoi le voyage a été reporté, mais n’a pas encore obtenu de réponse.

Mais le Canada a suspendu récemment les négociations en vue de conclure un accord commercial avec l’Inde. Et les relations entre le premier ministre Justin Trudeau et son homologue indien ont été glaciales, lors du récent sommet du G20 à New Delhi.

Le premier ministre indien, Narendra Modi, a brièvement rencontré M. Trudeau dimanche dernier, en marge du sommet. Le compte rendu de ce bref entretien fourni par le cabinet du premier ministre indien précise que M. Modi s’est concentré sur les séparatistes sikhs au Canada.

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Le premier ministre indien, Narendra Modi, a brièvement rencontré M. Trudeau dimanche dernier, en marge du sommet du G20.

Avant d’arriver à New Delhi, M. Trudeau avait déclaré aux journalistes qu’il ferait part de ses inquiétudes concernant l’ingérence de l’Inde au Canada.

La ministre Ng n’a pas évoqué vendredi la mission commerciale en Inde – ni dans son discours d’ouverture ni dans son discours de clôture –, alors qu’elle participait à une réunion avec ses homologues provinciaux et territoriaux.

Plus tôt cette semaine, le gouvernement de la Saskatchewan a déploré qu’Ottawa ait laissé les provinces dans le flou pendant des mois sur l’état des négociations commerciales avec l’Inde.

« Nous avons eu des conversations productives et franches, a déclaré Mme Ng à l’issue de la réunion de vendredi. C’est le genre de travail d’équipe que les Canadiens sont en droit, je pense, d’attendre de nous. » Elle n’a pas répondu aux questions des journalistes « en raison de son emploi du temps », selon son cabinet.

La réunion s’est tenue virtuellement alors que Mme Ng a annoncé qu’elle avait été déclarée positive à la COVID-19 le matin même.

Il y a deux semaines, le haut-commissaire indien au Canada, Sanjay Kumar Verma, a révélé qu’Ottawa avait suspendu les négociations en vue d’un accord commercial. Aucun des deux pays n’a depuis fourni d’explication détaillée sur cette « pause » dans les négociations.

Les séparatistes sikhs

En fin de semaine dernière, le ministère indien des Affaires étrangères a exprimé ses « vives préoccupations » concernant les séparatistes sikhs au Canada, qui souhaitent créer leur propre État, le « Khalistan », dans la région du Pendjab, en Inde.

New Delhi soutient depuis longtemps que le Canada porte atteinte à la sécurité nationale de l’Inde en laissant libre cours aux groupes séparatistes, qualifiés de « mouvement extrémiste ».

Ottawa répond que la liberté d’expression signifie que des groupes peuvent exprimer leurs opinions politiques à condition qu’elles ne soient pas violentes. Mais le gouvernement a aussi dénoncé les menaces de ces groupes contre des diplomates indiens au Canada et a offert aux émissaires une sécurité 24 heures sur 24.

La mission commerciale, la première en Asie dans le cadre de la Stratégie indo-pacifique du Canada, visait à stimuler les entreprises canadiennes de « technologies propres » afin de contribuer à répondre aux besoins de l’Inde en énergie renouvelable.

Une description du voyage publiée sur le site Web du Service des délégués commerciaux indique que l’Inde a été en 2022 l’économie majeure qui a connu la croissance la plus rapide.

« L’importance stratégique, économique et démographique croissante de l’Inde dans la région indo-pacifique en fait un partenaire essentiel dans la poursuite des objectifs du Canada dans le cadre de la Stratégie indo-pacifique », lit-on dans l’avis en ligne destiné à inciter les chefs d’entreprise canadiens à se joindre au voyage de la ministre Ng.

Le Service des délégués commerciaux du gouvernement fédéral affirmait que cette mission visait également à accroître le commerce dans des secteurs tels que l’automobile, l’agriculture et les aliments à valeur ajoutée, la technologie numérique, les infrastructures et les sciences de la vie.

On voulait aussi mettre l’accent sur le réseautage avec des dirigeants d’entreprises indiens, les séances d’information de hauts fonctionnaires et d’acteurs clés de l’industrie, ainsi que sur des tables rondes avec l’industrie et des experts locaux.

Le cabinet de la ministre Ng a souligné vendredi que les missions commerciales d’Équipe Canada étaient toujours prévues pour six destinations, allant du Japon au Vietnam.

« La Stratégie indo-pacifique du Canada constitue le cadre permettant aux entreprises canadiennes, établies ou nouvelles, de se développer et de croître sur les marchés dynamiques du Pacifique », a écrit Mme Cosentino.