(Québec) Des inspections déficientes et une mauvaise identification des besoins de la part du ministère des Transports ont fait exploser la facture du projet de réfection du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine.

C’est ce que conclut après enquête l’Autorité des marchés publics (AMP), le chien de garde de la gestion des contrats créé à la recommandation de la commission Charbonneau.

L’AMP a rendu public mercredi un rapport sur son examen de la gestion contractuelle du ministère des Transports. Elle s’est penchée sur l’entretien d’ouvrages majeurs comme le tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine (Montréal-Montérégie-Est) et les ponts Papineau-Leblanc (Montréal-Laval), de l’Île-aux-Tourtes (Montréal-Montérégie-Ouest) et Pierre-Laporte (Québec-Lévis).

Dans l’ensemble, l’AMP a constaté une série de « lacunes » dont :

  • Une planification déficiente des travaux d’entretien
  • Un manque de suivi des rapports d’experts visant à assurer la pérennité des infrastructures
  • Une gestion réactive plutôt que proactive qui entraîne le recours à des contrats de gré à gré d’urgence, plus coûteux.
  • Une surveillance inadéquate de l’exécution des travaux.

« Ces lacunes ont notamment pour conséquence que le ministère ne procède pas aux travaux nécessaires en temps opportun, ce qui a pour effet que les travaux de maintien ne font pas l’objet d’une planification rigoureuse et adaptée à chaque infrastructure », estime l’AMP.

Québec doit donner des contrats sans appel d’offres en urgence à défaut d’avoir fait des inspections adéquates et un entretien régulier. Ce fut le cas en particulier pour les ponts Papineau-Leblanc, dans l’entretien des haubans, et Pierre-Laporte, dans l’entretien de suspentes. « Il en découle que le ministère se retrouve dans une situation où il doit octroyer des contrats de gré à gré en invoquant des motifs d’urgence ou recourir à d’autres véhicules contractuels vu les enjeux de planification et de gestion des projets sur ses ouvrages majeurs. »

Dans le cas de l’entretien du pont de l’Île-aux-Tourtes, le ministère a sous-estimé largement la quantité de mortier nécessaire, en plus d’ignorer les 35 avis indiquant que l’entrepreneur ne respectait pas les normes du fabricant dans la préparation du mortier.

Le cas du tunnel

En août 2022, le gouvernement Legault a annoncé que la structure du tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, en cours de réfection, était beaucoup plus détériorée que prévu. Le coût du projet a ainsi explosé de 1 milliard de dollars, pour atteindre 2,5 milliards.

La voûte était plus endommagée que prévu. « C’est le genre de dégradation qu’on ne peut mesurer qu’une fois les travaux commencés, et qu’on ne peut pas anticiper avec précision », expliquait le ministre des Transports de l’époque, François Bonnardel.

Or, l’AMP considère que des inspections adéquates auraient permis de déceler le problème. Elle ajoute que la facture a aussi augmenté parce que le ministère n’a pas fait de tests préalables pour guider ses choix pour certains matériaux, choix qui se sont révélés inadéquats. Un banc d’essai a été fait seulement une fois que les travaux étaient déjà en cours – trop tard, selon l’AMP.

« Une meilleure identification des besoins aurait permis une meilleure planification des travaux, des économies considérables et une meilleure gestion des fonds publics », écrit-elle. Elle ajoute : « Dans une perspective de saine gestion des fonds publics, une identification plus rigoureuse des besoins avant le début des travaux, passant par des essais préliminaires des matériaux sélectionnés et des inspections en temps opportun, aurait permis de mieux anticiper les enjeux entourant la gestion de ces facettes du projet, de même que leurs conséquences économiques et logistiques. »

Dans le cadre de son examen, l’AMP a analysé plus de 2500 contrats et a rencontré plus de 200 intervenants – des représentants du ministère, des entrepreneurs, des gestionnaires et des ingénieurs.