(Ottawa) Le sénateur conservateur Don Plett s’est excusé jeudi après que deux sénatrices l’ont accusé d’intimidation physique et de harcèlement verbal au Sénat lors du débat sur un projet de loi sur la tarification du carbone, au début du mois.

Les mains tremblantes et la voix chevrotante à travers les larmes, le sénateur du Manitoba a déclaré que son comportement ce jour-là n’était pas acceptable.

« Ce que j’ai fait était mal, ce n’était pas professionnel, ce n’était pas convenable », a déclaré M. Plett.

« Je (regrette) la façon dont je me suis comporté ce jour-là. Je n’ai jamais eu l’intention de causer du mal ou de l’inconfort. Je reconnais que j’ai perdu mon sang-froid », a-t-il ajouté.

M. Plett a présenté ses excuses à la présidente du Sénat Raymonde Gagné ainsi qu’à la cheffe du Groupe des sénateurs indépendants, la sénatrice Raymonde Saint-Germain, et à la cheffe adjointe du groupe, la sénatrice Bernadette Clement.

Mmes Saint-Germain et Clement ont déclaré que le 9 novembre, après que Mme Clement ait proposé d’ajourner le débat sur un amendement proposé au projet de loi d’initiative parlementaire conservateur, M. Plett a « violemment » jeté son écouteur de traduction sur son bureau, s’est précipité à travers le Sénat et a commencé à les réprimander.

Mme Clement a déclaré qu’elle avait cherché à ajourner le débat parce qu’il y avait des sénateurs qui n’étaient pas présents dans la salle et qui voulaient parler de l’amendement.

Elle a été si effrayée pendant la tirade qu’elle « a juste figé », a-t-elle relaté dans une entrevue.

M. Plett a ensuite tourné sa colère contre la présidente, arguant qu’elle avait reconnu Mme Clement avant les autres sénateurs qui étaient déjà debout et attendaient de parler du projet de loi.

Question de privilège

Mme Saint-Germain a soulevé une question de privilège mardi concernant l’incident, avançant que ses privilèges en tant que sénatrice avaient été violés. Mme Clement a soutenu cette affirmation.

M. Plett a déclaré jeudi qu’il n’était pas d’accord sur le fait qu’il s’agissait d’une question de privilège, car aucun sénateur n’a été empêché d’exercer son droit de parole ou de vote à la Chambre à la suite des évènements.

« Ce qui s’est passé dans cette enceinte le 9 novembre et ce que certains sénateurs ont fait sur les réseaux sociaux, aussi offensants qu’ils puissent être, ne sont pas couverts par le privilège », a-t-il déclaré.

Intimidation

Mmes Saint-Germain et Clement ont également affirmé que certains sénateurs avaient partagé une publication sur les réseaux sociaux qui, selon eux, était à l’origine d’un barrage d’appels téléphoniques haineux, dont un qui a obligé Mme Clement à quitter son domicile sur les conseils de la police.

Le leader conservateur à la Chambre, Andrew Scheer, a publié la photo et les coordonnées de Mme Clement, ainsi que les coordonnées de la sénatrice Chantal Petitclerc, sur la plateforme X. Le message exhortait les gens à les appeler pour leur demander pourquoi ils mettaient fin au débat.

Tout cela s’est produit alors que la fureur suscitée par le projet de loi sur la tarification du carbone a fait monter la température au Sénat.

Le projet de loi a été présenté par le député conservateur Ben Lobb en 2022 et adopté par la Chambre des communes plus tôt cette année avec le soutien de tous les partis, à l’exception des libéraux.

La législation prolongerait les exemptions du prix du carbone pendant au moins huit ans au propane et au gaz naturel que les agriculteurs utilisent pour chauffer les bâtiments et sécher les céréales. Une fois la dernière étape du débat au Sénat terminée, si le projet de loi n’est pas amendé, il lui faudra une voix pour devenir loi.

Le chef conservateur Pierre Poilievre, qui s’engage à « supprimer » le prix du carbone s’il est élu premier ministre, a lancé une campagne acharnée pour faire adopter le projet de loi à la suite de la décision des libéraux le mois dernier d’exclure le mazout de la tarification du carbone pour trois ans.

Les libéraux affirment que cette mesure visait à donner aux gens plus de temps et d’argent pour remplacer les chaudières au mazout par des thermopompes électriques.

Les conservateurs, dont M. Plett, ont accusé les sénateurs, dont Mme Clement, de conspirer avec le cabinet libéral pour faire échouer le projet de loi, ce qu’ils nient.

Guilbeault ne démissionnera pas

Mercredi au Sénat, M. Plett a accusé le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault d’avoir tenté de faire pression sur les sénateurs pour qu’ils votent contre le projet de loi, alors que M. Guilbeault était au Sénat pour répondre aux questions des sénateurs.

M. Plett a demandé à savoir combien de sénateurs il avait « fait pression pour qu’ils votent contre ou vident ce projet de loi et refusent à nos agriculteurs l’allégement fiscal dont ils ont désespérément besoin », et si ses efforts étaient motivés par sa promesse de démissionner si une nouvelle exclusion du prix du carbone se produisait.

M. Plett faisait référence à un commentaire fait par le ministre plus tôt ce mois-ci, promettant que « tant que je serai ministre de l’Environnement, il n’y aura plus d’exemptions à la tarification du carbone ».

« Monsieur le ministre, tiendrez-vous votre promesse et démissionnerez-vous si le projet de loi C-234 est adopté dans sa forme originale ? » demanda M. Plett.

M. Guilbeault a répondu qu’il n’avait pas dit qu’il démissionnerait et qu’il n’avait fait pression sur aucun sénateur.

Il a déjà reconnu avoir appelé une demi-douzaine de sénateurs pour qu’ils parlent du projet de loi, mais il a insisté sur le fait qu’il leur donnait simplement la position du gouvernement, sans les forcer à voter contre.

« Avec tout le respect que je vous dois, sénateur, il y a un monde de différence entre parler à quelqu’un et lui faire pression ou l’inciter à faire quelque chose ou à voter d’une certaine manière », a soutenu M. Guilbeault.