(Ottawa) Des millions de personnes âgées aux quatre coins du pays verront leurs revenus de retraite diminuer si l’Alberta se retire du Régime de pensions du Canada, avertit le premier ministre Justin Trudeau. Il a fait parvenir une lettre à son homologue albertaine Danielle Smith mercredi pour l’aviser qu’Ottawa allait faire « tout ce qui est possible » pour que le régime reste intact.

« Nous ne resterons pas les bras croisés face à ceux qui cherchent à affaiblir les pensions et à réduire le revenu de retraite des Canadiens », écrit-il.

L’Alberta songe à adopter le modèle québécois pour créer son propre régime de pensions. Danielle Smith a lancé des consultations à ce sujet le 21 septembre et prévoit tenir un référendum pour savoir si les Albertains veulent sortir du régime fédéral. Elle fait valoir que la province pourrait économiser des milliards de dollars.

Le Québec avait choisi de ne pas adhérer au Régime de pensions du Canada lors de sa création en 1965. Le gouvernement de Jean Lesage avait plutôt décidé de créer le Régime des rentes du Québec, qui est entré en vigueur l’année suivante. Le programme est administré par Retraite Québec et les fonds sont gérés par la Caisse de dépôt et placement du Québec.

L’Alberta estime avoir droit à un transfert d’actifs de 334 milliards du régime fédéral, soit l’argent que les Albertains y ont contribué, moins les revenus de retraite qu’ils en ont tirés depuis sa mise en œuvre il y a près de 60 ans. La Loi sur le Régime de pension du Canada permet aux provinces de se retirer pour créer son propre régime sans avoir besoin d’obtenir l’accord des autres.

Un tel retrait exposerait « des millions de Canadiens à une plus grande volatilité et les priverait de la certitude et de la stabilité dont ont bénéficié des générations entières », souligne M. Trudeau.

Il fait valoir que le moment est d’autant plus mal choisi que le Canada traverse « une période marquée par des défis sans précédent » comme les récentes guerres en Ukraine et en Israël, de même que les changements climatiques. « En tant que dirigeants, nous avons le devoir de protéger les Canadiens de ces vents contraires et non d’accroître encore davantage l’incertitude et l’instabilité », fait-il valoir.

Le premier ministre Trudeau indique qu’il a demandé aux membres de son cabinet et à ses fonctionnaires « de faire tout ce qui est possible » pour protéger le régime de pensions du Canada et faire comprendre aux Albertains les risques du projet de Danielle Smith.

L’Alberta réplique

La première ministre albertaine a accusé M. Trudeau « d’attiser la peur » des retraités et menace d’entamer des poursuites si Ottawa l’empêche d’aller de l’avant. « Toute tentative en ce sens sera perçue comme une attaque contre les droits constitutionnels et légaux de l’Alberta, et fera l’objet de conséquences judiciaires et politiques sérieuses », a-t-elle répliqué dans une missive publiée sur le réseau social X.

Elle a appelé le premier ministre Trudeau à « se concentrer à protéger le portefeuille des Canadiens » en éliminant la taxe sur le carbone, « l’éléphant dans la pièce qui entraîne de l’inflation ».

Danielle Smith cite un rapport de la firme LifeWorks commandé par son gouvernement, selon lequel le Régime de pension du Canada retrouverait sa cote de stabilité de 2013 si l’Alberta se retirait. La contribution supplémentaire des travailleurs serait de 175 $ par année pour maintenir le régime fédéral qu’elle compare aux 710 $ annuellement payés par les ménages en 2023 pour la taxe sur le carbone. Elle omet de mentionner que le gouvernement fédéral rembourse ce montant au moyen d’un crédit d’impôt remboursable.

Sécurité de vieillesse : les conservateurs appuient la hausse

Le projet de loi du Bloc québécois pour que tous les aînés aient droit à la bonification de 10 % de la pension de la Sécurité de vieillesse vient de franchir une nouvelle étape. Les conservateurs et les néo-démocrates l’ont appuyé en deuxième lecture, ce qui signifie que le texte législatif pourra être étudié en comité parlementaire. Depuis juillet 2022, la hausse s’applique seulement aux 75 ans et plus. Les bloquistes et plusieurs associations québécoises d’aînés dénoncent cette injustice. Le projet de loi C-319 de la députée Andréanne Larouche demande que cette augmentation s’applique dès l’âge de 65 ans. Cette mesure coûterait 16 milliards sur cinq ans. Les libéraux ont voté contre. Le gouvernement estime les 75 ans et plus ont davantage de chance d’avoir des coûts de santé élevés et de souffrir d’isolement, de maladie ou de handicap.