Le Parlement canadien déroule le tapis rouge pour le président ukrainien Volodymyr Zelensky et sa tenue kaki. Arrivé au pays tard jeudi soir, le dirigeant met les pieds ici pour la première fois depuis le début de la guerre, à l’approche d’un hiver où Moscou pourrait encore s’attaquer aux infrastructures énergétiques, comme en 2022.

Discours aux communes, rassemblement à Toronto

L’enceinte de l’édifice de l’Ouest promet d’être pleine à craquer pour l’allocution du président de l’Ukraine, à 13 h, tout comme elle l’était en mars 2022 lorsqu’il s’était adressé au Parlement par visioconférence, au jour 20 de l’invasion russe. Les jours ont passé, et ce sera le 576e depuis le début de la guerre, ce vendredi, que les élus et sénateurs se réuniront pour l’écouter. À l’issue de son allocution, le président et Justin Trudeau tiendront une conférence de presse, puis s’envoleront vers Toronto. Il s’y tiendra un grand rassemblement, avec discours et distribution de poignées de mains.

PHOTO BRYAN R. SMITH, AGENCE FRANCE-PRESSE

Volodymyr Zelensky s’adressant à l’Assemblée générale de l’ONU, mardi

Combattre la fatigue

Le président Zelensky fait un crochet par le Canada après avoir passé les derniers jours aux États-Unis. « Il est en tournée diplomatique en ce moment. Aux Nations unies, l’objectif, c’était de convaincre des pays qui ne sont pas très actifs dans leur soutien, soit les pays du Sud », dit Emmanuelle Rousseau, doctorante affiliée au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM). À Washington, où il était jeudi, et à Ottawa, ce vendredi, l’objectif est davantage de s’assurer que les alliés de Kyiv résistent à la tentation de « réduire leur soutien militaire » parce que la contre-offensive « patine », estime la spécialiste de l’espace postsoviétique.

Une « posture délicate »

La lenteur à reconquérir les territoires ukrainiens place le président dans une « posture délicate », juge la professeure Maria Popova, de l’Université Concordia. « L’efficacité de la contre-offensive n’est pas à la hauteur des attentes, mais c’est parce que l’Occident n’a pas livré à temps l’équipement que l’Ukraine demandait […] et donc, il ne faut pas qu’il ait l’air d’exprimer de l’ingratitude », explique cette spécialiste des liens russo-ukrainiens. En juillet dernier, en marge du sommet de l’OTAN, le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, avait manifesté une certaine frustration face aux nombreuses requêtes de l’Ukraine. « Nous ne sommes pas Amazon », avait-il lâché.

« Attendez-vous à de belles paroles »

L’annonce d’aide canadienne la plus récente remonte à dimanche dernier. De passage au Royaume-Uni, le nouveau ministre canadien de la Défense nationale, Bill Blair, a annoncé une contribution de 33 millions à un partenariat qui fournit des missiles de défense aérienne à l’Ukraine. L’argent vient de l’enveloppe de 500 millions annoncée par Justin Trudeau pendant sa visite à Kyiv, en juin dernier. Le professeur Justin Massie, codirecteur du Réseau d’analyse stratégique, ne prévoit pas que l’aide militaire du Canada augmente significativement : « Au contraire, des coupes budgétaires sont à prévoir compte tenu de la volonté de réduire la taille du déficit, et le ministère de la Défense nationale est une cible privilégiée pour toute coupe budgétaire fédérale. » Ainsi faut-il « s’attendre à de belles paroles, mais pas à une offre d’aide supplémentaire importante » dans le cadre de cette visite, prédit-il.

Visite sur fond de crise indienne

Le président Zelensky débarque au pays au moment où l’Inde, non pas l’Ukraine, fait la manchette. « Ça va être une pause bienvenue pour M. Trudeau, d’être vu au côté d’un allié et d’un ami », fait valoir Stéphanie Chouinard, professeure agrégée de science politique au Collège militaire royal du Canada à Kingston. Cela dit, « cette visite est loin d’être suffisante » pour rétablir l’image d’un premier ministre dont « la gestion des affaires internationales » en a pris pour son rhume, croit-elle. Mais l’étoile du leader ukrainien, elle aussi, a pâli, note la politologue : « Il y a des critiques par rapport à sa gestion de la guerre, mais aussi de son cabinet. Son ministre de la Défense a été remplacé ; lui aussi vit probablement une certaine fatigue. »

« Des mois difficiles à venir »

L’Ukraine a mis en garde, jeudi, contre « des mois difficiles à venir », après l’attaque nocturne « massive » russe qui a visé plusieurs villes, au moment où Volodymyr Zelensky était à Washington pour demander plus d’armes puissantes. L’arrivée prochaine de la saison froide fait craindre aux autorités du pays que Moscou ne relance une campagne de frappes sur le système énergétique pour plonger la population civile dans le noir et le froid, comme durant l’hiver dernier. « Des mois difficiles nous attendent : la Russie va continuer d’attaquer les installations énergétiques et essentielles », a prévenu le chef adjoint de l’administration présidentielle, Oleksiï Kouleba, accusant Moscou de vouloir « semer la panique ».

Agence France-Presse