(Ottawa) La volte-face du gouvernement Trudeau sur la tarification du carbone donne de nouvelles munitions au chef conservateur Pierre Poilievre.

Au lendemain de l’annonce d’une pause de trois ans dans les mesures de tarification du carbone pour les livraisons de mazout, Pierre Poilievre avait de quoi se frotter les mains derrière son lutrin frappé du slogan « Abolir la taxe ».

« Justin Trudeau est en train de capoter », s’est-il exclamé d’emblée à Saint-Jean, Terre-Neuve, vendredi.

« Il est en panique totale. Après huit ans où il a dit qu’on avait besoin d’une taxe carbone pour augmenter le coût de la nourriture, du chauffage et de l’essence, il avoue que sa taxe n’en vaut pas le coût », a poursuivi le chef de l’opposition.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pierre Poilievre

Cette « volte-face » s’explique par le fait que les libéraux sont « en train de chuter dans les sondages », et que « les conservateurs de gros bon sens », quant à eux, multiplient les rassemblements au Canada atlantique pour contrer la taxe Trudeau, a-t-il argué.

Et ces assouplissements du chef libéral visent à aider « sa carrière politique », pas les Canadiens qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts, a poursuivi le dirigeant conservateur.

En annonçant la suspension de l’application du prix fédéral sur la pollution aux livraisons de mazout dans les provinces et les territoires où la redevance fédérale sur les combustibles est en vigueur, jeudi après-midi, le premier ministre Trudeau a nié qu’il s’agissait d’un recul.

« Au contraire », a-t-il affirmé en conférence de presse, entouré de ses députés de l’Atlantique.

« L’annonce d’aujourd’hui [jeudi] nous permet d’accélérer encore plus dans nos investissements pour contrer les changements climatiques. On a vu que le prix sur la pollution n’était pas suffisant pour qu’assez de gens passent aux thermopompes », a-t-il plaidé.

L’architecte de la tarification du carbone, l’ancienne ministre de l’Environnement Catherine McKenna (2015-2019), ne semble pas partager cette lecture.

« La politique est dingue. Nous avons de vrais problèmes. Nous avons de vraies solutions. Je sais que les choses difficiles sont difficiles, mais les politiciens devraient associer les problèmes aux solutions et expliquer clairement pourquoi certaines actions étaient nécessaires », a-t-elle écrit sur X, jeudi soir.

« Comme me l’a conseillé [Jean] Chrétien : "Les Canadiens sont raisonnables. Soyez raisonnables" », a-t-elle conclu.

Grogne altantique

Le premier ministre espère contrer un vent de face en provenance des provinces de l’Atlantique, où la hausse du coût de la vie et de l’énergie frappe de plein fouet.

Car là où les libéraux de Justin Trudeau avaient tout raflé en 2015, ils sont actuellement en danger.

L’agrégateur de sondages 338Canada prévoit une récolte de 22 sièges sur 32 pour les conservateurs, contre 8 seulement pour les libéraux.

La grogne populaire, qui s’est amplifiée au cours de l’été, a été relayée au premier ministre par les députés de ces provinces.

L’un d’eux, Ken McDonald, de Terre-Neuve-et-Labrador, a d’ailleurs brisé les rangs en votant en faveur d’une motion de Pierre Poilievre visant à exempter le mazout de la tarification du carbone, le 4 octobre.

Insuffisant pour les conservateurs

L’atténuation fiscale temporaire demeure insatisfaisante aux yeux des conservateurs.

« Le premier ministre a admis que sa taxe carbone est inabordable. Quand est-ce qu’il l’abolira pour tous les Canadiens ? », a notamment demandé le conservateur John Barlow lors de la période des questions, vendredi.

Et dans leur combat, ils peuvent compter sur le premier ministre du Nouveau-Brunswick Blaine Higgs, qui est de même allégeance politique.

« Pendant des années, les libéraux nous ont dit que la tarification sur le carbone sur le mazout de chauffage ne rendait pas la vie inabordable », a-t-il écrit sur X.

Au lieu d’en suspendre l’application, la « meilleure approche » est d’« annuler tout simplement leur taxe sur le carbone », a tranché le dirigeant néo-brunswickois.

À Ottawa, le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a fait valoir que les libéraux, contrairement aux conservateurs, avaient un plan pour lutter contre les changements climatiques.

« Je vais vous dire ce que les conservateurs n’aiment pas du plan : cela réduit la dépendance des Canadiens à leurs amis des grandes pétrolières », a-t-il plaidé.

Le Nouveau Parti démocratique, qui permet aux libéraux minoritaires de se maintenir au pouvoir, considère que l’assouplissement est un « répit attendu depuis longtemps pour les familles de l’Atlantique ».