(Québec) Paul St-Pierre Plamondon voit la vie en bleu. Selon le chef du Parti québécois (PQ), si le Québec devenait un pays dès 2027, sa situation financière serait non seulement « très près de l’équilibre budgétaire », mais l’abolition d’un palier de gouvernement lui permettrait de réaliser « des économies importantes » qui bonifieraient sa capacité à offrir de meilleurs services à la population.

Après des mois de reports et au terme d’une série d’entrevues qui a débuté la semaine dernière avec La Presse, M. St-Pierre Plamondon a finalement dévoilé lundi son budget de l’an 1 d’un Québec souverain, à l’Université Laval. Son étude se divise en deux parties : la première fait l’analyse pro forma des finances d’un Québec indépendant, qui ferait les mêmes choix que ceux d’Ottawa, puis celle d’un pays gouverné par le Parti québécois.

« Si l’indépendance du Québec se faisait essentiellement à coût nul ou s’avérait légèrement bénéfique à l’année 1 d’un point de vue de l’étude pro forma, c’est-à-dire dans un scénario où le Québec ferait tous les mêmes choix que le Canada actuel, elle permettra très certainement au gouvernement du Québec de dégager d’importantes nouvelles économies dès la première année dès lors que le gouvernement du Québec se permet de faire des choix financiers plus intelligents », avance-t-il.

En réponse au principal argument économique de ses adversaires contre la souveraineté, le chef péquiste affirme qu’un pays du Québec ne souffrirait pas de la fin de la péréquation, dans le contexte où la province reçoit annuellement près de 13 milliards de ce programme fédéral (ou plutôt 9,6 milliards au net, considérant sa propre contribution). Comme il l’affirmait la semaine dernière dans nos pages, M. St-Pierre Plamondon estime que la fin des chevauchements de ministères et de programmes entre Québec et Ottawa mènerait à des économies de 8,8 milliards.

« Ce qui est frappant, c’est à quel point isoler seulement la péréquation pour faire croire à la population que c’est ça le portrait des finances d’un Québec indépendant, c’est de la malhonnêteté intellectuelle », dit-il.

De plus, le PQ ajoute avoir « identifié des gains de 2,1 milliards de dollars supplémentaires », selon les choix qu’il ferait une fois au pouvoir, ce qui fait grimper selon le parti « à 10,9 milliards de dollars [les] économies projetées dans les ministères fédéraux ». Un gouvernement péquiste réinvestirait la totalité de ces sommes dans l’éducation et les pensions aux aînés.

Pas de turbulences

Galvanisé par l’arrivée d’un quatrième député sur 125 au Salon bleu et dans le scénario où le parti de Paul St-Pierre Plamondon prenait le pouvoir en 2026, « la situation budgétaire d’un Québec indépendant au jour 1 (au plus tôt, pour l’exercice 2027) serait essentiellement la même que celle prévue dans un Québec province, lorsqu’on y inclut la part québécoise du déficit fédéral : nous serions très près de l’équilibre budgétaire, avec de minces déficits, entre 4 et 6 milliards de dollars, dans un cas ou dans l’autre », avancent les péquistes.

« Un Québec indépendant ira chercher 82,3 milliards de dollars en nouveaux revenus qui sont présentement captés par le fédéral, lesquels correspondent présentement à très peu de services utiles à la population, alors que les missions fondamentales de l’État québécois sont [soumises] à une pression financière et à des défaillances historiques », ajoute le PQ dans son budget de l’an 1.

« La situation économique et financière du gouvernement du Québec et du Canada a beaucoup évolué depuis 2005, date où François Legault a publié sa version des finances d’un Québec souverain. L’explosion de la taille de l’État fédéral, le déséquilibre fiscal entre autres dans les dépenses en matière de santé, l’explosion des dépenses dans les champs de compétence des provinces, le montant de la dette fédérale qui a doublé sous les libéraux de Justin Trudeau, l’obstination du fédéral à continuer d’investir dans les énergies fossiles, le refus d’obtempérer pour effectuer des gains d’efficacité comme avec la création d’un rapport d’impôt unique, et bien d’autres aspects encore, pour ne nommer que ceux-là », ajoute le parti de M. St-Pierre Plamondon.

Selon les péquistes, une limite de leur exercice est qu’il ne calcule pas « les impacts positifs qui seront engendrés par l’indépendance du Québec », ce qui met de côté les risques de turbulences économiques parfois évoqués par ses adversaires. L’un des gains de l’indépendance, écrit le parti, est l’arrivée massive dans la région de Québec d’ambassades et de diplomates du monde entier.

« L’établissement de plus de 200 ambassades dans la ville de Québec, des investissements directs dans l’économie québécoise qui soient uniquement dictés par l’intérêt du Québec, une politique monétaire alignée exclusivement sur la situation économique du Québec et sur ses intérêts » : le Parti québécois évalue qu’il « ne fait aucun doute qu’un Québec indépendant pourrait non seulement assumer les dépenses du gouvernement fédéral et maintenir la totalité des services, mais plus encore, il disposerait de nouvelles sommes importantes afin de les investir comme bon lui semble ».

Par ailleurs, Paul St-Pierre Plamondon rejette l’hypothèse selon laquelle l’indépendance pourrait provoquer à court ou moyen terme une fuite des capitaux vers l’extérieur du Québec. Encore mieux : « on peut raisonnablement anticiper un bond économique suivant l’indépendance du Québec », estime-t-il.

« Lorsqu’une indépendance est faite par voie militaire ou à travers une guerre, évidemment que ça a un impact négatif sur l’économie. Lorsqu’il s’agit de pays démocratiques avec des institutions stables et que l’indépendance se fait comme en Slovaquie, l’impact est positif sur l’économie. […] L’entreprise qui a un modèle d’affaires viable et qui fait des profits, ce qu’elle cherche, c’est de la stabilité », avance le chef péquiste.

Des échanges vifs

La semaine dernière, lors d’échanges musclés au Salon bleu, le premier ministre du Québec et chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a mis au défi son adversaire péquiste d’expliquer combien de Québécois perdraient leur emploi si le Québec déclarait son indépendance.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

François Legault, premier ministre du Québec

« Ce qu’il nous dit, c’est que selon lui, le fédéral dépense trop, puis que lui, dans un Québec souverain, il couperait 8 milliards dans les dépenses qui sont faites actuellement par le gouvernement fédéral. Est-ce qu’il pourrait, en même temps, lundi, dire aux Québécois combien il y a de Québécois qui perdraient leur emploi avec les coupures de 8 milliards ? », a questionné François Legault, faisant référence aux gains que le PQ entend faire en mettant fin aux chevauchements de programmes et de ministères.

À ce sujet, M. St-Pierre Plamondon n’a pas nié que des emplois ne seraient pas renouvelés dans un Québec souverain, notamment ceux associés au ministère du Patrimoine canadien. Il anticipe toutefois qu’une vague de départs à la retraite dans les prochaines années lui facilite la tâche.

En fin de point de presse, le chef péquiste a une fois de plus réitéré son engagement ferme à tenir un référendum sur l’indépendance du Québec dans un premier mandat, même si les sondages n’indiquent pas un appui majoritaire à la souveraineté.

« Pour réussir un changement positif dans une société, […] il faut penser en entrepreneur social. Un entrepreneur ne peut pas s’empêcher de faire ce qu’il faut faire en fonction de l’existence de telle possibilité ou d’une autre. Il faut se donner un objectif, travailler en fonction de l’objectif [et] atteindre l’objectif », a-t-il plaidé.

D’ici au prochain scrutin général, en 2026, le Parti québécois publiera en 2024 une réplique à « l’initiative du siècle », qui fait la promotion d’une forte hausse de l’immigration au Canada. Il dévoilera ensuite en 2025 un livre bleu sur l’indépendance, qui détaillera le modèle de pays qu’il propose, et définira ce qui devrait constituer une « citoyenneté québécoise » avant la campagne électorale.