(Ottawa) Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh n’a pas voulu réitérer mercredi la menace brandie par un membre de son caucus et les délégués de son parti que l’entente avec les libéraux pourrait être déchirée.

« On va continuer d’utiliser notre pression parce qu’on veut avoir un programme qui aide tout le monde, pas les grandes entreprises pharmaceutiques », a-t-il répondu aux journalistes qui le pressaient de questions sur le sujet.

Malgré les multiples variantes de la même question posée par divers membres de la presse, M. Singh n’a pas voulu dire, mot pour mot, qu’il était prêt à se retirer de l’accord de soutien et de confiance avec les libéraux si le projet de loi que le gouvernement déposera sur l’assurance médicaments est jugé insatisfaisant.

Plus précisément, le Nouveau Parti démocratique (NPD) milite pour l’instauration d’un programme public et universel.

Lors du congrès des militants néo-démocrates, le week-end dernier, les délégués réunis ont unanimement adopté une résolution évoquant un possible retrait des néo-démocrates de l’accord les liant aux libéraux.

Selon le texte adopté, les délégués soutiennent que le déchirement de l’entente devrait survenir dans le scénario où le projet de loi que les libéraux ont promis de déposer d’ici à la fin de l’année sur l’assurance médicaments ne « s’engage [pas] clairement envers un programme […] universel, complet et entièrement public ».

Le libellé de la résolution précise qu’elle n’est pas contraignante pour le caucus du NPD, mais le député et porte-parole en matière de santé du parti, Don Davies, a affirmé que les élus de la formation politique étaient « unanimement » en faveur d’un tel retrait, s’ils jugent le projet de loi libéral insatisfaisant.

Questionné quant à cette « ligne rouge » sur laquelle M. Davies a insisté, M. Singh a semblé aller moins loin.

« Les libéraux savent que notre position est claire. On veut avoir une assurance médicaments qui est universelle et entièrement publique, quelque chose qui va réduire les coûts [des] médicaments pour tout le monde, pas un plan qui va aider les grandes entreprises pharmaceutiques », a répété le chef du NPD.

L’ex-stratège néo-démocrate Karl Bélanger a soutenu en entrevue que « Don Davies n’est pas le chef, donc il se permet d’aller plus loin ».

« Ce n’est pas anormal dans une situation comme ça qu’il y ait des gens qui envoient des signaux plus agressifs que celui qui est en charge de discuter directement avec le premier ministre et qui doit se garder une porte de sortie, […] une marge de négociation », a analysé celui qui est aujourd’hui président de la firme Traxxion Stratégies.

M. Bélanger a rappelé que l’entente avec libéraux prévoit l’adoption, d’ici la fin de l’année, d’une loi sur l’assurance médicaments.

« C’est dans deux mois. Est-ce qu’on part en élections en janvier ? Je ne suis pas certain que c’est ça l’objectif du NPD à ce moment-ci », croit l’ex-stratège, qui a travaillé auprès des anciens chefs néo-démocrates Jack Layton et Thomas Mulcair.

L’accord de soutien et de confiance est conçu pour assurer que les libéraux de Justin Trudeau, en situation de gouvernement minoritaire, puissent rester au pouvoir jusqu’en 2025.

En échange, les libéraux promettent d’accomplir une série de choses, comme le lancement d’un programme d’assurance médicaments.

Si l’entente est déchirée, une campagne électorale ne serait pas automatiquement lancée.

Pour que cela survienne, deux avenues sont possibles. La Chambre pourrait retirer sa confiance envers le gouvernement par un vote. Dans l’autre scénario, les libéraux pourraient décider de déclencher des élections si le vent leur devenait favorable dans les intentions de vote.

Quelle marge de manœuvre fiscale ?

Quoi qu’il en soit, le ministre de l’Emploi, Randy Boissonnault, a laissé entendre que le gouvernement de Justin Trudeau ne prend pas à la légère la menace du NPD.

« On prend toujours le NPD à leur parole », a-t-il dit alors qu’il se rendait à une réunion du caucus libéral.

Il répondait alors à la question d’une journaliste lui demandant si le gouvernement prend au sérieux les propos des néo-démocrates au sujet de l’assurance médicaments.

M. Davies a des rencontres régulières avec le ministre de la Santé, Mark Holland. « C’est clair dans nos conversations que le coût du programme, c’est important de s’assurer que le coût n’est pas une grosse dépense parce que ce n’est pas une situation fiscale, actuellement, aujourd’hui, où […] l’abordabilité pour ça (est) là », a dit mercredi le ministre, en français.

Ce dernier n’a toutefois pas fermé la porte à trouver un programme public et universel, comme le NPD le souhaite.

« On est en pleine négociation. L’entente qu’on a avec le NPD fonctionne pour le moment et quand je parle aux gens à Edmonton et en Alberta, la stabilité qu’on a avec cette entente, ça marche pour eux, ça marche pour nous, donc on va continuer à avoir des négociations », a renchéri M. Boissonnault.

La leader en Chambre du gouvernement, Karina Gould, n’a pas voulu s’avancer sur les concessions que pourraient faire les libéraux dans leurs négociations avec le NPD.

« Mon travail, c’est vraiment de travailler avec le NPD dans la Chambre pour avancer les priorités que nous avons ensemble », s’est-elle contentée de souligner.