Les sociétés de transport de Québec et de Montréal appellent le gouvernement Legault à avoir « plus d’ambition » en matière de mobilité durable. Selon eux, plusieurs villes foncent tout droit vers des réductions de service importantes si le provincial n’éponge comme prévu que 20 % des déficits des opérateurs.

« Aujourd’hui, on en appelle au premier ministre Legault de même qu’au ministre des Finances, Eric Girard, pour faire en sorte d’avoir plus d’ambition au niveau du transport collectif. Je pense que dans la situation actuelle, c’est capital », a martelé vendredi la présidente du Réseau de transport de la Capitale (RTC), Maude Mercier Larouche, en mêlée de presse à Québec.

Elle était notamment accompagnée du président de la Société de transport de Montréal (STM), Éric Alan Caldwell. Vendredi, La Presse révélait que celle-ci pourrait devoir réduire son service d’environ 15 % si la proposition initiale de la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, va de l’avant. Cela ramènerait la STM au même niveau qu’en 2006.

Plus tôt cette semaine, Mme Guilbault a proposé aux sociétés de transport un financement de 502,8 millions, ce qui ne représente qu’à peine 20 % du déficit de 2,5 milliards de l’industrie. Le reste serait comblé par des efforts « d’optimisation » de 365 millions, mais surtout par les municipalités.

Dans le Grand Montréal seulement, les villes devraient débourser plus d’un milliard, dont plus de 260 millions seulement en 2024. À l’extérieur de la métropole, les villes débourseraient près de 165 millions en cinq ans.

Or, une impasse semble inévitable, surtout quand on sait que 70 % des dépenses des sociétés de transport touchent les salaires. « Bien sûr, on fera nos efforts. Bien sûr, on cherche à optimiser, à réduire nos dépenses. […] Mais un des principes de base de l’écofiscalité, c’est de récompenser les bons comportements. Les villes et les communautés qui veulent le maintien et la progression de l’offre de service doivent être récompensées », a indiqué M. Caldwell.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Éric Alan Caldwell, président de la STM

Il a ensuite fait valoir que Québec « ne doit pas transférer le fardeau du maintien ou du développement » du transport collectif « à ceux qui décident d’en faire plus ».

« On veut faire partie de la solution »

« Il faut travailler sur le financement à court, moyen et long terme pour s’assurer de ne pas revivre de façon périodique cette impasse sur le financement », a de son côté évoqué vendredi le président de l’Association du transport urbain (ATUQ), Marc Denault.

À ses yeux, « la solution ne viendra pas juste d’une personne ». « On parle de nouvelles sources de revenus. Il falloir être créatifs », a ajouté M. Denault, en laissant entendre que d’autres ministres, comme Pierre Fitzgibbon à l’Économie et Benoit Charette à l’Environnement, devront aussi s’impliquer.

L’ATUQ soutient que les idées véhiculées par Mme Guilbault au retour de son voyage en Europe, ce printemps, doivent être étudiées plus sérieusement. La ministre s’était notamment montrée intéressée par le « versement mobilité » basé sur la masse salariale des entreprises, qui finance la moitié des dépenses d’Île-de-France Mobilités (IDFM). L’idée avait toutefois peu réjoui le milieu des affaires.

« On va présenter des propositions. On veut faire partie de la solution. Mais il faut être ouvert à toutes les opportunités qu’il peut y avoir pour développer des sources de financement récurrentes », a renchéri M. Denault, dont le groupe recommande aussi d’étudier d’autres sources de revenus comme la location commerciale ou résidentielle, ainsi que les droits aériens.

Cette sortie des sociétés de transport survient au moment où se tient vendredi, à Québec, le Forum 2023 de la Politique de mobilité durable (PMD). C’est ce règlement qui dicte entre autres la cible d’augmentation annuelle du niveau de service à travers la province.

Dans son Plan d’action 2018-2023 de la PMD, Québec a chiffré à 5 % la cible d’augmentation annuelle, un objectif qui a été mis à mal par la COVID-19. Au début du mois d’octobre, une vingtaine de maires et mairesses du Grand Montréal ont appelé le gouvernement à « viser un minimum de 7 % d’augmentation par année à l’échelle du Québec » afin de maintenir la cadence, mais aussi pour rattraper le retard.

A priori, le nouveau plan d’action de la PMD 2023-2028 devrait être annoncé ce printemps. La ministre Guilbault a profité de la journée de vendredi pour annoncer la création d’un comité de concertation sur le transport adapté, afin de rendre les services de transport plus accessibles aux personnes handicapées. Un comité sera aussi mis sur pied pour « trouver des solutions » aux problèmes de financement que rencontre l’industrie du transport interurbain.