(Ottawa) Le chef conservateur Pierre Poilievre a été « irresponsable », et il a voulu effrayer la population en qualifiant l’incident qui s’est produit mercredi à la frontière canado-américaine d’acte terroriste, accusent les libéraux. Le chef bloquiste Yves-François Blanchet, pour sa part, y a vu une façon de marquer des points politiques.

« Ce n’est pas quelqu’un chose que devrait faire un leader. C’est extrêmement irresponsable, et c’est de jouer avec les émotions et la sécurité des Canadiens », s’est insurgée la leader du gouvernement à la Chambre des communes, Karina Gould, jeudi.

« Le leadership consiste à rassurer les Canadiens. Il s’agit d’apporter du calme. Il s’agit d’assurer la sécurité, de ne pas instiller la peur, de ne pas les agiter. Nous devons nous demander dans quel but il a sauté à cette conclusion », a-t-elle aussi lancé.

Au début de la période des questions en Chambre, mercredi, alors que les informations de l’explosion d’une voiture à la frontière entre le Canada et les États-Unis faisaient tout juste surface, Pierre Poilievre a évoqué un acte de terrorisme.

« Nous venons d’entendre des reportages des médias concernant une attaque terroriste perpétrée à la frontière, à Niagara […] Est-ce que le premier ministre peut nous donner des renseignements par rapport à cette attaque terroriste ? », a-t-il demandé vers 14 h 24.

PHOTO ADRIAN WYLD, LA PRESSE CANADIENNE

Le chef conservateur Pierre Poilievre

Poilievre blâme CTV

Invité à revenir sur ses propos lors d’une conférence de presse à Toronto, jeudi, le chef conservateur a argué qu’il s’appuyait sur des informations relayées par CTV, et ce, non sans attaquer au passage la journaliste qui le questionnait.

Le hic, c’est que le réseau anglophone a publié vers 14 h 50 — donc plus d’une vingtaine de minutes après que le leader a parlé de terrorisme en Chambre — un article où coiffé de ce titre : « Le Canada opère en supposant que l’explosion d’un véhicule au Rainbow Bridge est liée au terrorisme (sources) ».

La séquence vidéo des salves lancées par Pierre Poilievre a été partagée sur les réseaux sociaux par sa cheffe adjointe, Melissa Lanstman, ainsi que par plusieurs organisations de droite comme Rebel News, True North et Canada Proud.

Pierre Poilievre a été le seul chef de parti à évoquer un acte terroriste. Et jeudi matin, le dirigeant bloquiste Yves-François Blanchet ne s’est pas privé d’établir un contraste entre sa réserve et la réaction, selon lui partisane, de son rival politique.

« Ma réaction immédiate et prudente hier suite à l’évènement à la frontière Ontario/USA. Prudente parce qu’on ne savait pas. Ce matin [jeudi], tout suggère que ça ne soit pas un attentat. Un autre chef a trop tôt parlé de terrorisme pour faire des points politiques », a-t-il écrit sur X.

Une réévaluation du risque terroriste demandée

Le chef de l’opposition était de passage dans une synagogue de Toronto jeudi afin de réclamer des « mesures conservatrices de gros bon sens » pour protéger les Canadiens. Parmi celles-ci figurent la demande de se pencher sur l’évaluation de la menace au Canada.

« Nous voulons que le gouvernement fasse une revue de son évaluation des risques de terrorisme », a-t-il déclaré, en rappelant que le Royaume-Uni a écrit dans ses conseils aux voyageurs pour le Canada que des terroristes étaient « très susceptibles de tenter de commettre des attentats ».

« Le gouvernement [du Canada] dit que le risque est minimum. Comment est-ce que ça se peut que le risque soit au minimum quand le gouvernement a dit qu’il y a eu une attaque terroriste contre des synagogues et des écoles juives à Montréal ? », a questionné Pierre Poilievre.

Le niveau de risque au Canada est considéré comme modéré depuis octobre 2014 — un mois marqué par deux attaques terroristes à Saint-Jean-sur-Richelieu et à Ottawa. Ce palier — il y en a cinq au total, soit très faible, faible, modéré, élevé et critique — signifie « qu’un attentat terroriste violent pourrait survenir ».

Par ailleurs, dans ses conseils aux voyageurs pour le Royaume-Uni, le gouvernement canadien recommande réciproquement de faire preuve « d’une grande prudence […] en raison de la menace terroriste » qui plane au pays.